35 - Le Cœur De Tom (1/2)

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Les jambes repliées contre son buste, Lizzie avait cessé de pleurer. Le sol lui paraissait aussi glacé que les neiges de la saison. Et ce n'était pas le maigre châle qu'un soldat lui avait apporté qui allait la réconforter.

Puisque son cœur entier était de glace.

C'est fini, nous allons mourir, se lamentait Étincelle dans sa tête parmi bien d'autres geignements. Sans avoir jamais cassé un vase par excès de colère, ni recouvert les robes de mère de boue ! Je pensais que ma mort, si jamais elle arrivait, serait un tant soit peu épique ! Pas recluse dans le cachot du roi des imbéciles , avant qu'un gentil soldat n'ait la stupide idée de passer une corde autour de notre cou ! Pauvre de moi ! Qu'ai-je fait pour mériter un sort si cruel ? Une si lente agonie....

Lizzie renonça à lui demander de se taire.
Ses pensées se tournèrent plutôt  vers Tom : comment réagirait-il en apprenant la nouvelle ?

Sans doute, essaierait-il de s'opposer à la décision de son roi— et l'avis tranché de sa propre sœur, ce qui étreignit davantage le cœur de Lizzie.

Tom ne devait pas se disputer avec eux. Parce qu'ils seraient tout ce qu'il lui resterait lorsqu'elle quitterait ce monde. À cette funeste idée, une perle d'eau roula le long de sa joue blanche, et égratinée.

Quand les gardes l'avaient saisie, la jeune fée avait tenté de se défendre. La manchette d'un des vampires lui avait répondu. Elle avait mis quelques secondes avant de comprendre que son secret, qu' elle avait enterré au fond de ses veines, allait se diffuser comme la peste au sein du château... puis dans le monde des ombrumes tout entier.

Tom, pitié, ne fais rien d'imprudent.

— Partez, s'il vous plaît !

A l'entente de cette voix sérieuse qui mugissait en haut des marches menant aux geôles, Lizzie sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Elle se colla aux barreaux, et attendit que de la pénombre qui l'emprisonnait, se dégage un halo lumineux.

— Bien, votre Majesté, répondirent les deux gardes à l'unisson, et le claquement de leurs bottes révèla qu'ils n'avaient pas désobéi .

Vêtu d'une cape mauve, Léo descendit sans couronne sur la tête. Ni chaperon à ses côtés. Une chandelle tremblait entre ses doigts, blondissait sa chevelure en pagaille et blanchissait son visage tracassé.
Il s'arrêta à plusieurs pas du cachot de Lizzie, et s'assit sur un tabouret de bois bancal.

La jeune fée  ignorait depuis quand cet objet n'avait pas servi mais ses pieds, rongés par le temps et les insectes, montraient que sa restauration ne semblait pas être le soucis premier du souverain.

A travers le flamboiement de la chandelle, elle distingua la cellule, à peine plus grande que la sienne, de son voisin de face.
Quand elle était entrée, les bras endoloris par la poigne des gardes, elle n'avait pu s'attarder sur l'allure des autres détenus, mais un détail l'avait troublée : une pellicule cristalline brillait sur leur silhouette amaigrie.

— Pourquoi il n'y a pas un bruit, ici ? demanda Lizzie d'une voix posée.

Sans appréhension, le roi accepta de répondre.

— Les autres détenus sont comme le reste du royaume, figés dans le cristal. Les cachots sont reliés par un couloir au palais ... mais ils sont derrière la barrière de protection. C'est l'une des brillantes idées de mon père,  que je n'ai pas pu changer sous peine d'un scandale.

— Mère me disait souvent, qu'être reine c'est donner l'apparence d'avoir les pleins pouvoirs, mais se restreindre à ne rien choisir par soi-même...pas même la couleur de sa robe.

Rouge grenade (terminée) Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt