IV

22 6 0
                                    

    Mais revenons à nos moutons et regardons comment Élentir continuait de grandir dans ce château. Longtemps, Élentir n'eut aucun ami et n'en ressentit aucune peine. Cependant, tout changea lors de sa neuvième année. Comme à ses habitudes, la petite se trouvait dans la forêt pour une séance d'entraînement. Cela devait faire près d'une heure qu'elle répétait un mouvement particulièrement difficile. Si ses muscles commençaient à la faire durement souffrir, son esprit était toujours à l'affût. Elle entendit donc de lointains bruits de pas et de voix. Sans perdre un instant, elle récupéra toutes ses affaires et se cacha tout en haut d'un arbre. Non qu'elle soit en faute, mais plutôt par refus d'avoir une quelconque compagnie. Plus les voix s'approchaient, plus elle devinait la conversation. Elle reconnut Palantir et Éledhwen, les héritiers du royaume. La princesse semblait passablement énervée, ce qui étonna fort Élentir, car elle savait que malgré son fort caractère, la jeune fille était capable de garder calme en toute circonstance :

    — Depuis quand l'éducation des enfants royaux doit se faire en fonction des coutumes des pays voisins ! Surtout de cet empire de barbares.

    — Ce n'est pas parce que tu es énervée que tu as le droit de juger les autres coutumes...

    Le prince semblait vouloir apaiser sa jumelle, toutefois Élentir entendit très légèrement son amusement.

    — Et comment appelles-tu une coutume qui veut que les femmes ne puissent pas avoir un statut important ! Comment peuvent-elles juste se soucier de leur apparence ? Quelle importance ont les habits, la danse, le chant, la broderie et tout ce que font ces dames en temps de guerre ? Une telle éducation ne permet pas de faire les choix pour protéger son peuple !

    — Non, tu as tort sur un point. Ce genre de leçon n'en reste pas moins important. Cela permet notamment de se comporter de façon intéressante en société. Et c'est important pour les relations diplomatiques.

    — Mais mère veut que mon éducation se compose uniquement de ça. Et cela ne peut être bénéfique. Si j'arrête mes cours de combat, que se passera-t-il le jour où ma délégation tombera dans une embuscade ? Si j'arrête mes cours de stratégie militaire, comment je comprendrai les problématiques militaires en conseil ? Si je cesse la politique, comment je pourrai parlementer avec des émissaires étrangers ? Comment je pourrai aider mon pays dans de telles conditions ? Cette femme est tout simplement folle de vouloir de me priver d'éducation ! Je ne veux pas devenir comme elle !

    Élentir était surprise. Elle n'avait jamais entendu un tel mépris dans les paroles d'Éledhwen. Et même si elle était d'accord avec tout ce que la princesse avait déclaré, elle doutait qu'il soit bon que la fille garde un tel ressentiment vis-à-vis de sa propre mère. Et le prince semblait également offusqué :

    — Éledhwen ! C'est notre mère !

    — Je me fiche de cela. Mieux : je ne peux voir ma mère en la femme m'affirmant que la tâche de gouverner ne peut revenir qu'à un homme, et que ce genre de rôle demande trop de responsabilités pour une demoiselle !

    — Depuis quand tu veux gouverner ?

     — Je ne le veux pas, et te laisse le trône sans hésitation. Cependant, ce n'est sûrement pas parce que je pense qu'une femme ne peut pas gouverner.

L'enfant du dragon (TERMINE)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora