ORIGINELS [ Les enfants de la lune vermeille ]

Chapitre 2

Quand la transparence des parents s'apparente à un souvenir douloureux qui le hante.

Sous les étoiles de cette nuit sans nuages, je regarde le feu crépiter devant nous, éclairant faiblement notre campement de fortune. Aucun de nous n'a sommeil et ce n'est ni la peur des loups ni des rebelles qui nous tient éveillés, mais bien la crainte de l'inconnu qui nous attend de l'autre côté de la mer. Ce Royaume n'est pas le mien et je ne suis pas prêt à céder la couronne à un parfait inconnu. Qu'il courbe l'échine ou se noie dans les eaux qui bordent l'île de Pariendi.

J'entends Nicolas tousser exagérément, me sommant ainsi de ravaler la haine qui m'assaille, mais je n'en ai que faire.

Assis autour de ce feu qui se tarit, nous ne ressemblons qu'à des âmes errantes. Je suis le roi de ces âmes et les guide dans un désastre qui ne sera que la conclusion logique de ma vie d'échecs. Camille se félicitera d'avoir joué la partie avec brio et sans doute que mes amis se rallieront à elle à cause de son pouvoir de persuasion sans pareil.

La partie n'a même pas commencé qu'elle est déjà perdue.

Un jour la reine touchera le roi et les fous se mettront à marcher droit.

— Une passion subite pour les échecs ? s'enquit Nicolas, tentant un brin d'humour qui ne fait rire personne.

Je me prends tout de même au jeu et réplique :

— Si nous étions sur un échiquier, tu serais le cavalier.

— Toujours à côté du roi ?

— Non. Peu de marge de manœuvre mais une façon de faire si particulière que chacun de ses déplacements à tendance à déstabiliser l'adversaire.

— Est-ce une bonne chose ?

— Le cavalier a toujours un coup d'avance contrairement au roi qui n'est que protégé par les autres pièces.

— L'échec au roi désigne la fin de la partie, qui prendrait ce risque ?

— Ceux qui ont le courage de mettre leur vie entre les mains du destin.

— Il ne fait pas tout, il suffit parfois de pas grand-chose.

— Comme une reine incontrôlable ? demande Quentin, mettant ainsi les pieds dans le plat d'une manière qui lui est propre.

— Comme une reine incontrôlable, je confirme, las.

J'ai toujours trouvé que la reine jouait un rôle beaucoup trop important dans une partie d'échec. Ses déplacements sont imprévus et son pouvoir bien trop élevé contrairement au roi. Elle peut ainsi se mettre en danger comme ravir la totalité des pièces de l'adversaire, selon le choix qu'elle décide de faire.

Quelquefois, la reine ravit le roi.

Juste un coup, un saut de quelques cases.

Des mains qui se frôlent.

Puis la mort.

Échec et mat.

— Pourquoi parlons-nous d'échec déjà ? s'enquit Quentin.

— Valéryan trouvait le parallèle intéressant.

— Tu étais encore dans sa tête ?

— Toujours.

— Vous pourriez au moins faire un effort, je ne suis pas un communicant.

— Tu aurais dû rester à la Braise et contrôler les rebelles, rétorque Nicolas, froid.