ORIGINELS [ Les enfants de la lune vermeille ]

Chapitre 19

Les quatre originels sont partis pour Cepa afin d'apaiser le climat de tension qui y règne. Mal accueillis par les locaux, Camille, Nicolas, Quentin et Valéryan se retrouvent enfermés dans une chaumière où ils doivent passer la nuit. Après s'être laissé aller à un rapprochement aussi qu'étonnant que libérateur, le jour se lève et il est temps pour eux de découvrir les secrets d'un royaume maudit par le reste du monde.

Camille

A notre réveil, quelques mets étaient à notre disposition et c'est dans le plus grand des silences que vous nous nous sommes jetés dessus. Seuls les bruits de mastication sont venus s'ajouter aux chants des oiseaux et à aux bruits de la ville qui s'éveille.

Un proche de Raden est arrivé peu de temps après. Il a toqué à la porte afin de s'assurer que nous étions bien debout et visibles, pour nous escorter là où nous devions nous rendre. Nous l'avons suivi sans méfiance, Valéryan prenant toutefois soin de mettre quelques plantes dans la poche de son pantalon —pour contrer nos pouvoirs, sans doute. Sur place, Arlette nous attendait déjà.

Debout et immobiles à l'entrée du village, je me demande bien ce que nous faisons là. Raden a-t-il pris la décision de nous renvoyer chez nous sans nous laisser l'occasion de nous exprimer ? Cette possibilité serait extrême, surtout que nos chevaux sont manquants à l'appel.

L'attente est interminable et nous aurions bien eu le temps de discuter de la marche à suivre ou même de prendre un bain. Cette pensée me fait rougir et je crains que l'un d'entre nous puisse comprendre où s'égare mon esprit. Jetant un coup d'œil furtif autour de moi, je suis rassurée de voir que personne n'a l'air de me prêter la moindre attention. Je prends alors la liberté de faire voyager mes pensées vers des contrées interdites.

Hier soir, nous étions nus. Par nous, j'entends tous les quatre. Et si Quentin a donné le choix à Nicolas de décider s'il souhaitait ou non garder en mémoire cette nuit, Valéryan n'a fait aucunement référence au comportement que nous devrions tenir par la suite. Je ne m'attendais certainement pas à un élan d'affection de sa part —quoique. Les mots qu'il a prononcé avant de sortir du bain me restent en mémoire. Ils étaient doux, beaux et sincères. Le seul problème est que je ne les comprends pas et que, sauf mensonge éhonté de sa part, il ne les comprend pas plus.

Comment est-il possible qu'un homme puisse utiliser une langue qu'il n'a jamais apprise ?

Au fond de moi, je crains que ce ne soit encore qu'un énorme mensonge, mais le fait qu'il soit si gros me fait douter.

Je reporte mon attention sur le fruit de tous mes questionnements, m'amusant du fait qu'il tripote nerveusement les plantes dans sa poche. Elles doivent être en bouillie à l'heure qu'il est.

— Qu'attendons-nous ? demande poliment Nicolas avant de recevoir un coup de coude de la part de Quentin.

Nous attendons Raden, cela parait évident. La question serait plutôt de savoir pourquoi nous attendons depuis si longtemps, mais au vu de l'âge avancé du vieillard et de sa démarche lente et titubante, il ne serait pas surprenant qu'il soit en route depuis un long moment déjà.

— Raden a dû s'entretenir avec les anciens pour les convaincre d'entendre ce que nous avons à leur dire, élude Rydstorm.

— Pourquoi ne pas l'avoir fait hier soir ?

— Les anciens s'endorment tôt, lüdka. Nous sommes arrivés en pleine nuit.

Que les Dieux fassent en sorte que Cepa ne subisse jamais d'attaque nocturne. Les anciens n'auraient alors jamais la possibilité de se réveiller de leur sommeil.