Chapitre 5

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Clémence fut sortie de ses souvenirs par la sonnerie de son téléphone.

— Salut Adèle.

— Alors, comment ça s'est passé avec les sixièmes ?

— Très bien. Cependant, j'ai été étonnée d'y voir un élève que j'avais eu en quatrième la dernière fois : Jordan Servais.

— C'est vrai que tu lui avais donné cours il y a deux ans.

— Ne devrait-il pas avoir quitté Saint-André ?

— Le pauvre gamin a été hospitalisé un très long moment. Il a raté presqu'une année et a donc dû recommencer sa cinquième. Voilà pourquoi il est seulement en dernière année.... C'est dommage car il est loin d'être bête !

— Hospitalisé ? Pour quelle raison ?

— Je ne devrais pas te le dire mais comme il est dans ta classe, autant que tu sois au courant. D'après ses parents, durant les vacances qui ont suivi sa quatrième, il ne parlait plus et avait cessé de manger. Il avait même arrêté de dessiner pour te dire ! Il a alors fait un malaise et a été emmené à l'hôpital. Il y est resté plusieurs jours, le temps de reprendre des forces. Malheureusement, il ne voulait toujours pas s'alimenter et les médecins ont décidé de le transférer en psychiatrie. Il est resté dans ce service plusieurs semaines puis est revenu à l'école mais il n'était pas vraiment là, si tu vois ce que je veux dire. Ses parents l'ont donc renvoyé à l'hôpital et, en juin, il avait fait assez de progrès pour lui permettre de sortir et de reprendre une vie normale. Enfin, une vie normale, c'est vite dit car il n'est plus vraiment le même. Il ne dessine plus du tout et semble toujours triste comme s'il était... Comment dire...

— Vide.

— Oui, c'est tout à fait ça ! Enfin, il s'en est plus ou moins sorti et c'est le principal.

— Oui... elle marqua une pause. Sinon, pour les leçons, je peux te poser quelques questions ?

La jeune enseignante demanda quelques précisions afin de mieux aborder les cours puis mit fin rapidement à leur conversation. Elle était chamboulée par ce qu'elle venait d'apprendre. Elle culpabilisait de ce qui était arrivé à Jordan. Elle en était responsable : le timing collait trop. Ce soir-là, elle ne put rien avaler et sa nuit fut courte et agitée.

Le lendemain, Clémence alla se promener. Elle était revenue dans sa ville natale, près de ses parents. Son déménagement après Saint-André lui avait permis de prendre du recul mais elle ne se sentait pas chez elle. Alors, après deux ans, elle était revenue ici où s'étaient construits ses souvenirs. Au gré de sa promenade, elle arriva au parc. Elle déambula sur les nombreux sentiers qui le traversaient et elle observa les arbres, feuillus et épineux, qui l'arboraient puis elle s'assit sur un banc au hasard. Elle ferma

les yeux et pencha la tête en arrière. Elle resta là un moment à écouter les bruits qui l'entouraient. Cela l'apaisait et l'empêchait de trop penser. Soudain, une voix la fit sursauter.

— Pourquoi êtes-vous revenue ?

La professeure ouvrit les yeux et trouva Jordan planté devant elle, la fixant. Il était nerveux.

— Pourquoi êtes-vous revenue ?

— Bonjour, Jordan. Madame Michaux a demandé que je la remplace.

Il resta muet.

— Tu sais, Jordan, je ne pensais pas te revoir non plus. Je croyais que tu avais quitté cette école. Ce n'est qu'hier soir que j'ai appris ce qu'il t'était arrivé. Je suis...

— Non, vous ne savez pas ce qu'il m'est arrivé, la coupa-t-il. Personne ne sait vraiment.

— Jordan...

Les promesses du parcOù les histoires vivent. Découvrez maintenant