27-La Plus Belle Fleur Du Bal (1/2)

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— Je peux ouvrir les yeux maintenant ?

Lizzie dut se hisser sur la pointe des pieds pour défaire le bandeau noir qui s'enroulait autour des tempes du  beau vampire. Elle tacha d'éviter les brûlures, qu'une lotion tout droit sortie d'un laboratoire vampirique adoucissait peu à peu, et glissa un léger baiser contre la commissure de ses lèvres.

— Maintenant, oui, lui murmura-t-elle, dans un sourire.

Des chandelles, de tailles et de largeurs différentes,   illuminaient la chambre.
Là où Tom et Lizzie avaient passé leur première nuit côte à côte. La où la porte avait été verrouillée pour éviter tout dérangement —ne sait-on jamais —. La où le plafond donnait l'impression qu'un nuage voguait dans une aurore claire.

Et c'était ce que ressentait Lizzie. La sensation de voler à nouveau. De flotter, de vibrer de bonheur.

Tom ouvrit les yeux. Il déplia une feuille de papier rêche, roulée et cachetée d'un sceau —celui des Blueheart — tandis que Lizzie attendit avec impatience sa réaction. Celle-ci ne tarda pas à éclaircir son charmant minois, le médusant de stupeur.

— C'est...

—Toi, compléta Lizzie en posant une main sur la sienne. Ou plutôt la reproduction d'un tableau affiché dans le plus  grand musée de Rabbit hole. Tu as sauvé la vie de son peintre.

Le sourire de Tom s'élargit sans qu'il ne détache un regard du dessin. Ses mains, tachées de brun, tremblaient un peu mais il contint la feuille désormais plus précieuse que nulle autre œuvre d'art.

Elle représentait un homme, couvert d'un uniforme blanc et rouge, de poussière et de boue, sur un champ de bataille. De son air grave aux centaines d'ossements qui s'amassaient sur la terre, Lizzie avait voulu tout reproduire du bout du crayon.

—  Tu étais un soldat anglais, je t'expliquerai ce qu'est l'Angleterre plus tard
Tu t'appelais Thomas Ferguson, tu travaillais pour le roi George III. Tu étais sur le point d'avoir un enfant porté par une femme des plus merveilleuses—Du moins j'imagine, si elle t'a épousé.

Les yeux de Tom brillaient. Il détacha une main de son portrait, pour la refermer contre la taille de sa petite amie, lui prouvant qu'à cet instant, elle seule méritait d'être à lui. Contre lui.

— Je... ne sais pas quoi dire, dit il ému aux larmes. Merci Lizzie. Merci infiniment.

Elle s'approcha encore, gracieuse, et cloua sur ses lèvres un nouveau baiser.

— Il fallait bien que j'aille dans le monde des humains pour une bonne raison. Et puis, tu me connais, j'étais curieuse.

Curieuse... Cette même curiosité qui l'avait poussée tant de fois dans les bras du danger. Mais comment lui en vouloir ? Sa soif de découverte, ses aventures, tout ce qui lui permettait de se sentir un temps soit peu libre... Tout cela l'avait empêchée de craquer et  de s'éveiller. En y pensant, Tom l'avait sauvée bien plus qu'il ne le croyait.

Elle avait finalement voulu lui rendre la pareille avec ce dessin.

Humain, Tom avait été heureux. Loyal, doux, aimant envers ses proches. Après sa mort, sa femme, de sang noble ne s'était jamais remariée. Son fils s'était éloigné le plus possible des armes, sûrement pour ne pas finir comme son père. Il avait préféré se tourner vers les lettres en devenant poète, partageant ainsi la passion de sa mère . Lizzie se rappelait du petit livre que gardait son petit ami dans sa bibliothèque : avait-il été écrit par elle ?

L' arrivée de Tom dans le monde des ombrumes restait lui aussi un mystère. D'après les archives, la trace humaine de Thomas Ferguson s'était arrêtée au beau milieu de l'hiver. Or aucun moustique ne s'était jamais aventuré par des temps aussi froids. L'humidité endommageait leurs rouages et les rendait inerte. Lizzie le savait mieux que quiconque : les moustiques vampiriques avaient été un temps son invention favorite

Rouge grenade (terminée) Where stories live. Discover now