Mystère

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— DARREN

Ça fait quatre jours que j'ai revu Saska.

Quatre jours que le sommeil me fuit comme la peste.
Quatre jours que ma gueule de bois ne redescend pas.
Quatre putain de jours que son image me hante.

Depuis que je l'ai laissée dans la chambre d'hôtel de William, je n'ai pas arrêté de chercher le propriétaire de cette maison. Ce il dont elle avait si peur.

Même si je n'aime pas traiter avec les anciens indics de mon père – ils ont les mains bien plus sales que tout ce que vous pourriez imaginer – j'ai été forcé d'aller les voir. Les convaincre de m'accorder leurs services n'a pas été très compliqué ; il a suffi de donner mon nom de famille. Les Osknov ne sont pas le genre de famille que vous voulez avoir comme ennemis, alors ils ont facilement accepté.

Je leur ai tout d'abord demandé d'identifier le propriétaire. Saska a toujours été trop audacieuse pour son propre bien, et je ne l'ai jamais vue reculer devant personne, même quand elle savait qu'elle était acculée. L'autre nuit, elle était désespérée. Son ton m'a fait penser qu'elle aurait accompli n'importe quoi pour qu'on la sépare de cet homme. Il fallait que je le retrouve. Que je m'assure qu'il paie.

Mais pour quoi, exactement ?

C'est cette question qui m'a poussé à demander une liste de tous les endroits où elle avait été vue, de ses connaissances, du moindre petit détail au points significatifs. Si Saska ne m'expliquait pas ce qui s'était passé – et il y avait des chances, j'avais besoin de le découvrir d'une manière ou d'une autre.

Les indics m'ont facturé à la requête près. Même si l'argent n'a jamais été un problème pour moi, je l'ai vraiment senti passer.

J'aurais aussi bien pu leur donner la moitié de ma fortune, pourvu qu'ils me donnent les informations requises.

Et ils n'ont rien trouvé.

L'identité du propriétaire de la maison était une fausse, complètement intraçable.

Même le voisinage n'a pas su donner de nom. Seulement des descriptions floues.

Homme. La trentaine. Des gardes du corps.

À part cette ombre, Saska n'a été vue avec personne.
En fait, elle n'a pas été vue du tout, et c'est ce qui m'inquiète le plus.

Si j'en crois les rapports qu'ils m'ont soumis – en très peu de temps, certes – cela fait près de deux mois qu'elle n'a pas mis le pied dans son université.
Deux mois.

J'évite de penser à tout ce qui a pu lui arriver durant ce temps. Je pourrais tout aussi bien devenir fou.

George, qui a un jour été ami avec mon père et qui fait partie de l'équipe de traçage, m'a avoué qu'en suivant ses traces, il avait eu l'impression de chasser un fantôme. Trop d'incohérences. Trop peu d'informations.

Ces gars ne sont pas des incapables. Bien qu'ils vendent des services individuels, ils appartiennent à la Bratva, et la Bratva n'est pas devenue la peur de tous les habitants à la ronde en recrutant des bons à rien. Seuls les meilleurs d'entre tous peuvent entrer dans les bonnes grâces du patron.

S'ils ne peuvent pas trouver des traces de Saska...
Cela veut dire que quelqu'un de plus doué qu'eux s'est chargé de les effacer.

Cette réalisation me frappe de plein fouet, et le besoin d'être à ses côtés ne cesse d'accroître. Mon mauvais sentiment enfle jusqu'à devenir une boule d'angoisse.
Dans quoi s'est-elle fourrée, bon sang ?

J'essaie de rembobiner, de mettre la main sur quelque chose que j'aurais laissé échapper, mais il n'y a rien. Il n'y a que cette voix qui chuchote danger, qui devient de plus en plus tonitruante.

RUSSIAN ROULETTEWhere stories live. Discover now