Chapitre 4

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La nuit allait sur sa fin, Lawrence sortait de la salle de bain. Il se jeta dans son lit en le faisant grincer. Sa fenêtre ne donnait pas sur la petite place très animée en journée, plutôt sur la rue attenante, plus calme et moins éclairée. Il n'avait pas baissé ses stores et son regard se perdait dans le firmament. Ses yeux finirent enfin par se fixer sur une des étoiles qui scintillaient à un rythme régulier, tel un battement de cœur. Le sien était brisé. Déçu, pas d'Emy, mais de lui-même. Emy n'y était pour rien, c'était lui le souci ! Pourquoi ne parvenait-il pas à parler avec les filles qui lui plaisaient ? Il le savait au fond de lui : il craignait leur rejet à cause de son poids. Il avait bien essayé d'en perdre, sans succès. Il avait fait du sport, des régimes, malgré ça, la gourmandise revenait pour panser des blessures qu'il ne réussissait pas à soigner. Alors à ce moment-là, il fit un vœu en contemplant cette étoile... C'était complètement idiot, il en avait conscience, il ne croyait pas du tout à ce genre de chose, toutefois au point où il en était, il le fit quand même.

— J'aimerais perdre ma timidité, j'aimerais avoir la force et la capacité de séduire. Je veux ravir le cœur d'Emy !

Sans s'en rendre compte, il avait crié en se levant d'un bond vers la fenêtre. Il se ravisa en regardant autour de lui comme pour voir si quelqu'un aurait pu le surprendre à faire un truc aussi stupide. Personne. Ced n'était pas encore revenu. Il n'y avait qu'un témoin : l'astre palpitant. Le jeune homme dépité rit nerveusement de sa propre bêtise avant de soupirer. « Si seulement... » Il s'allongea dans son lit et essaya de trouver le sommeil.

***

Dans un autre... monde ? Appelons ça comme ça. Donc, dans un autre monde, la nuit était profonde et pluvieuse. Une ruelle était éclairée par le néon scintillant d'un panneau. Scintillant tel un battement de cœur. L'enseigne affichait avec des couleurs allant vers le jaune et le rose : Agence Bonne Étoile.

À l'intérieur de cet office qui faisait partie d'un grand groupe dans son domaine, il y avait de l'agitation au niveau du hall d'entrée. Une femme, enfin pas une humaine, une femme avec une tête de chèvre habillée en tailleur impeccable était à un pupitre et s'adressait à un public hétéroclite de créatures aux faciès extraordinaires.

— C'est donc avec un immense honneur que je souhaite au nom de l'agence tout entière, un merci et un au revoir à notre plus ancien agent. Un honneur, mais aussi un soulagement après tous ces siècles à travailler avec vous, bê hê hê ! finit-elle par dire avec un rire caprin qui fit grincer des dents l'intéressé qu'elle invitait à venir.

Sur le mur derrière elle, une banderole avait été fixée pour l'occasion avec plusieurs ballons de baudruche attachés en grappe : « Bonne retraite Belt ».
Belt prit la place de sa supérieure derrière le pupitre. C'était une sorte de chat humanoïde avec des défenses de phacochère, ce qui le rendait légèrement démoniaque malgré sa longue carrière professionnelle à la Bonne Étoile. Il leva son gobelet en plastique à ses collègues :

— Merci à vous, mes amis, vous me faites rougir ! Mais je sais que vous êtes là pour boire et manger, pas pour me dire adieu.

Rire général dans l'assistance.

— Je me réjouis, bande de crapules. Car dans trois heures, moi je vous laisse à vos dossiers dans ces bureaux humides et je pars sous les tropiques pour siroter des cocktails avec les jolies autochtones sur les plages brûlantes.

Rire de nouveau.

— En attendant, buvez à ma santé mes futurs ex-collègues !

Il avala rapidement sa boisson avant de descendre de l'estrade pour serrer les poignées de main chaleureuses de ses amis. Malgré ses paroles, Belt eut un moment de nostalgie. Il avait fait partie des premiers agents embauchés dans cette antenne. Des souvenirs de son tout premier jour l'inondèrent alors qu'il déambulait entre ses collaborateurs. Il se revoyait, sortant à peine de l'académie, le diplôme en poche et son premier et unique contrat de travail tout juste signé. L'arrivée dans le grand hall d'accueil l'avait impressionné à l'époque. Depuis, les faux murs en placo avaient jauni, les posters avaient terni, le linoléum s'était rayé, des taches étaient apparues, la modernité s'était transformée en défraîchi... À l'image du vieil agent qui soupira après son dernier serrage de main.

Lovely XYX [terminé]Where stories live. Discover now