Août

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- J'ai dit que je ne voulais pas voir de résidents ! Il me semble que c'est clair, non ? J'en ai assez de me faire tripoter par des inconnus ! Il y a des centaines de malades, dans cet hôpital de merde, qui seront sortis avant d'en avoir ras le bol de la visite matinale du troupeau d'internes, d'externes et d'experts en tout genre... Il y a qu'à aller les voir, eux !

Devant la fureur du ton, le troupeau a reculé vers la sortie. Bientôt, il ne resta plus que Sylvianne, l'air grave.

- Tu as le droit de refuser la présence des résidents, Niall, mais ça ne t'autorise pas à être désagréable. Ce n'est pas dans tes habitudes, d'ailleurs. Qu'est-ce qui se passe ?

La mine sombre, mon ami a soupiré avant de se vider le cœur.

- J'ai passé la nuit à vomir, je n'ai pas dormi, j'ai la gorge en feu, et j'ai toujours mal au cœur. Mais ça m'empêche pas d'avoir tellement faim que j'en ai mal au ventre. L'infirmière de nuit a bousiller ma voie veineuse, elle m'a ensuite fouillé dans le bras avec son aiguille jusqu'à ce qu'elle trouve une nouvelle veine, ce qui n'a pas été une partie de plaisir ! Tout ça sans compter que j'ai cassé une corde de guitare, que je n'en ai pas de rechange, et mon ordi refuse de lire le CD que j'ai acheté en fin de semaine... Rien pour que je puisse oublier que j'ai mal partout, que ma vie est un enfer, que je suis écœuré des traitements !

Habituée à ce genre de réaction, Sylvianne a demandé doucement :

- Est-ce que c'est pire que ta dernière chimio, Niall ?

- Deux fois pire... Et ça commencé plus tôt aussi. J'ai l'impression de m'être fait passer dessus par un train.

- Je vais te prescrire un autre antidouleur, en plus de ceux qu'on te donne déjà. Ça devrait s'atténuer, pour disparaître d'ici quelques jours. En entendant, je vais m'assurer que personne ne vienne te déranger, sauf pour les médicaments.

- Je n'avais pas besoin d'avoir mal comme ça ! Déjà que le Neupogen me faisait le même effet...

Le ton était un mélange de révolte et de résignation. J'ai jeté un regard vers la fenêtre, conscient que rien de ce je pourrais dire ou faire, à cet instant précis, n'aurait amélioré quoi que ce soit. Niall devait apprendre à vivre avec les effets secondaires de sa nouvelle chimio, tout en sachant que ceux-ci pouvaient tout aussi bien disparaître qu'empirer.

- Je suis désolée, Niall...

Le silence a suivi après la réplique de Sylvianne. L'oncologue a effectué les examens de routine, puis elle a eu un dernier échange avec mon ami avant de s'adresser à moi :

- Je te le confie, Zayn. Prends-en bien soin.

Sylvianne m'a fait un clin d'œil et je lui ai souri.

- Promis...

Elle a refermée la porte derrière elle et je me suis répété à quel point avoir une médecin comme elle était un cadeau dans cette épreuve cruelle qu'était la maladie. Ils n'avaient pas tous autant d'empathie et de compréhension... Parce qu'on était presque des adultes, certains membres de l'équipe médicale exigeaient qu'on se comporte comme tels, alors qu'au contraire, on avait souvent envie d'être traités avec la même gentillesse et la même patience témoignées aux enfants. Parce que c'était parfois ce que la maladie faisait ressortir en nous : l'enfant qu'on était encore, avec ses peurs et ses faiblesses.

- Promis...

Niall m'avait imité avec une exaspération qui sonnait faux. J'ai répliqué par une grimace.

- Pffffffffff ! Et qu'est-ce que tu vas bien pouvoir faire de plus, pour prendre soin de moi ? Tu as une corde de guitare dans ta poche ?

Il affichait un air prétentieux qui ne m'a pas impressionné. J'ai plissé les yeux en répondant, sourire en coin :

Tu vivras pour moi --- ZiallWhere stories live. Discover now