9. Deux de nos secrets

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Je m'avance prudemment vers le garçon accroupi devant son casier abimé. Il se frotte la nuque de dépit et ses cheveux bruns, un peu trop longs, rebiquent légèrement. D'ici je ne vois pas son visage. Je m'approche de lui, mal à l'aise. Dire à quelqu'un qu'on a défoncé son casier à coup de pied n'est pas la meilleure façon de se présenter.

- Salut ! dis-je. Je suis désolée, c'est ma faute ! Si tu veux, on échange.

Il pivote légèrement vers moi. Oh non ! Le visage caramel et la mâchoire carrée, les épaules larges. À genoux, presque à mes pieds : Art Blackwood.

Pas lui ! Je déglutis. Son regard gris remonte lentement de mes tennis à mes jambes moulées dans un slim bleu denim, s'attarde sur mes mains tenant mes livres de cours, passent sur mes épaules, mon cou et ralentit au niveau de mes lèvres pour finir par se planter au niveau de mes yeux. Il fronce les sourcils et exhale un soupir. Cela n'a duré que quelques secondes et pourtant j'ai eu l'impression qu'il caressait chaque partie de moi sans pour autant me toucher. Je ne me suis jamais sentie aussi nue de toute ma vie. Pourtant je porte un blouson épais et un pull en plus de mon pantalon.

- Encore toi ! il se redresse et je recule pour maintenir mon corps à distance du sien.

Il est bien plus grand que moi. Je ne me sens pas menacée pour autant comme quand j'étais avec son demi-frère, néanmoins quelque chose me gêne. La chaleur qui monte à mes joues, la douceur de son parfum musqué.

Il est trop près ! me hurle mon cerveau.

- Je n'ai pas fait exprès, je murmure et essayant de regarder ailleurs, au fond du couloir derrière lui par exemple.

N'importe où, du moment que le gris orageux de ses yeux ne m'enveloppe pas toute entière.

- Donc tu détruis MON casier, mais ce n'est pas TA faute ?

- Je...

Le bruit métallique de son épaule qui s'appuie contre mon casier juste au-dessus du sien interrompt ma réflexion. Il croise les bras sur son torse, je m'efforce encore de fixer n'importe quel endroit sauf son visage. Il a des mains très larges. Ses mains chaudes sur mon poignet à la cantine qui m'ont empêchée de me couper avec le verre brisé.
Non... pas ses mains non plus. Mauvais plan ! Ne regarde rien de ce qui constitue Art Blackwood. T'as promis à Sybille de ne pas lui parler.

- Je ne savais pas que c'était ton casier. Je n'arrivais pas à ouvrir le mien, j'ai frappé par dépit. Ton casier était en face de mon pied, voilà : dégât collatéral.

Je parle si vite que je suis carrément en apnée.

- Donc, voilà, toutes mes excuses. Si tu veux je te file mon casier et je prends le tien. Bref on échange et on n'en parle plus. C'est un bon deal !

Faut que je respire là ! Je vais m'étouffer.

Son bras se tend vers moi, je bondis comme une grenouille face à un rapace qui fondrait sur elle. Il veut quoi ? Je fixe sa main tendue dans les airs.

- Marché conclu ! dit-il calmement.

Nous scellons notre accord en nous serrant la main. Au moment où ma peau entre en contact avec la sienne, j'ai comme une décharge électrique dans tout le corps. Je fais comme s'il ne se passait rien. Faut vraiment être folle pour avoir ce genre de ressenti avec une seule poignée de mains. Je tente de me draper dans un peu de dignité, levant le menton fièrement.

Art me regarde avec défiance. Nos paumes toujours collées. Ses narines se dilatent légèrement. Sous ses paupières lourdes, le gris de ses yeux semble fondre et tire vers le noir.

- On va devoir faire un échange de code. Du coup tu connaitras le mien et moi le tien.

- Oh ! Alors tu auras accès à mon casier quand tu veux.

- L'inverse est vrai aussi, s'amuse-t-il. Est-ce que je peux te faire confiance, Sélène Saintclair?

- Je m'appelle Dulac, je le corrige.

Il plisse les yeux, nos mains toujours liées. Je me surprends à aimer cela.

- Enchanté, Sélène Dulac ! il se penche vers moi, le souffle de ses lèvres près de mon oreille me fait contracter l'estomac. On partage donc deux secrets à présent.

- Deux ? je lâche sa main et me déplace d'un pas sur le côté.

- J'ai le sac que tu as oublié au Blue Parrot. Drôles d'achats...

- Rends-le moi ! je m'écrie un peu trop vivement.

Sa bouche s'étire en un sourire espiègle. Cela illumine son visage si sérieux. Quelque chose se tord en moi, tout au fond de mon cœur. Je m'attends au pire.

- Il va falloir que tu viennes le chercher, s'amuse-t-il.

- Où ?

- Chez moi !

Ok. C'est le pire scénario possible ! Je ne dois pas le fréquenter. Mais je dois aller chez lui ?

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Rendez-vous vite pour la suite !
J'espère que ça vous amuse de lire cette histoire.

Dance with the Moon (En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant