Chapitre 68

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Hakim

C'est quoi la question que Souheil se pose chaque matin depuis une semaine, quand il débarque dans le salon, que je lui dis bonjour tranquille, mais sans jamais rajouter que ça y est, j'ai demandé à Youssef pour Noël, et qu'il m'a dit oui ? Il pense quoi de moi wesh ? On était censés y aller y a plus de deux semaines, j'ai reporté au moins 5 fois, pour des raisons éclatées au sol, et j'ai tilté à quel point j'avais merdé quand j'ai jeté un oeil à mon téléphone en me levant, et que j'ai vu qu'on était le 22.

Le 22 décembre. On part demain dans les Vosges.

Je suis une merde pour les trucs comme ça, j'ai été trop con de croire que ça changerait un jour. Je sais même pas pourquoi j'ai eu l'idée d'inviter Youssef à la base, ça me ressemble pas. J'ai jamais rien fêté avec lui, à l'exception de mon mariage, donc le réveillon de Noël, je vois même pas en quoi ça l'intéresserait. Y aurait que lui avec nous, juste lui, moi, Ness et Souheil. Qu'est-ce qu'il voudrait bien avoir envie de foutre avec nous dans un chalet au milieu de la montagne ?

- Putain, je brise le silence de ma caisse quand ma main se pose d'elle-même sur le levier de vitesse. Pourquoi j'suis venu même ?

Ça fait 47 minutes que je suis garé devant l'atelier. Tout seul. J'ai vu Youssef sortir trois fois pour récupérer des outils sous le préau, trois fois je me suis dit que c'était le bon moment pour ouvrir la portière et sortir, trois fois où j'ai juste contracté la mâchoire un peu plus tellement j'avais honte de oim. En presque une heure, j'ai pas réussi à foutre le pied dehors pour aller demander à l'homme qui m'a élevé limite, s'il voulait passer Noël avec oim et ma famille.

Et après, je fais la morale à Souheil, je joue au daron parfait quand il tire la tronche et qu'il a pas les couilles de me dire pourquoi. Exactement le genre de situation dans laquelle je me serais fait soulever par Jida quand j'étais tipeu : « balaie devant ta porte avant d'aller balayer devant celle des autres ».

Le pire, c'est que je fais la même avec Ness. Suffit qu'elle refuse de répondre à une de mes questions pour que ça me tende, je veux qu'elle me parle, mais je suis incapable de faire la même de mon côté. Je suis quel genre de gars même ? Je suis quel genre de daron ? Quel genre de mari ? Quel genre de fils ?

Une merde. J'ai déjà la réponse. Et je sais pas si c'est juste pour m'enfoncer un peu plus, ou si c'est du pur hasard, mais au moment où j'allais redémarrer le moteur pour faire demi-tour, mon téléphone se met à sonner sur le siège passager. Et il me faut qu'une seconde pour reconnaître la silhouette de Ness dans sa robe de mariée, appuyée contre la fenêtre de la chambre de notre nuit de noces.

Beaucoup trop magnifique pour oim.

- Ouais ? Je lâche en décrochant, mon téléphone posé contre le volant.

- T'es au studio avec les gars ? Je ferme les yeux quand la voix de Ness me berce sans que ce soit son objectif initial.

Y a toujours cette putain de douceur juste dans sa façon d'être. Depuis le jour où elle est rentrée dans mon champ de vision à 16 piges, que j'ai capté que c'était elle ou r, j'ai aussi capté que même si elle aurait jamais dû être à moi, elle serait toujours le meilleur bail pour me calmer. Même sans rien faire.

- Hakim ? Elle me sort de mes pensées en répétant mon prénom.

Et je sais pas, je le fais, ça sort limite tout seul.

- J'voudrais que Youssef vienne avec nous demain Ness, je souffle. Mais la vie, je suis garé devant l'atelier depuis une éternité et j'arrive pas à sortir.

Tristan sans Yseult · MekraWhere stories live. Discover now