Obsession

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— QUATRE ANS AUPARAVANT

Quelque chose ne va pas chez moi.

Ce n'est pas comme si je venais de m'en rendre compte – j'ai entendu bien trop de remarques sur mon comportement auparavant pour prétendre que je ne savais pas.

Trop insensible.
Trop sérieux.
Tu ne seras jamais à la hauteur.
Tu me fais peur...

J'ai toujours su que j'étais différent.
Je l'ai toujours vu.
Dans le regard de ma mère.
Dans celui de mon psychologue.
Même dans ceux de mes meilleurs amis.

Le problème, c'est que je n'avais jamais réalisé à quel point.

Jusqu'à maintenant.

Avec elle dans les parages, je comprends enfin que je suis un putain de cas perdu.

Adossé contre le mur du fond de la cafétéria, je l'observe faire son entrée. Ce n'est pas le genre de fille que les gens ignorent ; loin de là. Elle fait un nouveau post sur les réseaux sociaux ? Tout le lycée en parle pendant des journées entières. Elle rentre dans une pièce ? Tous les regards sont sur elle. Elle fait un coup d'éclat ou une frasque ? Tout le monde l'acclame.

Ça me rend malade.

Pas parce que cette attention me dérange, mais parce qu'ils ne voient que le superficiel. Les gens aiment Saska parce que sa beauté n'a d'égal que sa richesse. Ils voient en elle des choses si triviales... J'aimerais pouvoir être comme eux. La voir uniquement comme une enfant star, une conquête que je voudrais ramener dans mon lit. Cependant, même si je le voulais, je n'y arriverais pas.

Ce que je vois en elle, les pensées qui me traversent quand je la regarde... Ça dépasse tellement l'entendement que j'en ai honte. C'est trop fort pour être sain. Je préférerais être simplement attiré par elle, mais à la place, je suis assoiffé du moindre de ses gestes, presque nécessiteux de la suivre des yeux. C'est idiot, vraiment, mais à chaque fois qu'elle est là, mon être est sien. Je n'arrive pas à détourner le regard. Je n'arrive à penser à rien d'autre. Elle a quelque chose qui m'inspire, une étincelle pour laquelle mon imagination s'embrase.

Pour les autres, Saska brille.
Pour moi, elle est putain d'hypnotique.

Et là réside tout le problème : je ne devrais pas être différent des autres. Je ne devrais pas ressentir ce que je ressens.

C'est la sœur de William.
Mon meilleur ami.
Et, même si elle n'a que deux ans de moins que moi, elle est putain de mineure.

Bordel... mais qu'est-ce qui ne va pas, chez moi ?

Si William, mon meilleur ami, savait comment je pensais à sa sœur, que dirait-il ?

Que je suis trop vieux pour elle. Que le bro-code existe pour quelque chose. Qu'il ne pourrait plus jamais me voir de la même façon.

J'ai beau savoir que c'est mal, que je ne devrais pas, je ne peux pas dire que je me sens coupable sans mentir. Parce que sans même le savoir, elle est devenue ma muse. Saska a quelque chose en elle qui me fait vriller, qui fait vibrer mon âme. Elle a une manière de vivre et de se conduire qui ne ressemble en rien à quelque chose que j'ai déjà vu quelque part. Aucune autre ne lui ressemble.

Je n'ai jamais autant écrit depuis que je la côtoie au quotidien, depuis que j'ai pris l'habitude de presque tout savoir d'elle. Quand je trouve le courage de faire face à la page blanche, c'est elle que je couche sur le papier. Parfois, je confie mes pensées inavouables la concernant. Parfois, j'esquisse des histoires dont elle est le personnage principal.

Sans même le savoir, elle a redonné vie à mon art.
Voilà pourquoi je n'en parle à personne ; personne ne saurait comprendre. Les mots justes m'échappent pour exprimer ce que ça fait de trouver sa muse ; une raison tangible et solide d'exercer votre passion.
S'il y a une autre raison pour laquelle je n'en parle à personne, c'est parce que je sais ce qu'on me répondra : que c'est une obsession, ni plus ni moins. Je le sais. J'ai fait la paix avec ça il y a longtemps. Mais entendre une autre personne me le dire, ce serait trop.

RUSSIAN ROULETTEDonde viven las historias. Descúbrelo ahora