Chapitre 3

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Cela fait quatre jours que la dispute la plus violente de ma vie a éclaté entre ma mère et moi.
Quand mon visage est apparu au bulletin de la Sélection, j'ai cru qu'elle allait faire une attaque. Après les premières émotions passées, elle a hurlé sur le poste que ce n'était pas possible, qu'il y avait une erreur. En essayant de la calmer, mon père m'a demandé une explication.
Je leur ai tout dit. Mis à part le fait que c'est Myriam qui m'a donné sa lettre –histoire de lui éviter les problèmes–. Je pensais qu'en m'écoutant, mes parents comprendraient. Il faut croire que j'avais tort. Ma mère a beaucoup crié, pleuré... elle a envoyé tous mes frères dans leur chambre pour me parler juste à moi. Elle a argumenté pendant des heures pour me convaincre de me retirer de la compétition. Puis c'est moi qui me suis mise à crier. Lui reprochant de nous avoir caché toute une période de sa vie. Lui reprochant d'avoir participé elle, à la Sélection. À ce moment-là, mon père est intervenu.
J'ai failli avoir un arrêt cardiaque quand il m'a avoué que c'était lui qui avait poussé ma mère à participer. Ils ne nous avaient jamais dit ça ! J'ai toujours pensé que ma mère y était rentrée de son plein gré. Savoir qu'il n'en était rien me mettait hors de moi ! Combien d'autres secrets nous cachaient-ils encore ?! Quelle relation ma mère avait-elle vraiment entretenue avec Maxon ?!
Papa m'a ensuite dit qu'il le regrettait. Que si c'était à refaire, il ne demanderait jamais plus à ma mère de s'inscrire à ce foutu "divertissement du peuple"... Il a aussi essayé de me convaincre d'abandonner, mais ça n'a pas marché. C'était trop tard pour cela. Tous ces secrets m'étouffaient. Il fallait que je voie par moi-même ! Je voulais passer par là où était passé ma mère plus jeune ! Je devais à tout prix retracer son histoire pour comprendre... et au moins pour cette raison, je DEVAIS participer à la Sélection ! Alors une tension s'est installée entre les parents et moi.
Le premier jour, on a complètement arrêté de s'adresser la parole. Mes pauvres frères ne savaient plus quoi faire... Puis mon père est venu me parler. Il a essayé de me comprendre. Au bout d'une longue discussion, on a fini par faire la paix. Il m'a demandé de ne pas en vouloir trop à ma mère. Il m'a fait promettre de ne pas me laisser faire au palais. Et enfin, il m'a demandé de faire comprendre au prince que s'il me voulait, il devait me mériter. C'est quand il m'a dit ça que j'ai compris qu'il ne cherchait qu'à me protéger. Je crois qu'il se sent encore très coupable d'avoir jeté ma mère dans la gueule du prince Maxon, si j'ose dire.
Alors que ma relation avec mon père s'est vite améliorée, ma mère continuait d'être glaciale avec moi. Pourtant, je voyais bien qu'elle en voulait cent fois plus au roi Maxon d'organiser tout ça, qu'à moi de vouloir y participer.

Au cours des quatre jours, le téléphone n'a pas arrêté de sonner. Myriam est venue me féliciter avec sa petite sœur et Isa, qui ne devait toujours pas se douter du petit tour que sa fille lui avait joué.
Cône s'est montré très gentil aussi. Il me soutenait et c'est lui parmi mes quatre frères qui a le plus tenu à passer du temps avec moi, pour discuter. Ou simplement pour être ensemble. Mon frère jumeau semble parfois lire en moi comme dans un livre ouvert. Il a vite compris que j'avais besoin de calme. Il ne m'a pas posé de question sur la Sélection. Grâce à lui, j'ai pu me reposer l'esprit des tensions avec ma mère, ce qui m'a fait un bien fou.
Le troisième jour, un représentant du palais et venu pour me poser quelques questions et me parler du règlement au château. Puis enfin, aujourd'hui, vient le jour du départ.

Par la fenêtre de la voiture privée, je vois qu'on arrive près de l'aéroport.
- Nous allons bientôt descendre mademoiselle, annonce l'homme vieux et ennuyeux qui m'accompagne.
Bientôt, la voiture s'arrête. Un parcours au milieu d'une foule incroyable m'attend. Quand je descends de la voiture, je suis ébahie par le nombre de personnes présentes.
- Ils sont tous là pour moi ?, je demande, intimidée.
L'homme soupire, l'air las.
- Et oui... Le retour.
Je ne saisis pas bien ce qu'il veut dire mais tant pis. Je suis trop occupée à scruter la foule à la recherche de connaissance pour chercher à comprendre.
Quand je marche jusqu'à l'avion privé, qui est réservé aux sélectionnées, je repère Myriam qui me fait de grands gestes. Au milieu de tout ce monde, elle paraît toute petite. Je réponds aux salutations de la foule par des sourires et des petits signes de la main. Puis, j'arrive bientôt devant l'avion, où je vois avec joie que toute ma famille m'attend pour me dire au revoir.
- Victoria, s'exclame mon père quand j'accours vers eux pour me jeter dans leur bras.
- Ne te laisse pas tromper, me murmure-t-il alors qu'il m'enlace.
- Promis, je lui réponds fermement.
Puis, je dis au-revoir à tous mes frères, en finissant par Cône.
- Merci, me dit-il tout bas pour que je sois la seule à l'entendre.
Surprise, je rétorque, aussi bas que lui :
- Merci, pour quoi ?
Il m'attire vers lui pour me prendre dans ses bras et en profite pour me souffler :
- Tu vas avoir le privilège de voir par où maman est passé. J'espère que tu pourras m'expliquer mieux qu'elle. Je ne lui ai jamais dit mais je me pose pas mal de questions sur la vie qu’elle a eu au palais. Ta Sélection va sûrement me permettre d'avoir quelques réponses.
Je lui souris d'un regard entendu. Dans mes yeux, il peut lire un message : "Oui, c'est aussi pour ça que je le fais".
Je me détourne ensuite pour me tourner vers ma mère. J'appréhende un peu sa réaction. Celle-ci me surprend : Maman me prend dans ses bras avec énormément de tendresse.
- Ma Victoria... prend soin de toi au palais...
Plus doucement, elle me souffle :
- Désolée pour mon attitude et mon aversion envers la Sélection. C'est dur à avaler pour moi. Mais je te souhaite malgré tout bonne chance.
Après un petit temps pendant lequel les larmes me montent aux yeux, elle rajoute :
- Tu vas vivre un peu de mon histoire Victoria. Tu apprendras beaucoup et j'espère que tu trouveras ce que tu cherches.
Quand elle se sépare de moi, je lui souris, à travers mes yeux embués de larmes.
- J'en suis sûre maman !
J'ai l'impression d'avoir été libérée d'un poids énorme... je ne pouvais pas me l'avouer mais ma dispute avec ma mère me pesait énormément. Après tout, je sais bien qu'elle n'y est pour rien. C'est certainement normal qu'elle n'apprécie pas trop ce jeu de Sélection après ce qu'elle y a vécu. Mais après ces douces paroles, je peux partir tranquille. Je sais que ma mère me soutient. Du moins à sa manière.
Après cet échange émouvant, mon accompagnateur m'invite à monter à bord de l'avion.
- Tu vas nous manquer Vica !!, me crient une dernière fois mes parents.
- Envoie plein de lettre !, Ajoute Janvier.
- Et des dessins !!, continue Maxence de sa petite voix.
Louis et Cône semblent trop émus pour parler davantage mais me lancent des regards inoubliables... Je leur cri :
- Je vous aime !! Prenez soin de vous.
Puis, je me tourne vers le public. Tous ont l'air presque aussi émus que moi devant mes au-revoir avec ma famille. Je ne les connais pas, mais apparemment ce qu'ils ont vu les a déjà touchés.
Pour marquer le coup, je leur offre alors ma plus gracieuse révérence avant de monter dans l'avion sous un tonnerre d'acclamation.

La Sélection de Victoria (T1) - DescendanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant