Chapitre 4

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Les jours passaient, et Clémence avait été placée dans un orphelinat, alors qu'elle n'avait que quelques mois. La jeune femme qui était venue à l'hôpital restait à ses côtés nuits et jours. Elle était assez grande, la silhouette élancée, le visage fin. Ses cheveux ébènes tombaient en ondulant sur ses hanches, et ses yeux vert clair ne se détachaient pas de ma protégée. On pouvait dire que c'était une femme magnifique. Mais je ne sais pas pourquoi, je sentais que quelque chose n'allait pas avec elle. Et ce n'était pas lié à ma phobie des femmes. J'avais l'impression qu'elle cachait quelque chose. Non pas parce qu'elle s'habillait comme les femmes le faisaient le siècle dernier, mais parce qu'elle mettait toujours le même médaillon. Pourtant, elle changeait de pendants, bracelets, et j'en passe, tous les jours. Il devait vraiment être important pour elle. Mais je pouvais sentir une énergie négative s'en échapper, similaire à toutes celles que j'ai pus sentir lors de mon interminable séjours en Enfer. Elle balaya la pièce du regard, quand ses prunelles vertes s'arrêtèrent sur moi. Je sursautais d'abord, surpris. Pouvait-elle me voir ? Non, impossible. Elle détourna les yeux pour continuer d'examiner la pièce dans laquelle elle se trouvait, avant d'en sortir. Pour tout vous dire, c'était une chambre enfantine tout à fait normale pour une fille : du rose, du rose, et... du rose. Cette diversité de couleurs me donnait mal à la tête. Franchement, pourquoi les vivants ont instauré une couleur pour chaque sexe ? Fille : Rose, Garçon : Bleu. Ils ont jamais pensé que les gens pourraient en avoir marre de ces couleurs ? Heureusement qu'en grandissant, les goûts des enfants changent... Parce que je ne me serais pas sentis de vivre dans un décor gnian-gnian jusqu'à ce qu'elle devienne adulte !

Je posais mes yeux sur Clémence, elle dormait à point fermé. Je grimaçais quand je découvrais qu'un filet de bave coulait le long de son menton. C'était répugnant. Les mômes sont des machines à bave et à pets... Je soupirais d'exaspération. Je me demandais pourquoi certains humains avaient besoin d'un Gardien. Était-ce vraiment dans le but de divertir ce clown, ou alors pour autre chose... ? J'avais entendu parler, de mon vivant, des anges gardiens. Or, moi, j'étais un criminel. Ça ne collait pas. Oh et après tout je réfléchissais trop. J'avais une chance de ne pas brûler en Enfer pour l'éternité, c'était tout ce qui compte, non ? Plus que 20 ans à tenir et je pouvais dire adieu à tous mes soucis.

... Attend. J'allais passer 20 ans en petite robe de lin ?

Je réalisais que mes habits de prisonnier n'avaient toujours pas changé. En plus, ils empestaient la sueur. Oh non, ça craint...

N'ayant rien à faire, je prenais mon téléphone. Satan m'avait expliqué qu'il y avait des notes dedans, alors si je pouvais en apprendre plus sur le rôle d'un Gardien... Mais comme c'était la première fois que j'utilisais un téléphone, les choses prenaient des tournures épiques à chaque fois que je trouvais sur quoi appuyer. On n'avait pas ça, nous, il y a 500 ans ! Ça aurait été tellement pratique pour prendre des commandes de vengeances... Ah, le bon vieux temps... Je ne devais pas trop y penser, ou tous mes efforts seraient réduits à néant.

Ça y est ! J'avais enfin trouvé les instructions à suivre pour maîtriser le rôle d'un Gardien. Tout d'abord, il ne fallait pas laisser son, ou sa protégée se sentir mal physiquement ou mentalement. Ça, je le savais déjà. Deuxièmement, il ne fallait pas entrer dans la vie du sujet et garder notre existence un secret. Ce n'est pas comme si j'aimais m'introduire dans la vie des autres, donc ça n'arrivera pas. J'aimais ma tranquillité, et je comptais bien la conserver. Troisièmement, ne pas laisser le sujet toucher le téléphone, je savais aussi. Suivant. Quatrièmement, protéger le sujet des...« Djinns » ?


- Qu'est-ce que c'est les « Djinns » ?; murmurais-je à voix haute.


Ce nom m'était familier. Où l'avais-je entendu... ? Je soupirais, ça me reviendrait bien un jour. Cela devait sûrement être lié avec le fait qu'elle ne doive pas toucher mon téléphone. Rien d'important en somme.

Une sonnerie me perça les tympans, ce qui me sortit de mes pensées. Clémence faisait visiblement encore un cauchemar. Je me penchais sur son landau, ses petits yeux étaient plissés, et elle s'étirait nerveusement tout en gémissant. Je ne savais pas pourquoi, mais elle refusait d'ouvrir les yeux à chaque fois que je la regardais. Je croyais au début que tous les bébés étaient comme ça, mais les autres nourrissons de la clinique m'avaient prouvé le contraire; ils les ouvrent déjà au premier jours. Alors pourquoi pas Clémence ? Je remarquais qu'elle n'avait encore pas sa tétine. Bon, il me suffisait juste de la lui remettre ! Je m'exécutais, satisfait de mes connaissances. Sans vouloir me jeter des fleurs, je commençais à m'y connaître en matière de mômes ! Je laissais s'échapper de mes lèvres un rire de satisfaction. Si tout se passait comme ça, j'allais me la couler douce en Enfer.

Quelque chose me heurta le crâne, et finit sa course sur le parquet. Je restais immobile quelques secondes, avant de baisser mes yeux sur la tétine, qui roulait encore sur le sol. Un cri déchira le silence, au grand regret de mes oreilles. Je me retournais pour conclure que Clémence avait éclaté en larmes.


- Mais qu'est-ce qui va pas avec toi ?; hurlais-je pour que ma voix surpasse les cris de l'enfant.


Mais je n'eus comme réponse qu'un redoublement de lamentations. Oh! Qu'elle se taise! Pourquoi est-ce que tous les nourrissons pleurent ! Et moi qui étais si fière de moi ... ! La jeune femme qui avait veillé sur elle, entra brusquement dans la pièce, munie d'un biberon. Elle le posa sur la commode avant de prendre Clémence dans ses bras, la berçant tendrement, et lui murmurant des paroles rassurantes, tout en caressant sa petite tête. Les pleurs de l'enfant s'estompaient, jusqu'à ce que je ne puisse entendre seulement la voix de l'inconnue. Une fois que Clémence s'était calmée, elle apporta le biberon à la bouche de la concernée, pour qu'elle se nourrisse du lait qu'il contenait. Il y avait pourtant marqué cauchemar sur mon téléphone... La dernière fois j'avais réussi à l'amadouer. Alors pourquoi est-ce que cette femme y arrive avec autant de facilité ! Elle venait de briser mes rêves...

Je pense que j'avais encore beaucoup à apprendre, en fait...


    

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