Double Six - T1

XIV - Doigts de fée

Noah

La jalousie, c'est quoi ?
Être jaloux, c'est ressentir un étrange sentiment d'hostilité.
C'est en voyant deux personnes proches, commencer à s'imaginer mille scénarios.
Être jaloux, c'est désirer quelque chose plus que tout.
C'est apprendre qu'une personne possède cette certaine chose, et ressentir un profond mal-être.
Être jaloux, c'est ne pas réussir à se réjouir des réussites d'autrui.
C'est sans réellement le vouloir, être égoïste et mauvais vis à vis des autres.
Être jaloux, c'est malsain. Tout simplement.

***

📍- Beverly Hills, États-Unis. Huit heures vingt-sept.

- Une pièce d'identité ?

Ma main tire mon portefeuille en cuir de la poche de mon pantalon, récupérant ensuite à l'intérieur la petite carte plastifiée demandée par la secrétaire. Cette dernière l'analyse, vérifiant que les informations notées dessus concordent avec mon dossier avant de me la rendre, un petit sourire gêné au coin des lèvres.

- Bien, acquiesce-t-elle en pianotant sur les touches du clavier de son ordinateur. Vous m'excuserez monsieur Cooper, mais c'est simplement la procédure à suivre.

- Aucun problème, la rassurai-je en me penchant imperceptiblement en direction de son bureau. Vous ne faîtes que votre travail.

La femme hoche dubitativement la tête, tout en continuant de faire danser ses doigts sur les touches de son laptop. Le discret cliquetis me détend, résonnant à mes oreilles telle une agréable mélodie.

- Voilà, termine-t-elle en enregistrant mon dossier dans la base de données. Vous êtes attendus au cinquième étage, qui est entièrement consacré au shooting du jour. Votre manager est déjà arrivé il y a quelques minutes. Les ascenseurs se situent juste là, sur votre gauche. Bonne journée.

- Merci, soufflai-je en replaçant correctement la chaîne en argent qui entoure de mon cou. De même pour vous.

Mes jambes se dirigent ensuite vers la direction indiquée, trouvant rapidement les trois ascenseurs alignés au bout du couloir. Mon doigt se presse contre le bouton d'appel, un léger stress montant fiévreusement en moi tandis que les numéros défilent devant mes yeux dans l'ordre décroissant.

Les deux portes de métal de l'appareil du milieu finissent par s'ouvrir devant moi, dévoilant la cage d'acier aménagé d'une vitre de verre au fond. Ma déglutition se fait difficile, alors qu'une nouvelle pression ferme les battants coulissants et permet à l'ascenseur d'entamer son ascension.

Déjà plus de trois ans que mes pas suivent ceux des plus grands mannequins de ce monde, évoluant graduellement auprès des marques de luxe toutes aussi renommées les une que les autres. Et pourtant...

Malgré toutes ces années il y a encore cette appréhension, cette crainte qui réside en moi et pointe le bout de son nez avant chaque séance photo. Cette peur, ce stress qui, au lieu de me paralyser, m'aide à avancer et à donner le meilleur de moi-même.

Prendre la pose, regarder l'objectif, ne pas ciller face au flash, transmettre des émotions à la caméra, mettre en valeur la pièce maîtresse...

Le mannequinat est tout un art, que ce soit pour les campagnes de publicités ou les défilés de mode. C'est un monde à part, ardu mais palpitant. Un univers de beauté et de classe, où se mêlent les anges et les démons.

Il y a quelques années, m'imaginer mannequin relevait du délire et de l'impossible. C'était irréalisable, mais surtout cela ne m'intéressait pas. Peut-être à cause de ma mère...