22. Cessez-le-feu

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Je tremble encore un peu après le récit que je viens de conter pendant de très longues et lentes minutes. Gabriel, Nattie et moi sommes attablés à la cuisine. N'ayant pas la force nécessaire pour assurer ses fonctions habituelles, c'est Gabriel qui s'est chargé de nous faire à manger pour que nous puissions récupérer. A mon grand étonnement, il se débrouille pas trop mal... Cependant personne n'a le moral à manger ce semblant de repas et je me demande pendant encore combien de temps ce silence pesant va rester. Nattie garde sa tête entre ses mains, comme si elle était prise d'une grande migraine mais je sais que c'est parce que je viens de raconter l'a bouleversée.

De mon côté, je prends enfin conscience de plusieurs éléments qui me manquaient mais surtout du principal : c'est Emilie Agreste qui m'a sauvée et qui m'a mise en sécurité le jour de la mort de mes parents, qui m'a transmis le Miraculous de ma mère. Je ne sais pas encore si elle l'a fait sur ses ordres ou s'il s'agissait d'une décision personnelle mais je pense affirmer que je n'ai jamais pris ma tâche à la légère. Je prends une petite inspiration, mes flancs sont encore douloureux et il va me falloir une bonne semaine avant d'arriver à bouger comme je l'ai toujours fait.


"Alors ? Qu'est-ce qu'on fait ?"


Gabriel me regarde avec un air un peu perdu, et Nattie préfère ne pas nous regarder. Je pense qu'elle est vraiment au plus mal, dans tous les sens du terme. Je m'en veux de l'avoir entraînée dans cette situation et d'avoir aggravé une situation qui était déjà compliquée. Je croise les bras sur la grande table et je m'explique :


"Je comprends tes motivations Gabriel, vraiment. Si j'avais le pouvoir de faire revenir mes parents j'aurais tout mis en œuvre pour le faire. Mais comprends ma position, et le fait que... c'est mal. Tu ne peux pas mettre en péril la vie de centaines de milliers d'habitants pour tes projets personnels. Utiliser ton Miraculous à des fins aussi... égoïstes ce n'est pas ce pour quoi ils ont été créés.

-Tu n'es personne pour me critiquer d'avoir agi dans mon propre intérêt. Tu es allé jusqu'à utiliser un Amok sur ta tante pour m'empêcher de récupérer un Miraculous qui pourrait m'aider dans la quête de retrouver mon Emilie."


Gabriel frappe des deux paumes sur la table et dans un geste automatique j'effectue la même chose. Au diable les douleurs, j'ai toujours mon anneau autour de mon pouce. Je prononce lentement en me rapprochant de lui :


"Tu veux jouer à ça Gabriel ? Vraiment ? Avec moi ? L'homme qui n'a pas daigné bouger d'un iota pour sauver ma mère, qui a attendu que sa femme se blesse presque mortellement... c'est cet homme là qui tente de me faire la morale ?

-Ça suffit !"


Nattie a élevé la voix plus fort que nous deux réunis ce qui nous a stoppé net. Ses yeux sont larmoyants et je pense qu'elle lutte de toutes ses forces pour ne pas fondre en larmes. Cependant, elle fait au mieux, et d'une voix presque chevrotante, elle pose ses mots à toute vitesse :


"Je pense que je vais définitivement devenir folle avec vous deux. Trouvez une solution pour vous supporter ou partez... Cassie, je sais que ce n'est pas facile pour toi mais s'il te plaît, n'en veux pas à Monsieur Agreste. Tu peux faire ça ?"


A la fin de sa phrase, c'est mon cœur qui se brise. Elle est à bout de force et je joue avec le plus grand styliste du monde qui est le plus égoïste de nous deux. Je serre les dents, et Gabriel s'est redressé pour attendre ma réaction. Je ne sais pas ce qui me rend le plus folle, mais je crois que de constater que les sentiments amoureux de ma tante sont plus forts que ses propres ambitions et sa santé me détruiront si je reste là. Je ne comprends pas ce qu'elle ressent mais j'imagine qu'elle a ses raisons. Je soupire :


"Gabriel, fais-moi une promesse.

-Je t'écoute.

-Cesse d'utiliser le Miraculous du Paon. Je ne veux plus que Nattie le porte. Plus une seule fois. Arrête de t'en prendre au monde entier pour un crime qu'il n'a pas commis. Je comprends ta colère mais il doit y avoir un autre moyen de ramener Emilie...

-Si tu crois que..."


Gabriel avait commencé sa phrase plus que négativement mais il se ravise en croisant le regard plus que noir que ma tante était en train de lui lancer. Ravie de constater que sa raison n'a pas été complètement corrompue par ses sentiments. Je ne peux pas faire une meilleure proposition à Agreste Sénior. Ce dernier me glisse un mauvais regard avant de soupirer :


"Soit."


Nous ne pourrons jamais être proches, c'est une certitude. Mais effectuer un cessez-le-feu est déjà une sacrée avancée. Je ne sais pas encore combien de temps nous arriverons à le maintenir mais il faut profiter du moment d'accalmie.

***

Toutes les bonnes choses ont une fin, même si celle-ci a été plus que mouvementée. Gabriel a réussi à faire croire à tout le collège que je devais retourner en Angleterre en raison d'un cursus trop différent de la scolarité française. C'est ainsi que je me retrouve à deux doigts de repartir dans un avion en direction de l'Angleterre. Les Agreste ont fait le déplacement avec moi ainsi que Nattie. Notre relation est restée secrète et je n'ai rien dit à Adrien concernant sa mère. Je l'ai promis à Gabriel en échange de l'arrêt de l'utilisation du Miraculous du Paon et de mener une terreur continue dans la capitale française.


"Aaaah la voilà ! Cassie !"


C'est une dizaine de voix différentes qui m'interpellent et en me tournant j'aperçois l'intégralité de la classe de troisième qui m'attendait. Mademoiselle Bustier est également de la partie et elle envoie Marinette dans ma direction. La déléguée de la classe arrive vers moi avec une carte qu'elle me tend des deux mains :


"De la part de toute la classe. On regrette que tu doives déjà partir mais si tu décides de revenir c'est quand tu veux ! On a adoré ces quelques semaines en ta compagnie. Tu as les coordonnées de Mademoiselle Bustier ainsi que les miennes, si tu en ressens le besoin tu peux appeler n'importe quand.

-On sera toujours là pour toi."


La main d'Adrien se pose sur mon épaule et d'un coup la déléguée de la classe est persuadée que les mots d'Adrien lui sont destinés et qu'ils sont une parole sacrée. En cachant un rire, je saisis la carte et je regarde toute la classe qui me regarde avec un grand sourire. Je m'attarde quelques secondes sur Chloé Bourgeois qui attend que plus personne ne la reconnaisse pour m'accorder un vague signe de la tête : je prends cela pour une victoire et un sourire.

L'annonce de mon avion résonne, et je suis obligée de partir. Je me retourne une dernière fois vers Gabriel Agreste en lui accordant une poignée de main. Elle n'a rien de chaleureux mais nous faisons au mieux pour acter le contraire. Le plus dur est de simuler un détachement envers Nattie alors que je meurs d'envie de la prendre dans mes bras. Je m'éloigne lentement en me retournant une ultime fois vers cette image de la France qui restera gravée à tout jamais dans ma mémoire.


"Mademoiselle, il va falloir éteindre votre téléphone le temps du décollage.

-Je le fais tout de suite.

-Je vous remercie."


L'hôtesse s'éloigne de mon siège et j'en profite pour appuyer sur le bouton "envoyer" du dernier message pour Gabriel Agreste :


"Une promesse ça se tient. J'ai tenu la mienne, tiens la tienne. Je t'en fais d'ailleurs une autre. Si le Miraculous du Paon est de nouveau utilisé je le saurai, et je reviendrai."

Miraculous : Les Serres de la VengeanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant