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Assise sur le canapé, les coudes sur les genoux, elle fixait sans plus vraiment les voir les factures étalées sur la table basse. De l'autre côté de la table, Damien, en tailleur sur le carrelage, câlinait Dante qui ronflait, la tête sur ses genoux.

Gino, lui, faisait les cent pas en maudissant Boissard et toute sa descendance sur au moins cinq générations dans sa langue natale. Il s'arrêta pour la énième fois, et pour la énième fois, il pointa un doigt menaçant sur les factures.

- Il ne va pas s'en tirer comme ça ! gronda-t-il, scandalisé. Il fait passer les artisans pour des voleurs, c'est inadmissible !

Gino, en bon italien, avait l'exagération facile, mais cette fois Damien lui donnait raison.

- Boissard n'est pas réputé pour son honnêteté, mais ça, c'est vraiment gros, tempéra-t-il néanmoins. Il vaut mieux en discuter avec lui, il n'est peut-être pas au courant.

- C'est lui le patron, objecta Gino. C'est à lui de vérifier que le matériel qu'il installe est conforme ! Il n'a aucune excuse ! Aucune !

Il ne décolérait pas.

Avec Damien, ils avaient relevé les numéros de série de chaque appareil, comparé avec les factures, et la colère de l'électricien avait augmenté au fil des découvertes.

Tout l'électroménager, du frigo au lave-linge en passant par le four, avait été facturé au prix du neuf. Sauf que rien n'était neuf.

Keeva se frotta le visage.

Elle était au bord des larmes. Elle voulait qu'ils partent tous les deux pour pouvoir pleurer sur sa connerie monumentale. C'est elle qui avait choisi Boissard, alors que Lucille le lui avait déconseillé. Les anciens propriétaires avaient fait appel à lui pour faire l'électricité dans la maison, elle avait pensé que ce serait mieux.

Elle s'était fait rouler dans la farine, et le rire fantôme de Rom ne cessait de résonner dans sa tête.

Elle retint un gémissement, prit une cigarette qu'elle alluma d'une main nerveuse. C'était la troisième en une demi-heure. Elle n'était pas une grosse fumeuse, son paquet était posé là depuis trois jours, mais là, elle en avait vraiment besoin.

- Le frigo est mort, c'est certain, reprit Gino. Je vous en apporterai un neuf du même modèle que celui-là lundi.

- Vous êtes...

Il la fit taire d'un regard noir.

- Je ne suis pas cet enfoiré de Boissard, Signora ! Hors de question que je vous laisse comme ça. Et j'irai le chercher chez lui, et il ne vous coutera pas un sou. C'est ce... figlio di puttana qui paiera, je vous en donne ma parole !

Dans son malheur, si l'électroménager n'était pas neuf, seul le frigo était hors d'usage. Les autres ne présentaient aucun risque.

- De toute façon, il va falloir lui mettre le nez dedans, fit Damien. On ne peut pas laisser passer ça. Qui sait à qui il a fait le même coup ?

Elle geignit, replongea la tête dans ses mains. Elle détestait les conflits, et elle allait devoir en créer un, parce que Damien avait raison, elle n'était pas la seule, et elle devait dénoncer ce vol.

- La liste est faite, et les preuves sont là, continua Damien. Un recommandé pour commencer, ça suffira pour le mettre devant le fait accompli. Il est loin d'être con, il vous remboursera, ou vous livrera du neuf sans rechigner.

Elle releva la tête, le fixa, le regard plein d'espoir. Elle pourrait réellement s'en tirer aussi facilement ? Juste une lettre recommandée ? Elle n'aurait pas besoin de porter plainte ?

J'ai rêvé de Toi (terminé)Where stories live. Discover now