Sous le plafond des angelots

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Une douce lumière passait par la fenêtre, déposant une délicate touche claire sur le parquet sombre. Il était encore tôt, le soleil montait timidement dans le ciel, derrière les nuages de coton qui le parsemaient, et de lui émanait une pâle lumière. La ville s'élevait lentement, certains avaient déjà dû partir travailler, c'était le cas dans le palais royal en tout cas.
Rindo était le seul membre de la famille royale à être réveillé à cette heure si matinale. Il était installé sur l'un des nombreux canapés placés dans la bibliothèque, tout près d'une fenêtre. Il ne portait qu'un unique peignoir en soie blanche, ses jambes étaient pliées sur le velours du canapé, et une tasse de thé fumante était posée sur le guéridon à ses côtés. Il tenait un livre entre ses mains, qu'il était occupé à lire depuis une bonne heure au moins.
Lire tôt le matin était très agréable, Rindo aimait beaucoup cela. C'était probablement l'un des meilleurs moment de la journée, car il pouvait être seul, profiter de sa propre présence, oublier ses devoirs royaux un instant, ne plus penser aux nombreux problèmes qui étaient arrivés dans sa vie récemment, et juste... être plongé dans un autre monde. C'était tout ce qu'il appréciait dans la lecture. Des livres, il en avait lu des montagnes entières, des essais, de la poésie, des livres étranges, de la philosophie, de la mythologie, des romances, des contes, des aventures. Rindo affectionnait particulièrement la littérature d'idée, il aimait surtout lire les idées des penseurs étrangers. C'était intéressant, et aussi très captivant. Mais il aimait aussi beaucoup les romans d'aventures. Il aimait tous les genres, et chaque récit le passionnait.
Cependant, c'était bien le seul de sa famille à lire autant. Oh bien sûr, tous les membres de sa famille s'instruisaient à travers la lecture, mais aucun n'était réellement passionné par cela, Rindo était le seul à pouvoir rester des heures à lire dans une bibliothèque.
Le jeune homme tourna une page de son livre et s'arrêta un instant, il prit sa tasse entre ses fins doigts pâles et la porta à ses lèvres. Le thé était brûlant, mais cela lui faisait du bien, et lui redonnait un peu d'énergie. Rindo était épuisé en ce moment, il ne dormait plus beaucoup, aujourd'hui il avait d'ailleurs sacrifié sa nuit pour lire tranquillement ici. Il avait du mal à dormir, il était en cruel manque de sommeil, et de petits et légers cernes étaient apparues sous ses yeux. Il fallait dire que ses nuits blanches, ses devoirs royaux et ses activités avec Haruchiyo lui demandaient beaucoup d'énergie.
Rindo voyait Haruchiyo tous les jours, comme prévu, il le faisait venir dans le palais en tant qu'homme de lettres avec qui il discutait, comme il avait toujours fait cela et invité des penseurs, cela ne paraîtrait pas suspect. Alors, Rindo pouvait le voir librement, Senju était même informée de leur entrevue, bien qu'elle n'en connaisse pas la réelle nature. De toute façon, elle n'y faisait pas vraiment attention.
Et il chérissait plus que tous ces moments qu'il partageait avec Haruchiyo. Ici personne ne venait les déranger, et même si quelqu'un entrait dans la bibliothèque, elle était si grande qu'il ne les trouverait pas tant ils étaient bien cachés. Rindo et Haruchiyo montaient à l'un des étages, ils s'asseyaient sur un canapé, et ils discutaient, ils pouvaient lire ensemble des heures entières, se parler de toutes sortes de sujets, allant de leur simple vie jusqu'à leurs rêves les plus impossibles. Ils restaient proches, dans les bras l'un de l'autre, parfois ils se taisaient et laissaient le silence leur faire profiter de leur présence. Et puis ils s'enlaçaient, ils se caressaient, s'embrassaient, et s'étreignaient sans jamais se lasser. Alors, Rindo ouvrait son kimono et le laissait tomber sur ses bras, il montait sur les cuisses d'Haruchiyo et le serrait dans ses bras alors qu'il devenait sien. Et il s'offrait à lui et le laissait parsemer sa peau de baisers. Et Rindo aimait cela.
Le jeune homme sourit en repensant à ces moments. Il les aimait plus que tout, et pour rien au monde il ne les échangerait. Cependant, il ne pouvait s'empêcher de craindre qu'un jour, tout cela soit découvert. Bien que les visites de Haruchiyo ne soient suspectes aux yeux de personnes, quelqu'un finirait par se rendre compte qu'ils n'étaient pas simplement amis. Senju et Takeomi vivaient actuellement au palais, si l'un d'eux, ou bien même ses parents, entendaient un bruit ou quoique ce soit... Cela serait un véritable drame.
Rindo et Haruchiyo ne devaient surtout pas être surpris, et ils devaient trouver un moyen pour continuer leur relation et se débarrasser de ceux qui pourraient leur poser problème. Rindo avait longuement réfléchi à un moyen de s'en sortir, et plusieurs idées lui étaient parvenues en tête, mais il était difficile de choisir la meilleure alternative. Est-ce qu'il fallait se débarrasser de Takeomi pour trouver un nouveau précepteur à Senju, et ainsi la faire épouser quelqu'un d'autre, ou bien est-ce qu'il fallait pousser Senju à renoncer au mariage ? Ou bien lui parler et lui expliquer la situation, peut-être qu'elle aussi désirait quelqu'un d'autre...
Enfin, cela allait bientôt être réglé puisque Rindo avait trouvé la solution parfaite. Ou plutôt, la personne parfaite pour régler son problème. Il lui avait écrit en début de semaine, et elle avait répondu positivement. Seulement, cette personne n'habitait pas ici, alors sa venue avait pris quelques temps mais... Elle devait arriver aujourd'hui, Rindo était très impatient. Il n'avait pas dormi de la semaine tant il avait hâte que cette personne arrive et s'occuper de Takeomi, ses problèmes allaient enfin pouvoir être résolus.
— Rindo, fit une voix derrière lui.
Le jeune homme sursauta légèrement et tourna la tête vers son grand frère, qui venait d'arriver dans la pièce.
— Ran, que fais-tu debout aussi tôt, demanda le jeune homme en se replongeant dans sa lecture.
— J'étais trop tourmenté pour dormir, je ne pensais pas qu'attendre un enfant pouvait être si angoissant, dit Ran en souriant.
Rindo lui rendit son sourire et l'invita à venir près de lui. Ran s'assit à ses côtés, et regarda un instant le plafond peint de petits puttis sur un ciel azur. C'était un magnifique plafond, le seul de tout le palais à avoir été peint dans un style italien. Les puttis étaient des petits enfants nus, souvent ailés, qui étaient peints autrefois dans l'Antiquité, ils représentaient l'amour et pour Rindo, ils étaient un peu comme des Cupidon. Il les trouvait beau, et il aimait bien leur signification. C'était sans doute l'un des plus beaux plafonds du palais.
— Cette bibliothèque va me manquer, murmura son frère au bout d'un moment.
— Tu n'y as pourtant pas passé tant de temps, répliqua Rindo sans lever les yeux de son livre.
— Non et pourtant, chaque fois que j'y allais, je te trouvais ici même, toujours dans cette position, à lire un livre, dit Ran avec amusement.
Un sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme.
— Les années passent et rien ne change, il faut croire, dit-il avec amusement.
— En effet. Voir mon petit frère plongé dans une lecture, sans doute passionnante, dès l'aurore va me manquer.
— Entendre mon grand frère arriver et me parasiter l'esprit me manquera aussi, répliqua Rindo en gardant un air indifférent.
— Tu n'es qu'un garnement Rindo, lança Ran en lui jetant un coussin.
Rindo sourit sournoisement.
— Ran, vraiment je ne te comprends pas, s'exclama-t-il en tournant enfin la tête vers lui. Comment peux-tu être aussi nostalgique et angoissé, alors que tu t'apprêtes à être père, et que tu vis avec une femme que tu aimes ! Tu parles comme si tu quittais le palais pour la première fois, je te rappelle que cela fait longtemps que tu ne vis plus ici.
— Bien sûr, mais une fois que je serais père, je pourrais moins venir ici.
— Oh crois-moi, tu préféreras rester avec ton enfant et ta femme.
— Mon petit frère me manquera tout de même. Et puis, j'aimerais être là pour t'aider avec tous ces devoirs royaux, et ton mariage.
Rindo perdit son sourire.
Bien sûr, Ran n'était pas du tout au courant de tout ce qui lui arrivait en ce moment, il devait penser qu'il aimait Senju, et qu'il était ravi de se marier avec elle. Rindo n'avait pas du tout osé parler d'Haruchiyo à son grand frère, il osait encore moins lui dire qu'il n'aimait pas les femmes comme lui.
Il avait toujours tout dit à Ran, il était comme un père pour lui, il avait toujours été plus présent que son propre père pour lui. Il aimerait pouvoir lui parler de la situation, de son amour sincère pour Haruchiyo, et de toutes les idées qui lui traversaient l'esprit pour trouver une solution à cet amour et ce mariage impossible... Mais il avait peur que Ran ne comprenne pas, pire encore, qu'il le rejette. Comment pourrait-il aborder ce sujet si sensible avec lui... ?
Le jeune homme referma son livre après avoir marqué sa page, et tourna la tête vers son frère.
— Ran, es-tu vraiment amoureux de Yuzuha, demanda le jeune homme sans savoir comment lancer le sujet.
— Éperdument, dit Ran en souriant.
— Mais comment... Qu'est-ce que tu aimes tant chez elle ?
— Je ne saurais pas vraiment dire, il y a tant de choses... Elle était ma meilleure amie avant d'être ma femme, j'ai toujours trouvé sa présence rassurante, elle me fait rire, elle est d'une vivacité...
— Mais, coupa Rindo sans pouvoir s'en empêcher, tu ne trouves pas ça... bizarre de partager ton lit avec une femme ?
Ran le regarda avec étonnement, avant de rire de bon cœur.
— C'est pour cela que tu as passé ta nuit à lire sur ce canapé ? Tu angoisses pour les nuits que tu devras partager avec ta future femme ?!
Rindo rougit sans savoir quoi répondre. Certes, il n'était pas du tout à l'aise lorsqu'il songeait à sa future nuit de noce, mais ces dernières insomnies n'étaient pas due à cela.
— Non... c'est simplement que...
— Tu as peur de ne pas savoir t'y prendre ? Tu sais ce n'est pas vraiment compliqué, même si on ne nous l'apprend pas, il suffit juste de...
— Non ce n'est pas de cela que je parle, coupa Rindo. Ran je...
Le jeune homme se tourna vers lui et regarda son grand frère avec gêne.
— Ran je ne... Je ne suis pas amoureux de Senju.
— Oh mais ce n'est pas grave, tu le seras avec le temps, tu dois mieux la connaître ! On apprend à aimer avec le temps. Il suffit simplement de-
— Non Ran. Je ne serais jamais amoureux d'elle, murmura-t-il en se forçant à regarder son frère dans les yeux.
— C'est-il passé quelque chose, demanda Ran en fronçant les sourcils.
— C'est que... Je ne doute pas que Senju doit être une femme exceptionnelle mais... Je suis incapable d'imaginer une vie à ses côtés, c'est bien au-delà de tout ce dont je suis capable.
— Ce n'est pas si dur d'être marié tu sais, dit Ran en essayant de comprendre.
— Bien sûr. Mais... Ran je...
Rindo soupira et serra son livre pour se donner de la force.
— J'ai rencontré quelqu'un, avoua-t-il avec gêne.
— Quelqu'un ? Tu veux dire... Une amie proche, dit Ran en écarquillant les yeux. Une amante ?!
— C'est... un amant, murmura Rindo en baissant les yeux.
Ran ne répondit rien et le regarda avec incrédulité. Rindo n'avait jamais été aussi gêné de devoir avouer quelque chose à son grand frère, et il n'avait jamais eu aussi peur de sa réaction. Et si Ran s'énervait ? Et s'il commençait à énumérer ses devoirs envers sa famille, son peuple et sa fiancée ? Et s'il était dégoûté de sa réelle nature, qu'il s'en allait et qu'il refusait de lui parler à nouveau ? Et s'il disait tout à ses parents, que Rindo se faisait sévèrement punir, et que Haruchiyo était...
Non. Rindo ne préférait même pas imaginer ce qui risquait d'arriver à Haruchiyo si quelqu'un venait à s'opposer à leur relation. C'était terriblement dangereux de l'avoir comme amant, Rindo mettait Haruchiyo très en danger, il le savait...
— Tu veux dire... que tu aimes un homme, murmura Ran avec surprise.
— Je sais que ce n'est pas normal, dit aussitôt Rindo en évitant son regard. Je sais que je devais l'aimer et qu'aimer un homme c'est interdit mais je ne peux pas m'en empêcher...
— Non Rindo, c'est n'est pas du tout anormal, dit son grand-frère avec douceur. Tu as le droit d'aimer qui tu veux, je ne te juge pas.
— Vraiment ?
— Non ! Bien sûr que non, j'aurais dû faire plus attention à toi, j'aurais dû voir que ce mariage n'était pas fait pour toi...
— Non tu ne pouvais pas savoir.
Ran lui lança un regard peiné. Il se rapprocha de lui et prit ses mains dans les siennes, tout en lui lançant un doux regard.
— Rindo, que tu aimes un homme ou bien une femme, cela ne change absolument rien à ton amour. Je sais bien que ce n'est pas quelque chose qui est bien vu par tout le monde, mais je peux te l'assurer, ce n'est pas anormal. Ce n'est pas étrange, et ce n'est pas une maladie. Je suis fier que tu aies réussi à me le dire et que tu l'acceptes.
Rindo sourit avec soulagement, et osa enfin lever les yeux vers lui.
— Mais j'aime une autre personne que ma fiancée...
— L'amour ne se commande pas, répondit Ran avec un sourire. Tu ne serais pas le premier à ne pas aimer la bonne personne. Alors, qui est l'heureux élu ? C'est Seishu ?!
— Seishu ?
— Vous passez tout votre temps ensemble, et tu as toujours bien dit que lorsque tu seras roi, tu le laisserais se marier avec qui il voulait.
— Oh... Il est vrai que Seishu est un homme plutôt... attirant, mais ce n'est pas lui que j'aime. D'ailleurs, Seishu aussi a un homme dans sa vie.
— Vraiment, dit Ran en souriant. C'est Hajime ?
Rindo le regarda avec surprise.
— C'est si flagrant ?
— Hajime le regarde comme s'il était un ange tombé du ciel, dit son grand frère en éclatant de rire. Il le regarde toujours avec des étoiles dans les yeux, et il lui offre régulièrement des présents.
Maintenant que Rindo y pensait, c'était vrai que Hajime était comme ça. Il avait toujours porté une attention très particulière à son ami, il l'avait toujours regardé avec émerveillement, avec bienveillance et douceur. Il le prenait toujours sous son aile lorsqu'ils étaient dans des cérémonies ou des salons, il veillait à ce qu'il ne se sente jamais seul ou mal à l'aise, et il lui offrait toujours des choses. Des fleurs souvent, et il l'invitait toujours lorsqu'il proposait à Rindo de venir passer un moment chez lui.
Rindo avait pris cela pour de la politesse ou de la simple amitié, mais c'était tout de même un peu trop pour de simples amis.
— Ils forment un beau couple, dit Ran d'un air penseur.
— Ils ne le sont pas. Seishu est persuadé que Hajime n'aime que son corps. Et puis Hajime est fiancé...
— Son corps ?
— Les plaisirs charnels.
— Oh... Cela m'étonnerait, Hajime a l'air très épris de lui.
— C'est ce que je lui répète, mais en vain, soupira Rindo en croisant les bras.
— Et toi alors, tu ne m'as toujours pas dit qui était l'élu de ton petit cœur de pierre.
— Je n'ai pas du tout un cœur de pierre !
— À d'autres ! Tu n'aimes jamais personne !
— C'est totalement faux, dit Rindo d'un ton sec.
— Bien sûr. Alors, qui est-ce ?!
Rindo sourit et baissa les yeux.
— Je l'ai d'abord connu à travers ses lettres, j'ai longuement correspondu avec lui. Il est un ami d'enfance d'Hajime, et c'est lui qui nous a parlé l'un de l'autre.
— Oh mais dans ce cas... Tu ne l'as jamais vu ?
— Si, à la dernière cérémonie royale. Il était là, et je l'ai revu, il loge chez Hajime. Et puis, il est déjà venu plusieurs fois ici... Je le fais venir pour parler de littérature, dit fièrement Rindo.
— Oh mais c'est cet homme qui vient l'après-midi et avec qui tu passes tout ton temps ici, s'exclama Ran avec surprise. Je croyais qu'il s'agissait d'un vrai penseur !
— Mais il est penseur ! Il est très érudit, et nous parlons vraiment de littérature, seulement nous ne faisons pas que cela.
— Ah c'est un libertin alors ! C'est donc à cela qu'il ressemble... C'est un homme très élégant, c'est bien que tu aies trouvé quelqu'un qui te ressemble, dit Ran avec tendresse.
Rindo lui rendit son sourire sans rien ajouter. Un silence s'installa quelques secondes et Rindo en profita pour boire une gorgée de thé. Il avait un peu tiédi, mais le doux arôme du miel mêlé aux fruits rouges séchés restait délicieux.
— Et je suppose qu'il est la raison à tes soudaines courbatures de hanches.
Rindo s'étouffa et manqua de recracher son thé. Il déglutit difficilement et se tourna avec horreur vers son frère, alors que celui-ci éclatait de rire.
— Je ne m'attendais pas à une réaction si spontanée !
— Je ne m'attendais pas à ce que tu dises cela aussi simplement, s'exclama Rindo. Je ne vois pas de quoi tu parles en plus, je n'ai été courbaturé que lorsque je suis tombé malade !
— Oh oui bien sûr, tu as dû t'habituer entre temps, dit son frère d'un air malicieux.
— Mais non ! Non je ne... Je suis pur...
— Enfin Rindo, tu peux me le dire, dit Ran en continuant de rire. Tu ne vas pas me faire croire que vous ne faites que discuter tous les deux !
— Mais si... si... Évidemment que nous ne faisons que discuter...
Ran haussa les sourcils en lui jetant un regard entendu, puis il se pencha vers lui, une étincelle de malice dans le regard.
— Rindo, tu ne serais ni le premier, ni le dernier à avoir perdu ta pureté trop tôt. Allez, avoue-le, tu as offert ta virginité à cet homme !
Rindo regarda longuement son frère sans comprendre, avant de froncer les sourcils.
— Tu n'as... tu n'as quand même pas offert ta virginité à une autre personne que ta femme ?!
— Oh je ne m'en vante pas évidemment, mais... Il est possible que, fût un temps, j'ai... copuler avec un homme.
— Avec qui donc ?!
— Si je te le dis, tu me diras ce que tu fais vraiment avec ton ami ?
— Oui. Alors, dis moi !
Ran sourit avec satisfaction et s'écarta en croisant ses bras sur sa main.
— Izana.
Rindo regarda avec incrédulité son grand-frère. Izana ?! Son ami ?!
Izana était l'ami attitré de Ran, celui qui était à ses côtés depuis sa naissance et qui devait l'accompagner dans chaque moment de sa vie. Lorsque Ran était devenu roi dans le pays voisin, Izana avait quitté le pays avec lui, et il vivait désormais dans le palais du nouveau roi, il était son conseiller. C'était sûrement là-bas qu'il avait rencontré Kakucho, l'homme qui l'accompagnait au cricket.
Ran et Izana avaient toujours été très proches, mais de là à imaginer que quelque chose puisse s'être passé entre eux... Rindo n'y aurait jamais songé.
— Quand cela s'est-il passé, demanda le jeune homme sans comprendre.
— Je devais avoir ton âge, peut-être la majorité. Nous l'avons fait pour s'amuser, c'était très bien dans mes souvenirs, dit Ran d'un air rêveur. Il m'a appris tout ce que je sais. Oh ça devait être à la bibliothèque, il avait décidé qu'il jouerait le rôle de ma future épouse alors il s'était allongé sur la-
— Mais, coupa Rindo pour ne pas être perturbé par les aventures de son frère, vous ne le faites plus j'espère ?
— Je suis fidèle à ma femme enfin ! Et Izana à quelqu'un dans sa vie.
— Oui j'avais cru le comprendre...
— J'aime Yuzuha, et Izana n'est que mon meilleur ami, assura Ran en souriant. Bien, j'ai fait mes aveux, désormais c'est à toi d'avouer tes péchés !
Rindo rougit. Il n'allait pas pouvoir y échapper, il le sentait bien, il allait devoir se livrer. De toute évidence, Ran savait déjà tout, il était inutile de continuer à nier, c'était ridicule.
— Oui... Il est possible que Haruchiyo, c'est son nom, et moi ayons... partagés quelques moments intimes ensemble.
— C'est bien ce que je disais, s'écria Ran avec excitation. Je suppose que vos entretiens sont en réalité des rendez-vous au lit !
— Enfin non, s'exclama Rindo en rougissant. Non, nous ne l'avons fait que peu de fois !
Et c'était vrai ! C'était vrai...
Certes, Rindo se retrouvait parfois allongé sur les canapés, avec son ami allongé sur lui, il était déjà arrivé qu'il soit plaqué contre une étagère, ou qu'une table de travail grince dans d'horribles bruits... Et certes, Rindo finissait souvent nu dans les bras de son ami... Mais ils travaillaient réellement parfois ! Et ils parlaient beaucoup, ils ne faisaient pas que cela...
— Va-t-il venir aujourd'hui, demanda Ran d'un ton curieux.
— Oui, mais aujourd'hui est un jour particulier, nous n'allons pas...
— Vous prêter à vos activités habituelles, compléta son frère d'un air entendu. Pourquoi cela ?
— Ran je suis fiancé, soupira Rindo. Je suis... éperdument amoureux d'Haruchiyo, mais je n'oublie pas ma condition actuelle. Senju séjourne ici, tout comme Takeomi qui est son précepteur, et je ne peux pas être librement avec Haruchiyo.
— Je comprends, mais comment comptez-vous faire sur le long terme ? Tu vas bien devoir te marier avec Senju...
— Je le sais. Pour l'instant j'ai trouvé un moyen de voir Haruchiyo mais... En réalité, cela ne marchera pas indéfiniment, Takeomi me surveille et il ne relâche jamais son attention, il se doute peut-être même que je suis infidèle à sa sœur. Alors, j'ai cherché un moyen pour me libérer de ce poids, et le seul moyen possible trouvé est censé arriver aujourd'hui.
Rindo se leva et lissa son kimono.
— Et quel est ce moyen, questionna Ran.
— Tu peux venir le voir de tes propres yeux, puisque tu es dans la confidence à présent. Il faut que j'aille me préparer, nous n'avons qu'à nous retrouver dans la grande salle tout à l'heure, proposa Rindo en récupérant son livre.
— Cela me va.
— Oh et... Haruchiyo et Hajime seront présents, s'il te plaît ne dit rien qui puisse être...
— Ne t'inquiète pas, dit Ran en se levant à son tour. Je ne dirais rien qui puisse te gêner devant ton amoureux.

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