IV - Impact

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Le lit avait été refait. Les couvertures vert foncé étaient sobrement pliées, longues et parallèles, comme deux tissus mortuaires, au bout desquelles était posé un oreiller pour chacune. Les draps propres sentaient bon la lessive, et embaumaient la chambre entière, dont les murs avaient été dénudés – plus de photos, plus de posters, plus rien. Le synthétiseur avait été débranché, les altères avaient été rangées. Un froid glacial y régnait, rendant le silence de la pièce encore plus fort. Paralysant. Tout au fond de la chambre s'était réfugié un berceau de bois, blanc cassé, tapis dans un coin d'ombre. La fenêtre fermée, seule la porte entr'ouverte autorisait un rai de lumière à entrer. Passé la porte se découpait le couloir carrelé de blanc. En face la salle de bain, dont l'accès grand ouvert permettait de voir la nudité de celle-ci : il ne restait simplement plus rien. Les placards étaient restés ouverts, débarrassés des médicaments, des brosses à dents, des serviettes, des produits de beauté. La blancheur imperturbable de cette pièce était étrange. Trop calme. Comme si elle avait été abandonnée depuis longtemps, qu'elle se préparait à voir un drame, ou qu'elle en avait vu un. En remontant le petit couloir, on accédait au salon, la plus grande des pièces de cette maison, qui avait subi le même sort que la chambre : le peu de décoration qui y vivait auparavant avait été supprimé. Ne restaient que la table et les chaises, posées au centre de la pièce, immobiles, comme transies de peur.  Plus loin, dans la cuisine, tout était rangé impeccablement. Tous les couverts avaient été nettoyés, consciencieusement, un par un, et rangés avec minutie dans les tiroirs. Les assiettes formaient des piles bien organisées et respectueuses, bien disposées derrières les portes des placards. Le plan de travail était propre, l'évier sec. La porte d'entrée était ouverte sur la rue, déserte à cette heure de l'après-midi. Le vent gelé de l'extérieur pénétrait dans la maison, slalomait dans les pièces puis ressortait en vitesse. Le vent tremblait. Pas de froid. En s'en allant il courait sur la pelouse, parfaitement tondue. Pour la première fois depuis des mois et des mois, le petit rectangle verdoyant avait été rafraîchit, égalisé. Les brins d'herbes formaient des lignes régulières et répétitives, se suivaient, aveugles et sourdes, imperméables aux questions. Derrière la maison, les arbres avaient été élagués, et les haies en bordures ne dépassaient plus. Tout ce jardin respirait l'ordre curieux, la fausseté. Un arbre, au fond, penchait un peu, au dessus d'un carré de terre retournée, seul endroit où l'herbe n'osait plus s'aventurer. Le carré faisait cinquante centimètres de côté, et se découpait bizarrement dans le jardin. Heureusement, le silence de la pelouse n'attirait pas l'attention sur le lui, qui pourtant pleurait très fort. Parfois le silence est plus lourd que les pleurs. Un peu plus loin, l'annexe qui servait de garage avait son portail relevé. Une pelle bizarrement rouge (peut-être de honte ?) gisait par terre, dans la poussière. La voiture n'était plus là. Elle n'allait pas revenir. 

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⏰ Last updated: Nov 13, 2023 ⏰

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La maison de l'apesanteurWhere stories live. Discover now