Sur ce toit

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C'était enfin le jour tant attendu. Shona n'avait presque pas fermé l'œil de la nuit et elle avait attendu patiemment que ses parents s'en aillent l'un après l'autre. Il n'était que dix heures, mais elle trépignait déjà d'impatience à l'idée de sortir. C'était quelque chose de si étrange ; toutes ces années passées dans la pénombre, toutes ces années sans lumière sans chaleur, elle allait enfin pouvoir effacer tout cela de sa mémoire.

Elle commença par prendre son petit déjeuner. Ses deux frères étaient déjà en train de jouer et pourtant cette fois-ci Shona ne ressenti aucune jalousie, elle même s'apprêtait à sortir aujourd'hui contre l'avis de tous. Après avoir englouti son repas, elle se dirigea vers sa chambre et prit un son journal intime. Elle n'écrivait presque jamais dedans mais aimait de temps en temps marquer les rares pensées joyeuses qu'elle avait. Elle prit son plus beau stylo et s'installa sur son lit, de son écriture de fillette elle se mit à écrire :

"Cher journal, je sais que je ne t'ai pas utilisé ces derniers temps, mais comprends moi, il ne se passe jamais rien dans ces maisons pourrie. Mais aujourd'hui, je vais enfin vivre mon rêve, je t'en avais surement déjà parler, je me souviens plus. Je vais enfin sortir, bon maman et papa sont pas au courant mais parfois il faut écouter son cœur.

Tu vois, toutes ces fois où je suis sorti c'était seulement pour aller chez le médecin, maman me couvrait avec un pull et je ne pouvais presque pas le voir parce qu'il commençait déjà à se coucher en partant. Tu imagines bien qu'en rentrant il faisait nuit. C'est nul, je sais, et c'est pour ça que j'ai décidé de prendre les choses en mains.

En plus journal, tu sais que je veux juste être heureuse, je sais très bien que personne ne sera content mais moi je veux ça. C'est mal d'être égoïste quelques fois ? Après tout, je sais très bien que maman et papa veulent juste me protéger. Mais parfois j'ai l'impression qu'ils m'étouffent, je sais plus vraiment s'ils font tout ça pour moi ou pour eux. Je suis pas en sucre et je veux le leur prouver. Hier, j'ai dit à maman que je voulais plus juste vivre comme si un monstre m'attendait dehors, je veux vivre pour ne pas mourir de chagrin. C'est dur de faire entendre ma voix, mais j'espère qu'ils comprendront.

Je sais plus vraiment quoi dire, je suis très contente et j'espère que je pourrais écrire encore ce soir pour te raconter ma journée."

Elle referma son petit cahier qui lui servait de journal intime et s'allongea sur le lit avec un livre en attendant qu'il soit l'heure parfaite pour sortir.

*

Il était enfin temps, elle avait passé son temps à penser à tout ce qu'elle allait faire sur le toit une fois qu'elle y serait. Elle savait très bien que ce n'était pas bien mais jamais elle n'avait été plus heureuse.

Elle s'engouffra dans le long couloir puis prit les escaliers pour aller jusqu'en bas. Une fois au rez-de-chaussée, elle courut vers le petit salon sans se soucier de savoir si tout le monde se reposait déjà, elle fit abstraction de ses frères dans le salon adjacent. Ils étaient, comme prévu, en train de comater dans le canapé dans les positions attendues.

Arrivée dans le petit salon elle prit le temps de respirer un bon coup, ses mains tremblaient légèrement d'excitation et elle ses yeux pétillaient de joie. Shona ne pouvait plus contenir son impatience et elle se rua sur la baie vitrée en tentant de faire le moins de bruit possible. Un grincement aiguë trancha la silence tant travaillé et Shona s'arrêta quelques instant afin de vérifier que personne n'arrivait. Elle poussa un soupir de soulagement avant de se remettre au travail. La baie vitrée assez ouverte pour qu'elle passe son corps, elle commença par sa jambe gauche. La sensation de l'herbe sous son pied était si différente des autres fois, elle était chaude et chatouillait la plante de son pied. Pris d'un élan d'allégresse, elle posa son autre pied et se mit à courir dans le jardin. Elle restait à côté de la baie vitrée pour qu'on ne la voit pas et prit soin de ne faire aucun bruit pour ne pas attirer l'attention. Une fois qu'elle eut fini de se défouler dans l'herbe, elle vit l'échelle et, avec un sourire énorme sur son visage, elle commença l'ascension.

Soleil lunaireWhere stories live. Discover now