Les enfants de Samhainn : L'éveil

La magie du sang

Un Soleil de sang qui éclaire la nuit noire.

En ce soir d'automne, certains ne se mêlaient pas à la foule de profanes qui erraient dans les rues de Seattle. Comme chaque soir d'Halloween, ces humains inconscients récoltaient le maximum de bonbons qu'ils pouvaient amasser. La pandémie qui avait eu lieu quelques années plus tôt venait enfin de s'endiguer et la vie reprenait son cours. Du moins, c'était ce qu'ils espéraient. Nul ne se doutait que ce virus mortel n'était pas l'œuvre de ce Dieu qu'ils vénéraient tant. Ce n'était pas non plus du ressort de la nature qui les entourait. Cela était le fruit d'âmes dissidentes qui cherchaient à faire régner le conflit et la terreur. Cela avait été une réussite. Malheureusement pour eux, ils ne s'attendaient pas à ce que cette stratégie vint empiéter sur ses alliés.

Phénomène pas si naturel que cela qui avait décimé un bon quart de l'humanité. Cela avait mis tout le monde en alerte, mais dix ans plus tard, personne ne semblait s'en soucier. Les politiques écologiques avaient fait leur grand retour pour venir en aide aux espèces protégées. Le véganisme prenait de plus en plus d'ampleur. A croire que la catastrophe qui s'était abattu avait retiré un certain bénéfice. On respirait mieux car on polluait moins. La couche d'ozone s'était totalement réformée et certaines espèces animales avaient ressurgi de lointaines abysses. A croire que les miracles existaient. La conscience humaine s'était enfin éveillée.

Ces humains qui détruisaient tout sur leur passage avait enfin pris le temps de réparer leur erreur. Tout cela à cause d'une prétendue crise de la planète bleue. S'ils savaient... Cela n'avait rien de naturel. Au contraire, cette épidémie relevait du surnaturel. Des forces obscures qui avaient été convoqués pour abattre la maladie et la tristesse. Pour faire en sorte que des nations entières en vinrent à s'effondrer. L'effet escompté n'avait pas eu lieu et cela rassurait ceux qui avaient connaissance de l'origine du fléau. Cela les rassurait de savoir qu'il existait une limite à leur puissance. Un pouvoir ancestral qui leur avait été confié par les dieux anciens.

Hélas, comme toutes les créatures de ce monde, il y avait les conscients et les inconscients. Ceux qui descendaient de ces êtres supérieurs avaient conservé leur anonymat et leur secret. En même temps, l'Histoire leur avait enseigné qu'il fallait se méfier des humains. Ils savaient que la différence les effrayait. Tant que ces êtres si fragiles demeuraient dans l'ignorance, ils ne pourraient rien faire.

Quoiqu'en ce siècle où leur espèce ne cesse d'être plébiscité, il serait presque improbable qu'ils fussent de nouveau chassés. Ces êtres à l'apparence d'hommes et de femmes se fondaient parfaitement dans le décor. Ils faisaient en sorte de sa camoufler à la populace même si cela leur sortait par les orbites. Ils profitaient de secrètes cérémonies pour pratiquer leur art occulte. Cet art qu'on leur convoitait tant. Même si leur sécurité n'était pas en jeu, ils préféraient demeurer dans l'ombre car l'humain était imprévisible. Il était si facile de le manipuler pour qu'il vint adhérer à d'horribles doctrines et des massacres en tout genre. Prudence était mère de sûreté.

Pour ce soir d'Halloween, les membres des divers covens de la ville de Seattle se réunissaient. Il y avait un coven par quartier car la ville était immense. Cela menait donc à treize coven avec deux chefs qui géraient toute la ville. Ces derniers étaient élus tous les six ans par l'ensemble des sorciers et sorcières qui avaient plus de seize ans, âge nécessaire pour maîtriser ses capacités magiques. Cette année, le rassemblement se faisait dans le quartier de Lake City car le mouvement diminuait les chances de se faire prendre. Alors que les rues étaient bondées de personnes déguisées prêtes à amasser des sucreries, certaines âmes errantes préféraient se terrer dans des bars et se saouler jusqu'à se retrouver eux-mêmes à moitié morts. Parmi ces établissements de boisson, l'un d'eux se démarquait car on disait qu'il conservait son charme historique. Simple échoppe située à une quinzaine de minutes des résidences, engoncée entre une laverie et une boutique de souvenirs, elle savait se démarquer tout en étant discrète. L'édifice était fait d'un chêne solide, éprouvé par le temps, mais résistant aux pires tempêtes. Tout dans sa façade invitait à un voyage de plusieurs siècles car elle avait un style renaissance, certains endroits étaient légèrement dépeints, les escaliers grinçaient et la porte d'entrée était reliée à une clochette avertissant les occupants des lieux d'une nouvelle arrivée. Décidément, le bar nommé Sous les apparences invitait les plus grands poivrots à prendre une chaise et s'installer au bar. Ce bar aux couleurs froides et impétueuses dont les meubles avaient au moins deux siècles de retard. Quelques tableaux accrochés ici et là ressassaient des périodes historiques mémorables telles que la découverte du Nouveau-Monde, la Révolution française, la prise de l'Inde ou encore le procès de Socrate. Les chaises, les tables et les installations électriques permettaient de mélanger authenticité et modernité dans un seul lieu, la musique n'étant jamais trop forte sauf quand le barman était d'humeur taquine. S'il s'agissait principalement d'un bar-restaurant, il y régnait une ambiance conviviale et paisible. En journée, il n'était pas rare de voir des étudiants venir réviser ou des familles s'arrêter pour un repas. Les nuits festives, servir des mets jusqu'à des horaires indécentes permettait au gérant de faire des bénéfices tout en conservant une atmosphère légère car si plusieurs femmes et hommes finissaient saouls, rares étaient les émeutes. Certaines rumeurs prétendaient que cet endroit était hanté d'une aura mystique et délétère, ils ignoraient à quel point cela était vrai. Sous les apparences était un jeu d'esprit formé par le propriétaire de ces lieux car son sous-sol n'abritait pas que des stocks de boisson. Si une partie n'était que la cave à vins, le reste était un refuge propice aux pratiques occultes.