GRISÉLIDIS RÉAL - littérature

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Bonjour à tous·tes ! À l'occasion de la journée internationale des travailleur·euse·s du sexe (03.03.2023), je vous présente Grisélidis Réal, "écrivain, peintre, prostituée" !


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Courte présentation : Grisélidis Réal est née en 1929 et morte d'un cancer en 2005. Elle était une écrivaine, poétesse, peintre, prostituée, mère de 4 enfants et activiste suisse.

Grisélidis Réal et la peinture : elle est diplômée en 1949 de l'École des arts décoratifs de Zurich. Elle commence à peindre en prison (avant d'être rapatriée en suisse), condamnée pour avoir vendu de la marijuana à des soldats américains.

Grisélidis Réal préfère le dessin à la craie à l'huile sur toile et le stylo à bille sur papier. Mais ses techniques et supports sont variés : elle utilise également le fusain, la mine de plomb, le crayon, le collage de feuilles aluminium et le feutre sur papier.
Pour ce qui est de la peinture, elle utilise de la gouache et de l'huile sur toile ou sur carton. Elle pratique également la peinture textile sur les foulards en soie.

Ses œuvres figuratives montre des créatures sauvages, magiques et sacrées. Tantôt épurées, tantôt surchargées de motifs ornementaux, ses toiles abordent des thématiques diverses, comme la faune et la flore idéales et fantasmées et des scènes intimes inspirées de sa vie personnelle.


Du côté de l'écriture : c'est en prison qu'elle commence à écrire son manuscrit intitulé Suis-je encore vivante ? Journal de prison, publié en 2008 quand il a été découvert par ses enfants après sa mort.
L'écrivaine fait de son expérience de prostituée le sujet de ses livres, et ses premiers textes, des témoignages et plaidoyers pour la reconnaissance de son statut sous forme de poèmes libérateurs, sont publiés dans la revue Écriture.

Son récit Le noir est une couleur, publié en 1974, ne trouve le succès que dans sa réédition en 2005. Cette œuvre voit s'opposer deux mondes : celui de l'ordre, les petits bourgeois, et celui de la spontanéité, les Tsiganes.
Dans le même registre de violence lyrique, scatologie, hyperréalisme et onirisme, elle publie en 1992 La passe imaginaire, issue d'une correspondance qui a commencé en été 1980 et s'est terminée l'hiver 1991 entre elle et Jean-Luc Hennig.

Elle écrit en 1977 que "la prostitution est un acte révolutionnaire", acte qu'elle appelle, en janvier 2005 dans la préface de Carnet de bal d'une courtisane, "un Art, un Humanisme et une Science".
Grisélidis Réal reconnaît la difficulté du métier et dénonce toute exploitation, ce qui lui vaut d'être prise à partie par les féministes abolitionnistes*.


Et le travail du sexe ? : après avoir tenté de gagner sa vie en tant qu'artiste peintre, elle décide de se prostituer en 1961, afin de subvenir à ses ressources et celle de deux de ses enfants. Tout d'abord un métier pratiqué comme un moyen de survie, c'est ensuite d'une manière militante qu'elle continue la prostitution jusqu'en 1995.
Après avoir continué à se prostituer quelques temps après sa sortie de prison, Grisélidis tente de quitter la prostitution grâce à une bourse, dans l'optique de se consacrer à l'écriture de son autobiographie, Le noir est une couleur, et à sa peinture.

Dans les années 1970, elle devient une activiste et une des meneuse de la "Révolution des prostituées" à Paris en juin 1975, événement lors duquel 500 femmes prostituées occupent la chapelle Saint-Bernard-de-Montparnasse et réclament la reconnaissance de leurs droits.
Elle demande également à ce que figure la mention d'écrivain et également de péripatéticienne sur ses documents officiels, puisqu'elle considère cette dernière activité comme une seconde profession.

En 1977, l'activiste amène sa révolution à Genève et reprend la prostitution, qu'elle avait abandonné depuis 7 ans.
En 1982, Grisélidis Réal fonde avec d'autres travailleuses du sexe l'association Aspasie, une association de défense des prostituées, nommée ainsi en hommage à la courtisane et compagne de Périclès. Suite à une scission de l'association (où elle acceptera plus tard d'y reprendre un siège au comité), elle quitte celle-ci et participe à la fondation de l'association Astarté, en référence à la déesse phénicienne de la fécondité.

Par la suite, l'artiste étend son combat en parlant de son métier de prostituée dans les universités, ainsi qu'en donnant de nombreuses interviews et en animant des réunion publiques
Elle crée un centre international de documentation sur la prostitution.


Message : Grisélidis revendique le rôle social de la prostitution, qui est pour elle une activité soulageant les misères humaines et qui a sa grandeur.
Elle rejette l'argument selon lequel une femme ne se prostitue que si elle y est obligée par son proxénète, et affirme que la prostitution peut aussi être un choix.
Elle critique beaucoup les féministes des années 1970 en disant "elles nous prennent la parole, nous infantilisent... elles sont pires que le pire des clients".

Autres informations : Conformément à sa volonté, affirmée publiquement, l'épitaphe « écrivain, peintre, prostituée » est gravée sur sa tombe.

« Si vraiment les gens veulent conserver une tombe ou je ne sais quoi, [...] il faut que ça serve à quelque chose. Que ça provoque encore un petit peu de scandale, et que les gens viennent baiser, forniquer, vraiment, là, qu'ils se sentent libres de transgresser tous les tabous en disant : "Vraiment, cette bonne femme, elle mérite qu'on arrose sa tombe de foutre". »

Les projets de stèle commandés par sa famille sont refusés par deux fois par le Conseil administratif de la ville de Genève, sous prétexte qu'ils évoquaient trop de manière explicite un sexe féminin. C'est en mai 2015 qu'un projet modifié, sans pour autant renoncer à l'essentiel, est finalement accepté. La stèle est inaugurée en 2016.

Son fond d'archives artistiques est conservé aux Archives littéraires suisses à Berne, et son fond d'archives militantes au Centre Grisélidis Réal – Documentation international sur la prostitution à Genève, situé dans le quartier des Pâquis où elle a vécu, où elles sont désormais ouvertes au public.
Ses poèmes sont édités en Suisse grâce à son amie Françoise Courvoisier, qui a créé des spectacles à son sujet au Théâtre de Poche de Genève, notamment Combats d'une reine, avec Judith Magre.
Un autre spectacle, monté par Coralie Zahonero dès 2013 à Genève puis à Avignon, est également consacré à Grisélidis Réal.


Et vous, que pensez-vous de Grisélidis Réal, de ses œuvres et de son combat ?


⸻ article écrit par SachaLePtitGenie


*féministes abolitionnistes : féministes en faveur de l'abolition de la prostitution, dans une volonté de venir en aide aux personnes victimes de la traite et involontaire dans la prostitution, mais sans prendre en compte celleux qui exercent ce métier volontairement (à présent, est à questionner le réel choix qu'il y a à travailler, mais pour n'importe quel métier, dans nos sociétés capitalistes).

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