retard

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Toute cette histoire m'était un peu sortie de la tête depuis qu'il est rentré à Paris.
Je blaguais un peu sur le sujet de temps en temps, sans jamais vraiment prendre conscience de tout ça.
Je crois qu'en fait j'avais pas si peur que ça.
De toute manière, j'ai fait ce que j'avais à faire, hein ? J'ai fait les choses bien, pas vrai ?






Non, bien-sûr que non.
Je me suis rendue à la pharmacie, au dernier moment en plus, puis j'ai pris le comprimé, et j'ai arrêté d'y penser. Et voilà.

Sauf que c'est pas ça, faire les choses bien, c'est pas essayer de rattraper ses conneries une fois qu'on les a faites, c'est pas boire à outrance et se coucher dans les bras d'un autre pour oublier que c'est arrivé.

Je fais jamais rien de bien.
Et maintenant, j'ai quatre jours de retard.







Putain mais qu'est-ce qui tourne pas rond chez moi ?
Pourquoi je suis incapable de faire les choses correctement ?

Je sors plus de chez moi, je parle plus à personne, je laisse toute la bouffe pourrir dans le frigo, et quand je regarde dans le miroir sale de la salle de bain, je reconnais plus le reflet qui s'y trouve.
Je ne suis plus rien d'autre qu'une pouilleuse au regard vide qui peine à respirer.

Pourquoi je suis comme ça ?
Et pourquoi je donne le peu qu'il me reste à ces garçons qui n'en valent pas la peine ?
Pourquoi est-ce que je les laisse me voler mes derniers soupirs ?




Quand je lui ai dit qu'on avait fait une connerie, il a eu l'air surpris, comme si c'était pas une évidence. Il comprenait pas et sur le moment j'avais trouvé ça stupide.
Mais j'ai réalisé que la plus stupide dans cette affaire c'était moi, parce que moi, moi je savais que c'était une connerie.
Et je l'ai faite quand-même.

Je savais aussi pertinemment qu'il était pas celui qu'il prétendait être, pourtant je l'ai laissé toucher mon cœur du bout de ses longs doigts. J'ai laissé sa voix bercer mes nuits pendant des mois, je me suis laissée rêver de nous, je me suis laissée croire à un miracle, à une chose qui pour une fois n'était pas vouée à l'échec.
J'avais tort et je le savais. Mais je l'ai laissé me décevoir quand-même.

Il a essuyé mes pleurs d'un regard fatigué, il a décidé d'écourter son voyage de moitié, il est rentré à Paris et depuis je l'ai presque oublié.

Sauf que maintenant il y a ce petit bout de lui qui est peut-être en train de pousser en moi, et je ne sais pas quoi faire.
Je dois acheter un test mais je suis toujours incapable de sortir de chez moi.



Et qu'est-ce que je ferais si c'est positif ? Est-ce que j'aurai une révélation ?

Est-ce que j'aurai envie de le garder ? Est-ce que devenir maman, ça fait grandir ?

Est-ce que mon chagrin va se dissiper ? Est-ce que mes seins vont grossir ? Est-ce que je serais capable de nourrir une autre bouche alors que nourrir la mienne m'est déjà impossible ?

Est-ce que je vais me mettre à pleurer ? Est-ce que je vais l'aimer encore plus que j'ai cru aimer son géniteur ? Est-ce que je me tromperais encore une fois ?

Et s'il avait des problèmes à cause de tout l'alcool que j'ai bu ?
Et si j'étais incapable de m'occuper de lui, tout comme j'ai été incapable de m'occuper de mon lapin ?
Et si je le détestais tout simplement ?

Si c'est positif...Alors peut-être qu'il sera temps d'enfin faire les choses bien, au lieu de me laisser enliser dans la torpeur avant de réaliser, un cendrier débordant posé sur mon ventre rond, qu'il est trop tard.
Mais est-ce que j'arriverai à faire les choses bien, cette fois-ci ?
Ou serai-je une fois de plus incapable de bouger ?

Plus le temps passe et plus je me trouve de points communs avec ma mère.
Si les filles sont ainsi destinées à ressembler à leur maman, alors j'espère que le résultat sera négatif.
Je ne veux pas donner naissance à un être infirme et répugnant.



On est en plein mois de juin, il fait chaud, l'année scolaire touche à sa fin, je n'ai pas de cavalier pour le bal et je ne veux pas avoir à m'occuper de quelqu'un d'autre.
Je veux qu'on s'occupe de moi.

chifoumiHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin