Chapitre 15

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Accompagnée de mes amis, je marchais à travers le royaume des Camélias, en suivant la foule agitée. Je n'étais jamais venue ici auparavant et l'émerveillement devait se lire dans mon être tout entier. Les arbres à moitié nus laissaientt indéfiniment tomber des feuilles orangés qui craquaient sous nos pas tel un vieux tapis doré. Le ciel grisatre faisait sans cesse tomber sa lourde masse nuageuse sur nous, laissant un perpetuel état de brume. La pluie, elle, tombait de temps à autres, emportant par la force du vent frais, créant de longues flaques semblables à des miroirs vivants.

Le paysage défilait lentement mais après plusieurs chemins boueux nous arrivions devant un immense portail en acier qui cachait un palais plus petit que les autres. Le toit en tuile grisâtre se confondait avec le ciel triste mais la blancheur crue des murs semblaient jaillir du paradis. L'intérieur du château s'avérait similaire. Du sol au plafond, l'obscurité peignait la demeure comme si le propriétaire avait eu peur de gacher la beauté naturelle de la structure en la décorant. Cependant, pour l'occasion particulière qu'était la fête de la Cýroena, une décoration éphémère donnait vie à ce château. La foule s'affairait dans la salle de bal en veillant à laisser le centre vide. Un petit orchestre s'accordait à ma gauche ajoutant de la légèreté à cette soirée de richesse. Pour une raison que j'ignorais, mon regard fut incapable de se détacher de lui. Le bois, le métal, les cordes et les clés semblaient m'appeler. Tout à coup, le premier violon fit signe aux autres instruments et tous jouèrent en même temps. Le rythme donnait à mes jambes l'envie soudaine de danser. Dès les premières notes, la foule avait cessé toutes conversations, seule la musique raisonnait dans la salle. C'est alors que les grandes portes dorées s'ouvrirent pour laisser entrer huit personnes : quatre rois et quatre reines.

Je n'eu aucun mal à reconnaître le roi des Delphiniums et le roi des Perce-neiges. Et, sans réellement savoir pourquoi, je n'aimais pas l'idée que cet homme mystérieux et froid entre dans l'immense salle de bal aux bras d'une femme. Celle-ci portait une robe en satin moulante qui dévoilait l'une de ses jambes souples et finis par une paire d'escarpins sobre. Sa peau était aussi foncée et lisse que ses cheveux étaient clairs et crépus. Elle faisait presque la même taille qui le roi alors qu'il me dépassait d'environ deux têtes. La jalousie monta involontairement en moi mais se calma un peu lorsque je vis qu'elle n'avait aucune couronne sur la tête ; tout comme la femme qui accompagnait le roi des Delphiniums. Or, tous les autres en avait ce qui voulait vraisemblablement dire qu'elle n'appartenait pas à la royauté et ne pouvait donc pas être sa femme.

Tous les huit s'avançaient jusqu'au milieu de la salle et se mirent en place par deux. Ils respiraient ensemble puis amorçaient les premiers pas de la danse. La synchronisation parfaite de leurs mouvements m'étonnait. Les robes virevoltaient au rythme des violoncelles et les talons claquaient sur le parquet ciré. La pulsation parcourait leurs veines et faisait bouger tous leurs membres de façon coordonnée.

Tout à coup, un froid glacial parcouru mon corps et me fit frissonner. Je tournai la tête et mes yeux surprirent ceux du roi qui me regardait avec attention. Sa cavalière ne semblait plus avoir d'importance mais elle ne le remarqua pas car ses yeux étaient fermés comme pour mieux entendre la mélodie des flûtes. Il me regardait toujours d'une façon supérieure mais peu à peu, son visage s'adoucissait et, alors que je pensais cela impossible, sa beauté augmentait encore. Lorsqu'il me quitta des yeux, le froid s'en alla avec lui et je pus de nouveau respirer.

À la fin de la musique, la foule affluait sur la piste et tous se mirent à danser. Tous sauf moi. Même si j'adorais la danse, je ne faisais que la regarder et je n'avais aucune idée des pas. Je profitais donc de la distraction de mes amis pour aller aux toilettes nettoyer ma robe et pour enfin trouver une personne qui répondrait à mes questions.

En passant des les couloirs, je remarquais des nombreux tableaux. Des paysages hivernaux et automnaux accrochés au mur. La signature du peintre était un simple D calligraphié. Son talent m'éblouissait, comment un simple homme pouvait-il réaliser de si belles choses ?

Un ange passeWhere stories live. Discover now