Chapitre 18

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« T'sais pourquoi j'y arrive ? Parce que j'arrête pas d'essayer. »

Deen Burbigo

Hakim

- La commande 2 est finie ? La voix de Youssef traverse l'atelier.

- Presque, je lâche en virant la sciure qui commençait à s'entasser sur mes gants.

Et aux vues du regard qu'il me lance quand il ressort de la pièce, Youssef s'attendait à ce que j'ai fini depuis longtemps. Il a pas tort, j'ai l'habitude d'être bien plus efficace que ça.

Sauf quand Nessy occupe mon crâne. Et elle l'occupe salement.

Elle a perdu son sourire depuis deux semaines maintenant, et je supporte pas. Quand je débarque chez elle, elle est plus souvent stressée que détendue, plus souvent préoccupée que souriante. Ce que je voulais, c'est pas la rendre malheureuse, pas lui faire perdre son sourire et sa bonne humeur. Ce que je voulais, c'était avoir enfin la chance d'être celui qui se tient à ses côtés, qui la protège, et qui lui donne le putain de bonheur qu'elle mérite.

J'ai l'impression de tout faire à l'envers. En quelques semaines, je l'ai peut-être eu à mes côtés, mais je l'ai vue échanger sa lumière habituelle avec une tension permanente et des pleurs.

- J'avais dit à gauche Hakim, la main de Youssef se pose sur la mienne. La gauche, pas la droite.

C'est vrai, il a dû me le dire au moins trois fois avant que je commence à bosser.

- Putain, je soupire en me lâchant comme une merde sur le siège derrière moi, j'suis désolé, j'vais me rattraper et je livrerai moi-même.

- Un problème avec Inès ? Il s'appuie contre le camion tout en nettoyant ses outils.

Faire la conversation, très peu pour lui. Sauf quand il sait que y a rien d'autre à faire.

- J'peux gérer seul, j'ai plus cinq piges, je me penche à nouveau sur la commode devant moi.

- Arrête ça avant de tout me flinguer, il balance son chiffon devant mon nez, me poussant à m'éloigner du meuble. Parle.

- J'viens de dire que c'était pas nécessaire, ma mâchoire se serre d'elle-même.

La seconde d'après, ses iris glacées se posent sur moi et je peux pas faire autrement que de baisser la tête.

- T'aimais Pauline, mon regard se perd sur la sciure au sol, est-ce que parfois ça la rendait malheureuse ?

Jamais on l'évoque, c'est un sujet banni. Elle est morte d'un cancer bien avant qu'on se rencontre, c'est même pas par Youssef que j'en ai entendu parlé. Mais je savais pas comment l'amener différemment.

- Qui t'a dit que l'amour était facile et agréable Hakim ? Ses yeux se fixent sur la boîte à outils posés sur l'établi en face de lui.

- T'as été avec elle depuis ton arrivée en France, je fronce les sourcils.

De là où je suis, je peux pas rater la grimace de douleur qui tord son visage avant qu'il ne ferme les yeux.

- Pourtant, elle n'a jamais été pleinement heureuse avec moi.

- Pourquoi ? Je retire mes gants.

- J'ai jamais voulu la marier, il rouvre les yeux pour les poser sur moi. Je l'ai déjà été y a longtemps au bled, j'ai passé des années à me battre contre Pauline après être arrivé en France parce que j'avais peur de tenter ma chance à nouveau.

Tristan sans Yseult · MekraWhere stories live. Discover now