bitter snow [woosan]

13

Il était allongé sur son lit, attrapant un livre tout juste à côté d'un vase à moitié rempli d'eau dans lequel les six roses gisaient, se fanant peu à peu, offertes par le plus jeune, sur la commode en bois marbré fabriquée par son père. Il ne pu lire qu'une vingtaine de pages avant d'entendre une série de claquements à sa fenêtre. Il se rapprocha, ayant du mal à retracer les contours de la silhouette au travers de la nuit noire avant d'ouvrir à peine la fenêtre, sentant le courant d'air frais s'infiltrer dans la chambre, venant faire claquer la porte de sa chambre au plein milieu de la nuit. Il reconnu une voix faible, appartenant à celle de Wooyoung qui lui suppliait de l'aider, ne sachant pas s'il réussirait à tenir une autre nuit.

San lui répondit de ne pas bouger, prenant des vêtements chauds et un sac pour eux deux avant de sortir par cette même fenêtre. Il enroba l'autre de sa couverture avant de prendre sa main et de le guider au travers le noir, dans une direction que seul lui connaissait.

"San...J'ai vraiment peur." Il sentait l'emprise se resserrer autour de son poignet alors qu'ils s'engouffraient dans la forêt sombre, on entendait la respiration haletante de Wooyoung, quelques piaillements d'oiseaux, les craquements des branches et des feuilles sous leur pas incertains ainsi que le son de la pluie qui semblait s'atténuer.

"Tiens-moi, si un malheur nous arrive, on pourrait ne plus jamais se retrouver."

"San... Est-ce encore loin ?" Il tourna la tête vers son ami, avant de voir ses yeux profonds et vif dans le noir. Ils étaient rempli de douleur et de peur, soudainement, il avait senti une brûlure à son estomac qu'il n'aurait su décrire. Il détournait aussitôt les yeux, fuyant cette sensation étrange pour se concentrer sur ses souvenirs dans l'espoir de pouvoir retracer le chemin.

Enfin arrivés devant le chalet, Wooyoung soupira de soulagement alors que San ouvrait la porte d'entrée, succombant sous une avalanche de souvenirs d'enfance.  Avec son briquet, Wooyoung alluma la cheminée, le bois séché facilitant la propagation des flammes, tout les deux s'approchèrent du feu, cherchant à se réchauffer alors que le plus petit ne cessait de remercier San pour son aide. "Retourne auprès de tes aïeux, tu ne peux te laisser succomber de la sorte Wooyoung." Il se rapprochait de l'autre chuchotant un "pour te réchauffer" Le plus jeune s'affalait contre l'emprise de l'autre déglutissant, répondant d'une voix faible :"Si je pouvais, je ne serais pas ici. Ils me refusent auprès d'eux, ils préfèrent me laisser périr à petit feu."

"Pourquoi est-ce ainsi ?"

"Je suis tout ce qu'ils craignent. Ils sont saints, je ne le suis plus." L'adolescent prononçait alors que ses yeux brûlaient, s'engorgant de larmes, il se penchait dans l'emprise de l'autre cherchant du réconfort, les doigts s'agrippant au dos de sa chemise froissée. "Je me suis abandonné à la luxure et aux plaisirs pêcheurs. J'ai essayé de me repentir, de retrouver la foi mais mon âme n'y croit pas et je commets toujours les mêmes fautes... Je crois que c'est une partie intégrante de mon être que je regrette mais que je ne peux changer, et ils le savent. Je suis infâme malgré moi, faire semblant ne ferait qu'empirer la chose alors je me suis abandonné, j'ai accepté mon sort et j'ai arrêté de lutter." Il racontait, les pupilles colorées de couleurs chaudes, reflétant les flammes flamboyantes qu'il regardait,  teintant la peau des deux jeunes hommes d'une nuance orange réconfortante tandis que leur corps s'imprégnait de la chaleur du feu et de l'autre.

"S'ils étaient bons, ne t'aideraient-ils pas à rejoindre la bonne voie ? Puis-je savoir ce qui a causé tout cela ?"

"Plus jeune, ils m'ont envoyé chez un homme pendant un mois lorsqu'ils eurent appris que j'étais tombé pour un garçon de passage, un citadin. Mon hôte, âgé d'une cinquantaine d'année était chargé d'effectuer une thérapie de conversion, pour me remettre sur le droit chemin. Il a abusé de moi, quand je l'ai dénoncé, ils n'ont pas cru à une seule des paroles que je prononçais et m'ont blâmé, ainsi j'ai voulu m'émanciper et j'ai abandonné tout ce qui était lié avec eux." Il prononçait ses dernières paroles, reniflant, ses paupières se fermaient sous le coup de la fatigue.  Ils étaient restés collés encore une quinzaine de minutes, les réactions maladroites de San qui tentait de le réconforter le faisaient sourire, ils étaient partis se coucher avant que le plus jeune ne s'évanouisse, San retournant dans sa chambre d'enfance et Wooyoung s'allongeant sur le canapé près du feu pour profiter de la chaleur et le confort qui l'avaient tant manqué d'un foyer.