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Attention, les termes employés dans ce chapitre peuvent heurter


          Kevin Derrié écouta les rires provenant de la terrasse. Il ne pouvait rien voir de là où il était, mais cela voulait dire qu'on ne pouvait pas le voir non plus. Depuis la veille, il était un peu plus prudent. Les pandores tournaient comme des lions en cages. Il allait devoir faire profil bas, la prison, ça le tentait moyennement. Il en sortait, et son séjour n'avait pas été des plus agréables. Okay, il avait appris à se battre efficacement, à fabriquer un surin avec tout et n'importe quoi, avait pris quelques kilos de muscles supplémentaires pour compenser son mètre soixante-trois, mais surtout, ça manquait cruellement de meuf.

Putain que ça lui avait manqué. Presque deux ans à se contenter de la veuve poignet devant des pornos matés sur un écran de téléphone payé une fortune. Même le gringalet vaguement efféminé du couloir B finissait par lui donner la trique. Il s'en était satisfait, parce qu'il n'avait pas le choix, il n'était pas une pédale, mais faute de grive. Et puis avec un peu de crack, ça passait, mais rien ne valait le cul d'une gonzesse quand même.

Forcément, la première chose qu'il avait faite en sortant, c'était trouver une pute à qui il avait fracassé la tête après lui avoir fracassé le cul. C'était pas la première fois qu'il cognait dur, et sa femme en avait eu sa claque, c'était le cas de dire ; elle l'avait envoyé en taule.

Bon, c'est vrai, là, il avait cogné un peu fort, mais peu importe, de toute façon, la pute ne parlait même pas français et il était prêt à parier que ni elle ni son jules n'iraient porter plainte. Son mac le retrouverait pour causer du pays avec lui, une fille abîmée, c'était du fric qui ne rentrait pas, mais il savait se défendre maintenant.

Et il était venu lui demander des comptes la nuit suivante. Comme convenu, il avait filé une rouste à la petite frappe, et lui en avait promis une autre s'il revenait se plaindre.

Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que le mec, la gueule en sang, irait tout droit voir le flic qui couvrait son business, contre un petit pourcentage sur les passes de ses filles. Celui-là même qui l'avait coffré deux ans plus tôt : Kervenek ! Il lui était tombé dessus le lendemain, alors qu'il pionçait tranquille dans le taudis que lui avait trouvé l'assistante sociale.

Pas question de discuter avec Kervenek. On ne se battait pas avec un flic, et il s'était attendu à faire un petit tour au commissariat avant de regagner sa cellule, après une semaine de liberté.

Mais le flic avait d'autres projets pour lui, et pour lui prouver sa bonne foi, il lui avait apporté quelques doses de coke, prélevées sur un dealer qu'il avait serré la veille, avant de lui faire une proposition qu'il n'avait pas pu refuser.

Kervenek avait divorcé et aurait perdu jusqu'à son slip si sa pétasse avait pu le lui enlever, et visiblement, il ne le digérait pas. On ne contrariait pas Kervenek. C'était un fait que toutes les petites frappes de la ville savaient, et on racontait qu'il avait descendu lui-même un de ses collègues qui mettait son nez dans ses affaires, pas très propres. Le flic était mort, c'était un fait, mais personne n'avait pu mettre Kervenek en cause, pas même les bœufs-carottes.

Que ce soit sa femme qui, finalement, le mette dans la merde devait l'avoir fait vriller grave.

La proposition était simple : elle allait déménager dans le Sud à la fin de la semaine. Derrié devait la suivre, repérer l'endroit où elle vivait, et lui pourrir la vie. Juste lui pourrir la vie. Les moyens étaient à son entière discrétion, à condition qu'il le soit, discret.

Il lui avait ri au nez. Il avait lui-même des projets concernant sa propre femme.

Après lui avoir fait ravaler son rire avec un bourre-pif qui lui avait déplacé la cloison nasale, Kervenek avait sorti des photos : le corps de la pute qu'il avait tabassée la veille ; s'il merdait, on la retrouverait avec son ADN dessus. Un cheveu suffisait, mais Derrié faisait partie des hommes qui n'avait pas de bol de ce côté-là : il était quasiment chauve à vingt-neuf ans, et il rasait ce qui lui restait. Qu'à cela ne tienne, il lui restait des poils sur le torse, à croire que tous ses cheveux avaient repoussé là. Kervenec avait enfilé des gants en latex et lui en avait arraché quelques-uns, qu'il avait proprement mis dans un petit sachet.

J'ai rêvé de Toi (terminé)Where stories live. Discover now