Être la septième enfant d'une fratrie. Dotée d'un pouvoir si complexe qu'il en ferait perdre la tête. La mienne surtout.
Des cachets roulent dans le creux de ma main, je repousse quelques mèches qui constituent ma petite frange, avale mes médicaments et ferme les yeux. Je les sens dévaler le long de ma gorge, à force l'eau n'est plus nécessaire, et je deviens de plus en plus dépendante, ça me fait peur. Mes mots de têtes ne cessent de s'aggraver, il m'arrive d'être clouée au lit pendant plus de deux jours. Alors dès ma remise en forme, je travaille deux fois plus, voire trois. Je rattrape des cours, repasse des entrainements, plus corcés, sans compter mes petites escapades au sous-sol, ou père ne cesse "d'exploiter mes capacités".
C'est ça oui.
Je rentre généralement tard, à l'heure ou le reste de mes frères et sœurs sont couchés depuis longtemps. Certain soir, j'ai la visite de l'un d'eux. Il me prend toujours dans ses bras en me caressant toute la longueur de mes cheveux, puis me déchausse et me fait retirer ma veste. C'est là qu'il me tend mon pyjama en satin bleu, et se retourne quelques instants. Il soulève ensuite ma couverture et glisse mon petit corps dans le tissus froid et laineux. Si telle est ma requête, il se couche auprès de moi, et m'enlace gauchement, jusqu'à ce que je m'endorme.
Il n'est jamais là à mon réveil. Alors je crois toujours que tout cela n'est que le fruit de mon imagination. Son indifférence le lendemain contribue à mes théories, alors c'est sans doute définitif, je deviens folle. Son regard impénétrable me dévisage toujours au moment des repas, comme si j'avais une tête de plus en plus dépitée chaque jour.
Ce qui en soi est vrai.
Je suis nostalgie d'une époque où ces obligations ridicules n'existaient pas. Où les rayons de soleil qui traversent le grand vitrail de l'escalier n'ont pas une teinte décolorée. Où la poussière dégage une odeur douce de coton et de bois brulé. Ma vision changerait peut-être, si je prenais le temps de m'arrêter et voir oh combien le cadre est beau.
La vue de ma chambre donne sur une petite ruelle serrée, là où est entreposée certaines poubelles de nos voisins, de rares personnes y font leurs apparitions, à part peut-être le soir, des gens peu recommandables à les entendre hurler comme des fous et rigoler à gorge déployée.
Ils ont l'air heureux, ces gens "peu recommandables."
Je rêvasse sur le bord de ma fenêtre, un escalier de secours barricadé juste en dessous, moi, un livre et une cigarette au-dessus. Un disque tourne dans le vide, vinyle de Chris Isaak.
Le monde était en feu et personne ne pouvait me sauver sauf toi...
C'est étrange ce que le désir peut faire faire aux gens stupides.
- Recule un peu tu pourrais tomber.
Il m'enleva de mes pensées, et s'assis sur mon bureau en examinant un devoir de math, abandonné depuis un peu trop longtemps.
- Qu'est-ce que ça peut faire de toute façon.
Il se redresse et laisse tomber la feuille sur mon bureau.
- C'est vrai, après tout, on n'est pas grand-chose.
Il s'approche et s'assoit cette fois-ci en face de moi, dans la même position, à regarder au loin les lumières de la ville s'allumer au fur et à mesure que le soir nous tombe dessus. Il reprend.
- Mais contentons-nous de vivre à notre échelle.
- Facile à dire pour toi, tu t'obstines à être droit dans tout ce que tu fais, à dépasser tes limites, quitte à faire chier papa. Il doit aimer ça au fond le vieux.
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Noir sur Blanc - Fanfiction Cinq Hargreeves
FanfictionL'interdiction de rêver. S'évader d'un monde qui intimement n'est pas le miens. Aussi longtemps que je le pourrai, j'attendrai que tu réapparaisses, au milieu d'autres fantaisies abstraites. Car ça a souvent été notre jeu, à nous. Et j'aime toujours...