💧Les dieux oubliés : Poséidon et Amphitrite💧

Chapitre 39 partie 1

L'orchestre joue un morceau traditionnel qu'on passe toujours aux mariages des Néréides, alors que j'accompagne ma grande sœur vers l'autel. La cérémonie se déroule sur la falaise. Le vent estival caresse l'herbe verte ; l'air sent les fleurs sauvages et le sel ; l'océan se déploie à perte de vue depuis le pied de la falaise. Bref, un cadre idyllique et enchanteur pour un évènement qui l'est tout autant. Mais qui ne le sera jamais autant que ma grande sœur.

Ses boucles blondes serties de perles avec lesquelles s'amuse le soleil scintillent. Sa robe magnifique couverte de diamants bleus accroche chaque rayon de lumière pour sublimer sa silhouette élancée. Ses doigts gantés de blanc compriment mon bras nu et si elle affiche une assurance royale, je devine sa nervosité.

— J'aurais aimé que papa soit là, me confie-t-elle à travers son sourire immaculé.

Elle salue les nombreux invités installés sur une trentaine de rangées de chaises. Elle s'attarde plus particulièrement sur les enfants en bordure d'allée qui éparpillent des pétales de roses. Deux autres fillettes tiennent la très longue traine en dentelle dans son dos. Notre démarche lente permet à tous les yeux avides d'observer la nouvelle Princesse de la mer Noire. À la place de Thétis, je me serais liquéfiée sur place. Puisque l'attention générale m'ignore, l'épreuve ne me demande pas trop de courage.

— Il aurait été fier de toi. Moi, je suis fière de ce que tu es et de ce que tu deviens.

— Merci, Phita. Je craignais tant que tu ne sois pas revenu avant le mariage.

— Aucun risque, soufflé-je.

Après un ultime sourire, je la laisse parcourir le dernier mètre au bout duquel le prêtre l'attend. Je m'installe à côté de ma mère, sur une délicate chaise bleue confortable. Ma sœur se tourne vers son auditoire, les yeux rivés au loin. Les membres de l'orchestre entament une musique plus rapide dès que le Prince apparait. Comme ma sœur, il devient la cible des invités. On souffle des « whaoo » sur son passage, on le qualifie de « magnifique », les commentaires vont bon train. Personnellement, je le trouve aussi classique que la première fois où je l'ai aperçu au bal. Mais bon, vu les étoiles dans les yeux de ma sœur et la manière dont lui-même la regarde, on se fiche bien de mon avis.

L'échange des vœux dur environ une heure, avec plusieurs morceaux joués par les musiciens. Je pensais trouver cela ennuyeux, mais les discours de ma sœur m'ont forcée à constater qu'elle avait une vraie plume et un avenir dans l'écriture, si jamais elle larguait son prince.

Quand enfin, la foule se disperse pour se diriger vers les jardins du manoir, je cherche Poséidon des yeux. Il n'a pas assisté à la cérémonie. Une urgence à régler sur le bateau, visiblement. Puisque ma mère, ma sœur, le Prince et les proches de ce dernier semblent très bien ensemble, je m'éclipse discrètement. Mitch m'attend près d'une fontaine, la posture bien droite, son air sérieux incrusté sur ses traits. Il se confond presque avec les gardiens, à la différence que son aura combative me frappe de plein fouet.

— Un petit creux ? le taquiné-je en désignant l'une des nombreuses tables de buffet dressées pour l'occasion.

— Non, merci. Il faut que tu m'accompagnes jusqu'au navire, Poséidon t'attend.

Je ne parviens pas à deviner si c'est une urgence, puisque le chef des mercenaires ne sourit jamais. J'attrape donc mon jupon argenté pour le soulever et je me mets à courir derrière le guerrier. Je suis un peu essoufflée en arrivant sur le bateau, mais ma fatigue passe très vite lorsque les auras d'Hadès et de Perséphone taquinent ma conscience. Le couple des enfers se tient assis autour de la table ronde, dans la cabine de Poséidon. Hadès porte un jean, un t-shirt blanc et son éternelle veste en cuir avec l'écusson du président des Nyx floquée dessus. Sa fiancée a préféré afficher des couleurs vives dans une robe estivale.