Chapitre 5

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D'après ce que j'aperçois depuis la fenêtre près de laquelle j'ai réussi à m'approcher de nouveau, le soleil se couche sur le Sweetenstein. Le Mont Candy a fait disparaître une lumière rassurante et je me trouve à présent dans une pénombre dérangeante. Cela fait plusieurs heures que le prince m'a abandonnée en pensant, toutefois, à me laisser un peu d'eau. Par contre, il a oublié d'actionner l'interrupteur m'obligeant à lutter contre les angoisses qui me submergent généralement à la tombée de la nuit.

Le film de mon adolescence se joue en boucle dans mon esprit et la colère afflue par vagues régulières lorsque je me rappelle les maltraitances psychologiques de Zaccaria De Luca. Malheureusement, mon cerveau est un enfoiré et tente également de me perturber en m'envoyant des images de notre seul et unique baiser. Chaque fois qu'il fait ça, je peste contre moi-même et souffle comme un taureau enragé. Les gardes qui me surveillent à travers la caméra doivent surement penser que je suis folle. Mais après tout, ne le suis-je pas un peu ?

Ma fascination pour Zac a débuté alors que j'avais environ onze ans. Je travaillais aux écuries pour quelques pièces. J'adorais, en outre, passer du temps avec mon père et il me laissait volontiers approcher les étalons majestueux de la princesse Clémance. Ce jour-là, je m'attelais à nettoyer un box vide lorsqu'en reculant, j'avais heurté la poubelle à crottins. Son contenu s'était renversé et j'avais gémi de dépit en attrapant la pelle pour réparer les dégâts. Un petit ricanement m'avait surprise en plein désarroi et c'est en sursautant que j'avais découvert le jeune prince appuyé contre la porte en bois. À dix-sept ans, il arborait un look que je qualifiais de fermier de luxe. Avec Sacha, nous nous moquions régulièrement de ses changements vestimentaires perpétuels, mais au fond de moi, je le trouvais plutôt classe avec ses pantalons beiges, ses chemises blanches et ses bretelles bleues. Rouge de honte à l'idée que le prince m'ait surprise en train de ramasser des crottins, je lui avais tourné le dos pour reprendre ma besogne. Des pas indiquant son éloignement m'avaient permis de pousser un soupir de soulagement. Soupir que j'avais vite ravalé en l'entendant revenir et pénétrer dans le box. J'avais alors jeté un coup d'œil rapide vers lui et avais failli m'étouffer en constatant qu'il était allé chercher une pelle afin de m'aider à récolter les déjections. Après quelques secondes de labeur, il avait interrompu le silence :

— Tu ne t'es pas fait mal ?

— Non, ça va. Merci.

— Heureusement que le râteau se trouvait plus loin, tu aurais pu te blesser.

— Oui, heureusement.

— Ton prénom, c'est Luisa, c'est ça ? La fille d'Ernesto.

— Tu connais bien mon père ? interrogé-je sans relever qu'il faisait mine de ne pas m'identifier.

— Évidemment, c'est lui m'aide à préparer mes chevaux.

— Tu montes ?

— Bien sûr, s'était écrié le prince en cessant son travail. Tu ne m'as jamais vu à l'œuvre ?

— Je t'avoue que je préfère m'occuper des animaux, avais-je confié avec une moue contrite.

— Il faudrait que tu assistes à un entraînement. Je me débrouille bien au saut d'obstacles.

— Comme la princesse Clémance.

— Oui, c'est ma mère qui m'enseigne. Je veux passer des concours, je suis sûr de les gagner.

— C'est super d'avoir une passion !

— Tu en as une, toi ?

— Pas vraiment... Avec Sacha, nous jouons aux jeux vidéo.

Bienvenue au Sweetenstein - Tome 2 : Zaccaria - Roman éditéWhere stories live. Discover now