T'es rentrée seule ?

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Pour l'une des rares fois de mon existence, j'ai pris une décision spontanée. Je n'ai pas encore le recul nécessaire pour me rendre compte à quel point c'était une terrible erreur, mais ça vient petit à petit. La marche de la honte que je suis en train de subir est un très bon début.

Je rentre chez Max sous le coup des six heures du matin grâce au double des clés que je garde toujours sur mon porte-clés. Je referme derrière moi et traîne des pieds jusqu'au canapé. En passant, je croise mon reflet dans le long miroir à droite de l'entrée. Un grognement m'échappe quand je constate l'état dans lequel je suis. J'ai les yeux injectés de sang, les lèvres sèches et craquelées, et mes cheveux forment un champ de bataille capillaire autour de mon crâne. Je ne me suis jamais sentie plus au fond du trou qu'en cet instant.

Dépitée, je me laisse tomber en arrière sur le canapé et, le bras en travers des yeux, je supplie mon cerveau de nous trouver quelques heures de sommeil avant le lever de ma meilleure amie.

— Psst, t'es vivante ?

Je marmonne une réponse inaudible pour qu'on me laisse tranquille.

— Désolée, je voulais juste savoir si ça allait.

Mes paupières papillonnent. Les rayons du soleil agressent la pièce par la fenêtre du salon. Max n'a jamais cru bon de faire installer des volets, ni même des rideaux. C'est pourquoi quand elle me réveille, je ne parviens pas à me rendormir.

— Tu fais chier, Max ! pesté-je contre le coussin en forme de guitare électrique qui me sert d'oreiller.

— J'ai fait du café, murmure-t-elle en guise d'excuse.

L'odeur divine de café s'infiltre par mes narines et me chatouille le cœur. Cette fois c'est sûr, je ne pourrai plus me rendormir ! Je m'allonge sur le dos et prends trois profondes inspirations.

— Quelle nuit de merde, soupiré-je avant de m'asseoir.

Je me frotte les yeux et cherche Max du regard. Elle fume sa clope du matin au bord de la fenêtre de sa cuisine.

— C'est quelle heure ?

— Pas loin des neuf heures, répond-elle en m'étudiant d'un air amusé.

— T'es rentrée seule ?

— Eh oui, on n'est pas tous dévergondés comme toi ma grande.

— Oh mon Dieu...

Je me penche en avant, les coudes sur les genoux, et me frotte les yeux avec la paume de ma main. Je n'ai même pas pris le temps de me démaquiller.

— Je veux quitter mon corps.

— Maintenant tu pourras dire que t'as couché avec un guitariste, ricane-t-elle. C'est plutôt stylé.

— Dans une voiture. J'ai couché avec un guitariste, dans une voiture. Je me déteste.

Max n'a pas l'air plus choqué que ça.

— Je croyais que tu rentrais chez lui ?

— Je croyais aussi. Figure-toi qu'il s'est garé sur le parking d'un entrepôt désaffecté et qu'on l'a fait là. Sur le coup je trouvais ça génial. Maintenant je suis juste... horrifiée. On aurait pu tomber sur des squatteurs !

— Bon, et à part ça, c'était comment ? m'interroge-t-elle en me tendant mon café. Il y a eu du progrès depuis le lycée ?

Elle s'assoit sur le canapé à côté de moi et tend l'oreille dans l'attente des détails croustillants.

— C'était... nul.

— T'es sûre que c'est pas ta culpabilité qui parle ? Parce que j'ai connu un guitariste et... fiou !

The hate theory [Tome 2/2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant