Chapitre 10 - Roulette Russe.

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Anna.

Académie Morrigan...

Mon cauchemar s'achevait, et j'ouvrais les yeux sur bien pire. J'avais la tête prise dans un étau.

L'étoile lumineuse, d'humeur espiègle, s'invitait par la fenêtre de la chambre. Les rayons orangés, vagabondant sur mon visage, m'obligeaient à sortir expéditivement de mes rêveries.

Mes mains s'élevaient instinctivement au-dessus de ses iris et me protégeaient de cette éclatante agression. Cependant, mon regard s'arrêtait sur la couleur inhabituelle de mes phalanges. Mes doigts étaient tâchés de sang séché.

Merde.

Je me ranimais d'un coup, les paupières grandes ouvertes.

Par réflexe, je triturais les pliures de ma jupe qui était remontée sur mes cuisses. J'avais toujours mes vêtements, mais je n'étais pas dans ma chambre.

Ça sentait la clope froide, l'aftershave premier prix et les chips au barbecue.

Je savais à qui appartenait cette chambre.

Mes membres étaient courbaturés, mais ce n'était rien comparé au goût amer qui remontait le long de ma trachée. J'avais envie de vomir. Et par dessus tout, je puais le doux mélange d'alcool et de sueur.

Je connaissais ce genre de réveil ; pathétique, regrettable, sanglant. Je connaissais cette sensation au réveil d'avoir accompli son devoir, mais d'avoir perdu sa dignité au passage.

Recroquevillée sur le côté jusqu'à maintenant, je laissais mes yeux glisser sur le bordel au sol ; des disques de vieux groupes de métal, un emballage huileux de pizza, une paire de baskets sale... N'importe quel enquêteur comprendrait quel genre de personnage se cachait derrière ce stéréotype d'adolescent perverti.

Déphasée, je me tournais pour fixer le plafond au-dessus de moi.

-    Ah, t'es réveillée. S'élevait soudainement une voix en contre-bas du lit. J'ai cru que t'étais plongée dans un espèce de coma.

En biais, je reconnaissais la tignasse blonde ébouriffée de gel de Sonny. Il était assis sur son skateboard dont les roues grinçaient sur le parquet en chevrons. Les yeux rivés sur l'écran où se jouait une violente partie de combat.

D'un côté, j'étais rassurée. D'un autre...

Comment ai-je atterri dans son lit ? Pourquoi mes mains sont-elles tâchées de sang ? Qu'avais-je fait ?

Je ne me souvenais de rien. Ou presque. C'était peut-être mieux ainsi.

-    Pourquoi je suis là ? Articulais-je difficilement en tentant de m'asseoir sur le bord de son lit.

Ses dents mordaient le bout de sa langue tant il était concentré. Pas assez apparemment vu qu'il perdait avec un double KO de l'adversaire. Il était aussi mauvais à l'écran que dans la vraie vie.

L'hôte posait sa manette et se levait pour aller récupérer une fin de joint, dans une vieille coupelle en céramique, sur le coin de son bureau. D'ailleurs, pourquoi avait-il un bureau, lui ? Ne partageait-il pas sa chambre avec un autre élève ? D'après les rumeurs, le seul à avoir le privilège d'être orphelin de chambrée était Night.

-    J'te fais la version courte ou la version longue ?

Donc, la soirée avait été aussi riche en péripéties pour en avoir un long métrage.

-    Quoique, ajoutait Sonny en se tournant vers moi, un sourire amusé collé aux lèvres, la version longue est plutôt marrante.

Seulement à ce moment-là, j'apercevais son visage. Sa lèvre était fendue et il avait un coquard tout frais sur la pommette droite.

Bang Baby BangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant