Le clan des disparus

18 - Fanrei

Tw : Incinération, description morbide

Fanrei plongea dans la mixture poisseuse une des bandelettes de tissu. Il enleva le surplus et enveloppa la main squelettique. Il avait été choqué par la qualité du corps, après presqu'un an dans l'humidité et parmi les rats, le cadavre ne s'était pas décomposé et semblait seulement dormir.

Fanrei avait mis plusieurs minutes à se remettre psychologiquement, puis à oser toucher le corps. Encore maintenant, il espérait le voir ouvrir les yeux et faire en sorte que tout redevienne comme avant.

Il continua d'envelopper le corps, passant dorénavant à l'embaumement de la tête. C'était étrange et abominable. Il eut un grand respect pour les fossoyeurs car être avec un corps était la chose la plus malaisante et morbide qu'il est faite. Peut-être parce qu'il l'avait connu de son vivant.

Il se leva et tenta d'enlever le sable et la graisse funéraire qui s'était collé à lui. Il alla chercher le bois et la paille, puis forma un bûcher médiocre. Il y plaça le corps et s'en alla dans la mer calme. Il se nettoya un maximum et revient auprès du corps.

Il prit un bâton plus grand et solide que les autres et commença à tracer des signes dans le sable de la plage. Il regarda plusieurs fois s'ils étaient conformes à ceux du texte. Il se demanda un instant pourquoi suivait les instructions d'un livre parlant d'un vieux peuple disparu mais il continua.

Il finalisa le processus en s'approchant une dernière fois du corps. Il déposa un bijou de front en émeraudes sur la tête du mort, une broche en saphir sur le cœur et une autre symétriquement ornée d'un rubis.

Il n'avait pas très bien compris ce passage du vieil ouvrage. Il avait trouvé étrange la pratique de brûler les morts avec une pierre précieuse ou semi-précieuse.

Il prit le reste de liquide inflammable et le déversa sur le sable en suivant ses tracés. Il fallait qu'il se dépêche pour que la mer n'emporte que les cendres. Il déposa sur le corps ce qui restait d'huile et de bois puis alla se placer à l'extrémité du dessin.

Il prit sa besace et s'agenouilla dans le sable. L'albinos prit deux pierres à feu et les fit s'entrechoquer. De petites étincelles se créèrent sans jamais s'intensifier. Il avait peut-être raté la mixture combustible.

Il tenta alors de créer un feu à côté. Il se rapprocha de la terre et prit une pleine poignée d'herbes sèches. Il réussit après plusieurs essais à créer un petit foyer. Il souffla sur les braises naissantes puis les mit en contact avec l'huile.

Il recula immédiatement devant les flammes monstrueuses qu'il venait de créer. Elles lui arrivaient au niveau de sa taille et elles suivirent le dessin qu'il avait tracé. Elles formèrent le cercle principal, puis le secondaire et suivirent les lignes droites qui formaient un losange autour du bûcher.

Le feu se mit à manger le bois, puis le corps. Les flammes redoublèrent de tailles, elles dansaient dans une valse de couleurs rouge et orange.

Il s'assit dans le sable humide et regarda le spectacle macabre. Il ramena ses genoux près de sa poitrine et se remémora ces souvenirs en compagnie du mort.

Il resta sans doute plusieurs heures devant le bûcher, à regarder le corps se consumer. Il se leva et remonta la plage pour retourner au palais abandonnant les cendres fumantes.

Il se retourna une dernière fois sur la digue pour observer l'océan emmener les restes de son rituel. Il ne restait rien, les derniers symboles se faisaient effacer par l'océan.

Subitement, l'eau se mit à émir de la lumière. Elle ressemblait à une rivière rouge et verte partant vers des contrées lointaines.

Fanrei sourit. Dorénavant, Samay était libre, ses cendres parcourant les flots du monde.