XXIX - Casseurs Flowters

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« Mais renferme les problèmes sous une chappe de plomb, quand ils remontent en surface souvent la peur te paralyse. Alors l'angoisse frappe comme une lame de fond »
– Des histoires à raconter, Casseurs Flowter


    Raphaël regardait les voitures défiler par la fenêtre, se retenant de soupirer. Il s'ennuyait à mourir depuis le début de l'après-midi et, au vu de la détermination qu'affichait encore Océane, ce n'était pas près de s'arranger. Et dire qu'il était en vacance et qu'il se retrouvait obligé de réviser. Ré-vi-ser, bon sang ! Il n'avait encore jamais fait ça auparavant, ouvrir un cahier en dehors des cours, relire une leçon qu'il n'avait pas prise en note, la comprendre et la retenir... Un vrai calvaire ! Pourquoi les gens s'imposaient-ils ça ? En plus, ce n'était même pas intéressant ! Sérieusement, quitte à faire du français à l'école, autant voir des choses utiles : la grammaire, la conjugaison, l'orthographe... ce genre de truc, quoi. Non parce que, vraiment, il ne voyait pas l'intérêt de savoir dire si un livre qu'il ne lirait jamais était écrit avec un point de vue interne ou externe, alors même qu'il ne savait même pas écrire correctement. Quelle débilité... Sans compter les maths ! Bon, Dieu, les maths... Résoudre des équations alors que plus personne ne savaient faire des divisions euclidiennes, est-ce qu'il y avait vraiment une logique à ça ? Est-ce qu'il y avait vraiment une logique aux programmes scolaires français ? Si c'était le cas, elle ne lui sautait pas aux yeux.

    -Raph ! l'adolescent sursauta, qu'est-ce que tu fous, bon sang ? C'est pas en regardant par la fenêtre que tu vas apprendre les dates d'histoires ! Raphaël grogna et cogna son front contre la table. Bordel, qu'est-ce qu'il en avait marre !

    -J'vais pas les apprendre ces dates, t'es fou ou quoi ?
    -Mais si, c'est super important !
    -Mais pas du tout, putain, c'est vraiment l'genre d'truc qui sert à que dal' dans la vraie vie ! Non mais sérieux, tu vis dans quelle monde, toi ?
    -C'est important pour le contrôle.
    -J'me fous du contrôle, wesh, c'est si dure à comprendre ?
    -Alleeez, fais un effort ! T'arrives à rien en math, tu comprends rien au français, faut bien que t'arrives à quelque chose quelque part !
    -Mais j'ai pas enviiiie, se plaint l'adolescent. Comment ça s'fait t'y arrives aussi facilement, toi ?
    -Ba, y a des tas de trucs qu'on a déjà vu au collège alors, bon, tu vois quoi... ça m'fait des révisions. Genre les équations, les points de vues en français...
    -Vas-y, c'est trop rageant putain ! Moi j'arrête, ça m'soûle !
    -Fais au moins le DM, non ? Ça t'coûte rien...
    -Mais comme tu veux j'fasse le DM, toi ? j'connais rien j'te rappelle !
    -Non mais fait pas genre toi aussi, c'est un DM d'histoire, t'as les document, t'as juste à chercher, c'est pas compliqué quand même !
    -Mais chais à peine lire, continua de se plaindre l'adolescent de sa voix la plus exagérée.
    -Mais tais-toi, bordel, arrête un peu de raconter n'importe quoi et fais ce foutu DM !

    Raphaël ronchonna mais se mit néanmoins au travail. Il ne savait pas trop pourquoi il faisait ça alors qu'il n'en avait réellement pas la moindre envie. Il voulait simplement dessiner et ne rien foutre, travailler n'avait jamais fait partie de ses plans, surtout pas pendant les vacances. Il n'aimait pas les cours, il n'aimait pas travailler, il n'aimait pas. Mais il savait que s'il ne remontait pas sa moyenne, Marc allait tuer. Le quadragénaire prenait son rôle de beau-père très au sérieux, trop même. Il semblait vouloir représenter une figure paternel ou quelque chose comme ça, et apparemment, ça passait par le redressement de ses notes. Quel relou... Enfin bon, l'adolescent pouvait bien faire les devoirs maisons et les contrôles, rien que ça, ça devrait suffire à lui garantir des notes satisfaisantes. Dix de moyenne... Bordel, quelle flemme. Pourquoi les devoirs étaient-ils si ennuyants ?
    Sans même y penser, il se mit à griffonner sur sa feuille. Sa vie n'allait pas trop mal en ce moment, il se demandait quand tout ça allait foirer. Il y avait toujours une couille qui venait tout faire foirer, rien n'allait jamais bien longtemps dans sa vie. Souvent, cette couille, c'était Neil. Ce n'était pas le cas à chaque fois mais il fallait reconnaître qu'il revenait souvent dans ses problèmes. L'enculé... Incapable de lui lâcher la grappe, un vraie pot de colle. Il avait quinze ans et il le fliquait encore comme s'il en avait huit. Sérieusement, c'était usant. Et puis il devenait taré. Ces derniers mois, il était encore plus violent qu'avant. L'autre fois, il l'avait carrément... Raphaël frissonna en repensant à ce que lui avait fait subir son frère avant de partir. Il tenta de refluer le souvenir et les images dans sa tête sans grand succès. Neil devenait flippant. Sa présence le glaçait d'effrois et il perdait toutes ses envies à son contacte, toute sa joie de vivre, comme s'il aspirait tout ce qui le rendait heureux ; comme si c'était un détraqueur et lui Harry Potter. Si seulement il pouvait lancer un expecto patronum... Il soupira. Pourquoi avait-il pensé à ça, déjà ? Il était complètement déprimé maintenant, ça faisait chier.
    Le lycéen tourna de nouveau son regard vers la fenêtre, cessant de dessiner. Il n'avait jamais fait partie du club qui aimait regarder passer les gens à la fenêtre mais il devait reconnaître que c'était plus intéressant que son devoir maison d'histoire ou, encore, que ses pensées morbides à propos de son frère.

Le temps qu'il fautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant