Treize mois après le diagnostic

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Depuis le début des traitements de la troisième phase, je n'avais plus besoin d'aller au CHUS toutes les semaines. À moins qu'il y ait des imprévus, une fois par mois suffisait. Je devais par contre avaler des pilules de chimiothérapie tous les jours à la maison. À mon rendez-vous mensuel, on me faisait une prise de sang, puis je rencontrais Sylvianne et je recevais une injection de chimio différente de celle que je prenais chez moi.


Quand je me rendais à l'hôpital, j'avais ma petite routine. Je m'assoyais dans une berçante pour lire, mes écouteurs dans les oreilles, jusqu'à ce qu'on m'appelle. À part moi, le jeudi, il n'y avait aucun autre jeune de plus de douze ans. Que des enfants et leurs parents, qui passaient l'avant-midi à se promener entre la salle de traitement, le bureau de Sylvianne, la salle d'attente et la salle de jeux. Le fait d'être un peu à part à cause de mon âge faisait mon affaire puisqu'on me laissait tranquille. Les enfants jouaient entre eux et personne ne s'occupait de moi. Jusqu'à un certain jour de mai...

Les portes de l'ascenseur se refermaient quand une main s'est glissée entre les deux. Un beau gars à peu près de mon âge est entré et a appuyé sur le bouton du septième. Puis il a reculé pour s'adosser à la paroi, juste à côté de moi. J'ai aussitôt remarqué qu'il me dépassait d'une tête ! Les portes se sont refermées pour la seconde fois au moment où on entendait : '' Hé, tu aurais pu m'attendre ! '' Le gars s'est tourné vers moi, un sourire aux lèvres :

- Ma mère. Elle connaît le chemin, de toute façon...

Comme on avait appuyé sur le même bouton, j'en ai déduit qu'on allait à la même place. J'en ai eu le cœur serré. Ce n'est pas le genre d'endroit où l'on souhaite se faire des nouveaux amis...

Le gars m'a précédée dans le couloir, puis dans la salle d'attente. Sa mère l'a rejoint quelques minutes plus tard, en même temps que la mienne qui était allée garer la voiture. Pendant que je m'écrasais dans une berceuse, il a plutôt choisi une des horribles chaises droites. Il a ensuite croisé les bras et fermé les yeux, signifiant clairement qu'il ne voulait engager la conversation avec personne.

L'instant suivant, Cynthia, la massothérapeute de Leucan, entrait dans la salle. Je me suis tourné vers elle, soulagé sans trop savoir sans trop savoir pourquoi.

- Hé, Niall ! s'est-elle exclamée, joyeuse, avant de changer d'air en voyant le visage triste de la mère. Ça ne va pas, Maura ?

Les yeux de cette dernière se sont emplis de larmes. Cynthia est aussitôt allée s'asseoir à côté d'elle. Je regrettais soudain d'avoir oublié mon iPod à la maison. J'avais assisté à ce genre d'échange quelques fois déjà, et je savais qu'il ne pouvait s'agir que d'une mauvaise nouvelle qui font pleurer sont toujours très graves...

- C'est revenu.

Et voilà. Tout avait été dit. Le monstre était de retour. Une boule s'est formée dans mon estomac, même si ce n'était pas de moi qu'on parlait. La peur que le cancer résiste à la chimio, ou revienne après la fin des traitements, était le pire cauchemar de tout le monde ici. Personne n'était à l'abri d'une récidive.

Cynthia a pressé doucement la main de Maura, qui a continué de parler. L'écoute et l'empathie étaient les plus grandes qualités de la massothérapeute. Elle savait toujours quoi dire ou quoi faire.

- Sylvianne a téléphoné hier ... Elle avait reçu les résultats des examens de Niall... Elle ne voulait pas nous annoncer ça ici... Elle voulait qu'on puisse digérer la nouvelle avant de revenir au septième...

Une voix brisée par la peine et la douleur, des mots qu'on ne veut pas prononcer... J'avais l'impression de revivre l'annonce de mon diagnostic. En pire. Je me suis levé pour gagner la salle de jeux dans l'espoir d'y découvrir un enfant à amuser. Même si je n'avais pas l'habitude de jouer avec les jeunes, ce matin, tout me paraissait mieux que de rester là.

- C'est ton tour, Zayn !

Depuis la salle de traitement, Annette, l'infirmière, m'a appelé. J'ai changé de direction pour aller m'asseoir dans le grand fauteuil rose fané que Jasmin, un patient d'une dizaine d'années, venait de quitter. D'un geste trahissant l'habitude, j'ai relevé la manche de mon chandail et j'ai tendu le bras, attendant l'éternelle prise de sang. L'infirmière n'a pas tenter d'engager la conversation. Depuis le temps, elle savait que je répondais seulement par un mot ou deux. Je refusais de me lier d'amitié avec le personnel de l'hôpital et les patients, convaincu qu'il me serait plus facile de reprendre une vie normale dès que tout ça serait terminé. Sauf avec Élaine, l'infirmière de recherche. Elle était d'ailleurs à deux pas de moi, regardant dans la salle d'attente. Je lui ai envoyé, sourire en coin :

- Tu te cherches une victime ?

Si c'était la seule pour laquelle je faisais une exception, c'était parce qu'elle avait ce je-ne-sais-quoi d spécial, une façon bien à elle de ne jamais nous prendre en pitié, de nous faire sentir en contrôle de la situation, même si c'était loin d'être le cas. Elle ne nous mentait jamais non plus, n'essayant pas de nous raconter qu'on s'habituait aux ponctions lombaires et aux injections. Et puis elle ne prenait jamais le parti de ma mère quand on n'était pas d'accord, toujours le mien. Je l'adorais.

- Non. J'étais en train de me dire qu'il fallait absolument que je te présente quelqu'un. Mais tu as raison, autant joindre l'utile à l'agréable.

Elle m'a fait un coin d'œil complice avant de disparaître de mon champ de vision.

- Niall. Je dois prendre tes signes vitaux.

Comme réponse, j'ai entendu une espèce de grognement, qui aurait pu tout aussi bien être un oui qu'un non. J'ai souri malgré moi. L'instant suivant, Niall a passé le seuil pour se laisser tomber dans le second fauteuil, aussi défraîchi que le mien. Élaine a fermé la porte et a lancé :

- Ça tiendra ta mère à l'écart.

J'ai acquiescé, reconnaissant. Ma mère avait la fâcheuse habitude de croire que j'avais besoin qu'on me tienne la main pendant qu'on m'installait un soluté ou qu'on me faisait une piqûre. Ça me rendait fou chaque fois ! Et là, de penser qu'elle aurait pu jouer la mère poule devant un très beau gars, j'en avais le vertige. J'aurais l'air de quoi ?!

- Quelle sorte de mère que tu as ?

Niall avait tourné vers moi un visage intéressé qu'étonné. Vraisemblablement, il n'était pas dans ma situation. Je l'enviais presque. Élaine a répondu pour moi.

- Très différente de la tienne. Elle oublie trop souvent que son fils a 16 ans et pas 6 ....

J'ai accompagné mon sourire gêné d'un haussement d'épaules que je voulais nonchalant. Niall a levé les yeux au ciel.

- Comme la plupart des mères... Je te présenterai la mienne. Tu verras qu'elle ne leur ressemble pas trop, trop... Je m'appelle Niall, content de faire ta connaissance.

Il m'a tendu la main par-dessus l'appui-bras et je l'ai serré, les joues un peu chaudes tout à coup.

- Et moi, Zayn. Mais, des fois on m'appelle Za'.

- Eh bien, ce sera Zayn pour moi !

Je me suis sentie rougir bêtement. Il m'a fait un superbe sourire pendant qu'il chassait négligemment une des mèches blondes qui lui descendait devant les yeux. Des yeux d'un bleu éclatant. Témoin de la scène, Élaine semblait plutôt satisfaite de la tournure des événements.

Quand j'ai quitté l'hôpital, ce jour-là, je considérais déjà Niall comme mon ami. Mon premier véritablement ami du septième étage...


1241 mots.

J'espère que vous avez aimer ;)

By RealBeaStyles.

Tu vivras pour moi --- ZiallWhere stories live. Discover now