Chapitre 20

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- Friday, sécurise l'atelier

- Bien, monsieur

Un voile blanc passa devant les yeux d'Ayo tandis qu'elle percevait des volets en métal condamner les fenêtres. Elle sentit ses jambes chanceler et tomba lourdement sur le sol.

- Tony... Que m'as-tu... Fait ?

- J'ai mis du sédatif dans ton café.

- Quoi ? Mais... C'était il y a... Plusieurs heures ! S'exclama Ayo dont la voix se faisait de plus en plus faible.

- Déclenchement différé. Une idée de Fury, le Shield m'en avait commandé un stock considérable à l'époque.

- Tony... Crois-tu vraiment pouvoir me briser ? Menaça Ayo qu'une aura violette commençait déjà à entourer.

- Te briser ? Non. Te faire plier, oui, répliqua Tony en appuyant à nouveau sur la branche de ses lunettes.

Ayo luttait pour reprendre le dessus. Il lui aurait suffit d'utiliser le pouvoir de Baast mais dans cet espace clos et aussi petit, le milliardaire n'y aurait pas survécu. Elle allait invoquer les anciens quand une voix qu'elle n'avait pas entendue depuis très longtemps s'éleva dans l'atelier.

- Bon sang, T'Chaka ! C'est de ta fille dont il s'agit !

Ayo se figea, incapable de poursuivre son invocation.

- Edith, tu sais très bien que c'est impossible...

Ce qui était impossible, pour Ayo, c'était d'entendre les voix de ses parents. Elle regarda autour d'elle, mais ne vit rien que du blanc, l'atelier lui-même avait disparu. Seul Stark se tenait encore derrière elle, écoutant ce qu'elle entendait, regardant ce qu'elle revoyait.

- Alors tu vas la laisser mourir ? Par orgueil ? Il est grand temps d'assumer tes infidélités, T'Chaka !

Ayo se souvenait de cette conversation, elle ne devait avoir que quelques années. C'était avant qu'elle n'y soit enterrée pour la première fois, sa maladie progressait sans qu'aucun médecin ne puisse l'expliquer. Elle chercha au fond d'elle la présence de son père parmis les anciens mais la migraine la reprit. Toute la pièce tourna autour d'elle et devint sombre, lugubre. Ayo suffoqua en reconnaissant la pièce dans laquelle avait été enfermée durant des années. Pour un peu elle aurait sentit cette odeur pestilentielle qui l'avait suivie tant d'années.

- Tony... Sort de ma... Tête...

Bien loin d'accéder à sa demande, Stark avança sans gêne dans ses souvenirs. Il vit l'entre-deux, les anciens rois, les black panther. Il vit les nombreux allers retours entre sa prison et le monde des morts. Il vit un homme tenter d'abuser d'elle, il la vit s'ouvrir le ventre sans hésitation, puis repartir dans la terre rouge et l'entre deux. Il vit T'Challa, enfant, son visage déformé par la peur, il entendit son cri déchirer l'obscurité.

- Je t'en prie... Tony... Cesse cette folie ! Tu n'as... Aucune idée...

Ayo était à genoux, elle avait posé ses mains sur ses paupières closes. L'aura de Baast la recouvrait à présent entièrement et menaçait d'exploser. Au fond d'elle, les anciens se débattaient, essayant de se frayer un chemin jusqu'à la surface. Mais le milliardaire ne bougea pas et continua à observer.

Il vit les laboratoires du palais, le vibranium extrait de force de sa peau, revenant pourtant toujours plus dense, réabsorbant les morceaux brisés. Il vit cette femme, cette Edith, sa mère, réussir à la faire sortir du Wakanda et l'emmener sur le continent Américain. Il la vit au volant d'une voiture, prendre une balle en pleine tête. Il vit le véhicule faire une embardée, les vitres se briser, le corps d'Edith aussi. Et puis les flammes, la fumée du feu qui se propageait autour d'elle. Il vit Ayo ramper pour s'extraire de l'épave et se relever sans aucune égratignure. Et il le vit, lui.

- Tiens donc, murmura pour la première fois le génie. Je vois que nous avons un point commun, Altesse.

Le soldat de l'hiver se tenait face à eux. Froid, dur, puis brisé et perdu. Il le vit supplier Ayo de l'achever, de mettre un terme à ses souffrances, de l'empêcher de faire du mal. La jeune femme du présent se redressa, à côté de son ombre du passé, les yeux ouverts rivés sur le sol. Elle ne voulait pas revoir ça, pas le revoir comme ça, pas le revoir tout court. Si elle croisait son regard... Pourtant... Elle releva la tête, tremblante, et plongea dans des yeux. Elle entendit vaguement Tony jurer derrière elle et sentit la pièce de transformer encore une fois. Le souvenir du soldat s'estompa pour laisser place à une porte noire et massive, lourdement cadenassée. Derrière elle, tout ce qu'elle avait enfoui depuis 5 ans. Une bombe à retardement.

Stark s'en approcha, déterminé, convaincu avoir trouvé ce qu'il cherchait. Il cogna sur le cadenas mais la porte lui résista. Il cogna plus fort et des lianes noires poussèrent du sol pour s'entremêler devant les poignées. Ayo n'avait pas décidé de plier. Alors Ironman entra en jeu et, des mains de son armure, Tony tira des rayons d'énergie lumineuses qui éblouirent la jeune femme. Elle continuait néanmoins de s'opposer et lui offrait une résistance qui à la fois le rendit admiratif et l'aggaça au plus haut point.

- Friday, puissance maximale.

- Mais, monsieur...

- Puissance maximale, Friday !

Toute l'énergie de l'armure se concentra en un mince laser, dirigé au centre de la porte. Ayo sentait ses forces l'abandonner, elle n'allait pas pouvoir tenir encore longtemps. Elle entendit la voix de N'Badia lui parvenir faiblement, du fin fond de l'entre deux.

- Mon enfant, cesse de te battre. Peut-être est-ce une bonne chose que de partager ce poids sur tes épaules...

- Non...

- Si, mon enfant, le temps est venu...

L'aura de Baast disparut subitement autour d'Ayo, comme éteinte, sa force retomba et porte vola en éclat.

Des dizaines d'images, de souvenirs, explosèrent dans tous les sens. Des dizaines de Bucky emplirent la salle sous les yeux médusés d'une Ayo qui rendait finalement les armes.

Ici, ils étaient assis au bord d'une falaise surplombant une forêt verdoyante. Leurs doigts entrelacés et leurs regards brûlants ne laissa pas de doute à Tony quant à la nature de leur relation et il sentit une bouffée de colère s'emparer de lui.

Là, Ayo caressait son visage endormi, apaisé, innocent. Elle jouait avec ses cheveux bruns, glissait ses doigts sur sa barbe.

Plus loin, elle soupirait au rythme des vas et viens de son amant. Ses ongles s'enfonçaient dans sa peau, le faisant gémir à son tour. Un feu crépitait paresseusement dans l'âtre à côté d'eux et leurs caresses se faisaient tout aussi langoureuses.

Là-bas, elle mourrait dans ses bras, allongée dans une marre de sang noir. Il la serrait contre lui, dévasté, et pressait ses lèvres contre les siennes dans un dernier baiser salé.

Mais l'attention de Stark fut attirée par un tout petit souvenir, caché derrière les réminiscences d'un Bucky au seul bras de chair, jouant avec les braises d'un feu de camp. Au fond de la pièce, comme dans une reconstitution miniature, Ayo luttait contre des mercenaires cherchant à entrer au Wakanda. Elle les terrassait sans effort et modelait des copies de leurs têtes qu'elle plantait sur des lances en vibranium avant de livrer les prisonniers à M'Baku. Elle recommençait encore et encore sur toutes les frontières du Wakanda.

Tony s'approcha et sa colère s'envola. Alors tel était ce secret qu'elle cachait... Il étegnit ses lunettes et libéra Ayo de leur emprise. La jeune femme fixait intensément le souvenir de leur danse au palais lors du grand banquet qu'avait donné son frère après les arrestations de Ravaka et N'Golo. Ils étaient heureux, tellement heureux... Près d'eux dansaient aussi T'Challa et Nakia, couple royal qui aurait dû régner en paix sur le pays. Quand les ombres s'estompèrent et que l'atelier reprit forme sous ses yeux, elle n'avait plus d'énergie. Elle se sentait vidée de toute force, de toute volonté, même de vivre. Elle se revit 5 ans en arrière quand Thanos avait fait voler ses rêves en poussière. Au fond de la pièce, le grand génie milliardaire serrait les poings :

- Merde...

Monsters Searching For Redemption [2] - La Gardienne du WakandaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant