Chapitre 7

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Deux jours passèrent sans que je ne sorte de ma petite chambre. J'avais peint, sur de petites toiles adossées à l'armoire, des décors abstraits mais aucun ne me convenait. Mais mon activité principale avait été la lecture. Tout ce que j'avais découvert dans les livres semblait particulièrement réel et je commençais à admettre que j'étais bel et bien morte. Je n'en connaissais pas la cause mais c'était un fait. Cette idée me nouait le ventre et me donnait la nausée malheureusement si ce n'était qu'un simple rêve je me serais déjà réveillée depuis longtemps. Une partie de moi espérait encore que ça arrive mais il fallait être réaliste. Alors pour démarrer ma nouvelle vie de morte je décidais de prendre les choses en main et de me familiariser avec ce monde. En commençant par retourner au bureau des âmes. Ils me devaient des explications.

Je me levai si rapidement que ma tête tournait, mais j'étais en colère contre eux. Cet énervement fut si rapide que je ne pus même pas le réprimer. Ils m'avaient expulsé sans rien m'expliquer, j'étais perdue et effrayée, tous mes problèmes provenaient d'eux et je voulais qu'il paye pour ce qu'il avait fait. Comment pouvaient-ils penser que je volais ? Je ne savais même pas ce que renfermait cette pièce. Cet excès de rage n'était pas habituel. De nature calme, j'avais assez de patience pour ne craquer que de rares fois. Alors que ce passait-il ? Pourquoi étais-je en train de m'énerver pour si peu ? Debout au milieu de ma chambre, les poings serrés, le regard dans le vide, je réfléchissais. Les pensées tournoyaient dans ma tête à une vitesse fulgurante. La colère retombait doucement et laissait place à, encore une fois, de l'angoisse. J'eu l'impression d'être une autre personne durant quelques secondes. Mais je n'avais pas le temps de rêvasser et de m'étaler sur le sujet, beaucoup de choses avaient changé et ce n'était pas mon problème majeur. Il fallait que j'aille au bureau de âmes pour enfin avoir mes réponses !

Pour la première fois depuis deux jours, je descendais les escaliers en bois et faillis tomber dans un bruit sourd en ratant la dernière marche. Mon manque de discrétion n'échappa pas à Octavia qui passa la tête par la porte du salon.

-Oh Philomène ! Comment vas-tu ? Tu as faim ? Je t'ai préparé des sandwiches au cas où...

Son regard était doux et sa voix était basse. Des cernes sous ses jolis yeux de bronze témoignaient de sa fatigue et de son inquiétude.

-Merci beaucoup Octavia, lui répondais-je timidement, mais je n'ai pas faim

-Enfin, tu n'as rien mangé depuis 2 jours ! reprit-elle

Plongée dans mes livres, j'en avais oublié la faim. Ce n'était que maintenant que je sentais mon estomac gargouiller. Mais je n'avais pas le temps de manger.

-Ne t'inquiètes pas pour moi, je m'en vais au bureau des âmes.

-Oui, tu as bien raison. A ce propos, s'ils te donnent ta maison, reviendras-tu chez moi ?

Mon amie semblait réellement triste et je ne voulais pas lui faire de peine. Il est vrai que je n'avais pas pensée à ça. Je ne connaissais encore que peu de chose et je n'étais pas au courant que ces gens-là nous attribuait des maisons. Je ne savais même pas que je pourrais en avoir une. Comment cela fonctionnait-il ? Perdu dans mes pensées j'avais oublié de répondre à Octavia.

-Je ne sais pas encore, j'y réfléchirai.

-D'accord, me dit-elle dans un tremblant murmure.

Cela me fit de la peine de voir mon amie ainsi, peut-être resterai-je...

Après être passée sous l'arche, je me retrouvais devant le gigantesque arbre aux feuilles bleues. Je trouvais toujours cela étrange mais ça ne me choquait plus, tellement de choses curieuses s'étaient produites depuis mon arrivée que je n'y prêtais presque plus attention. Je m'approchais de l'ascenseur et appuya sur le bouton métallique pour le faire venir. J'attendis un long moment en observant l'écorce incroyablement dur qui, malgré sa couleur sombre, reflétait parfaitement la lumière du soleil. Les portes s'ouvrirent et je laissai passer la foule de gens qui était à l'intérieur de la petite pièce de verre. Une fois dedans j'essayais de me rappeler à quel niveau était l'accueil du bureau des âmes. Mais rien ne me revint. Je décidai donc d'appuyer sur tous les boutons. Les dix premiers étages n'étaient que de simples bureaux, les vingt suivants n'avaient pas l'air d'être ce que je cherchais. Ce fut seulement au cent-cinquante-septième étage que je reconnus l'endroit de mon arrivée. Cela faisait déjà six jours que j'étais, apparemment, morte. Malgré la longueur des journées, j'avais l'impression d'avoir atterri il y avait peu dans cet étrange royaume.

Je m'avançai et reconnu immédiatement l'un des trois employés présents. « Génial, c'est celle qui m'avait envoyé dehors en menaçant d'appeler la sécurité ». Je me plaçai donc sur la file du milieu en espérant éviter de parler avec la dame aigrie. Un homme grand, la peau mate et les cheveux crépus s'occupait d'une personne devant moi. Toutes les queues avançaient sauf la mienne si bien que la petite dame m'interpella pour que je vienne avec elle. A cet instant je me maudissais de n'avoir pas pris la file de droite.

-Bonjour mademoiselle, bienvenue à l'accueil du bureau des âmes que désirez-vous ?

Son air ennuyé m'indiquait qu'elle devait dire cette phrase à chaque personne qu'elle voyait.

-Bonjour, vous vous souvenez peut-être de moi, j'étais dans la pièce à côté la dernière fois, vous m'aviez traité de voleuse.

-Ah oui vous, comment vous oubliez, répondit-elle les mâchoires serrées et les sourcils bas. Si vous souhaitez que j'appelle les gardes vous pouvez rester ici, sinon je vous demanderais de partir.

Des gardes ? Il n'y avait pas de policiers ici ? Peut-être n'était-ce qu'une façon de parler.

-S'il vous plait écoutez moi, la suppliais-je, j'ai besoin de votre aide.

-Mon aide ? Pourquoi voudrais-je vous aider ?

L'homme à notre droite n'avait plus de client et écoutait avec attention notre conversation. Sans cligner des yeux il nous observait chacune notre tour.

-Calme toi Ambre, c'est ton job de l'aider, intervenu-t-il.

Nous le regardions toutes le deux avec incompréhension.

-Je sais bien, mais c'est LA fille, je ne vais pas l'aider.

-Alors je le ferai.

Il s'avança vers Ambre et la poussa sur le côté. Je fus très surprise quand il me regarda en souriant et me demanda :

-Comment puis-je vous aider mademoiselle ?

Son regard était vif et ses dents blanches parfaitement alignées m'invitait à lui parler.

-Comme le sait votre collègue, disais-je en la regardant intensément, j'ai eu un problème avec mon arrivée dans ce monde.

-Cela s'est-il mal passé ?

-En effet, j'ai atterri dans la pièce d'à côté.

Ses yeux me scrutaient, je n'aurais su décrire les émotions qui y passaient. Son sourire avait presque disparu et son front s'était plissé.

-Comment-cela ?

-Justement je ne le sais pas, vous non plus apriori. Je venais ici pour qu'on me présente le royaume comme à tous les nouveaux arrivants parce que je suis complètement perdue.

Le visage du jeune homme s'éclaira de nouveau.

-Oui bien sûr ! Je vais vous expliquer.

Après un petit quart d'heure d'explication qui ne m'avait pas appris grand-chose de plus. Le jeune homme me parla, comme prévu, des maisons. Il me donna un petit catalogue avec de nombreuses propriétés libres un peu partout dans le royaume Narcisses. Elles étaient de toutes les tailles, de toutes les formes et de toutes les couleurs. Certaines m'attiraient plus que d'autre mais aucune ne se démarquait vraiment. Le choix allait être dur.

-Si vous avez d'autres questions n'hésitez pas à revenir ! me lança-t-il en souriant.

-Je vous remercie pour toutes ces informations.

-Tout le plaisir est pour moi.

Cet homme avait un charme naturel sans égal. Quelque chose d'apaisant émanait de lui. Ses yeux rieurs et son sourire hollywoodien m'éblouissait. Il était beau mais je n'avais pas pour projet de flirter et encore moins de me trouver quelqu'un. « Aller Philo, reprends-toi » m'ordonnais-je en silence. Je me fis violence pour détacher mes yeux de ce bel inconnu et sorti sans un mot du bureau des âmes.

De retour chez Octavia, le fascicule à la main, je réfléchissais. L'idée de rester chez elle me tentai autant que celle de partir. Je ne voulais pas la déranger avec ma présence ici, elle qui était si aimable et amicale. Depuis le début, elle veillait sur moi comme une mère, m'expliquant tout sans perdre patience, sans s'énerver. Elle supportait mes sautes d'humeur sans rien dire. Je lui devais au moins le droit de retrouver sa maison. Sans m'en rendre compte, je venais de prendre ma décision. J'allais partir habiter seule dans ce royaume encore inconnu.  

Un ange passeOnde histórias criam vida. Descubra agora