Chapitre 3: La salle de production

104 23 36
                                    

La fille dont il nous parlait quelques minutes plus tôt était là, à quelques mètres devant nous. Enchaînée avec des fers à moitié rouillés. Nous la regardions tous avec incompréhension, mais elle ne se retourna pas à l'appel de Guang. Il s'avança d'un pas déterminé, mais je freinai son élan en le prenant par le bras.

– Que fais-tu ? Je dois aller la secourir, c'est ma sœur ! s'exprima t'il en soutenant mon regard d'une intense ardeur.

– Non, attends, lui dis-je d'un ton calme. Tu vas tous nous faire repérer. Regarde, j'ai l'impression qu'il se passe quelque chose de louche. Les enfants ne semblent plus travailler.

En effet, j'avais raison. Les tapis roulants avaient arrêté de fonctionner. Guang avait également pris conscience de la situation, et nous reculions doucement pour nous cacher derrière des grosses boîtes en métal servant de stockage avec le reste du groupe.

– La production est sûrement stoppée pour une bonne raison. Dis-je en m'adressant aux autres à voix basse.

– En effet, c'est à cause de toi. Dit le petit robot.

– Hein ? Comment ça à cause de moi ? Tu te trompes, je n'ai rien fait. Lui dis-je effarée.

– Ta fuite a provoqué arrêt production cristaux en salle mines. Conséquence : inactivité totale autres enfants travailleurs. Menace détection imminente par systèmes de sécurité et déclenchement alarme gardiens. Simulation des issues possibles : probabilité de votre enfermement au cachot supérieure à 85%. Quant à moi : risque de désactivation forcée ou destruction exemplaire évalué entre 70 et 90%.

Le petit robot débita ces phrases sur un ton monocorde, ponctué de pauses analytiques.

– Tu parles toujours de cette façon où ? lança Guang en haussant un sourcil moqueur. On croirait entendre un robot qui n'aurait pas mis à jour son logiciel de conversation depuis un bail !

– Ma mémoire et ma capacité d'expression sont en cours d'apprentissage.

– En clair, on est dans la mouise jusqu'au cou ! s'écria la jumelle en levant les bras au ciel !

– Peu importe, je ne peux paslaisser ma sœur ici alors que je ne suis plus qu'à quelques mètres d'elle, ça c'estimpossible.

Soudain, une alarme stridente se mit à retentir dans tout le hangar, suivi du vrombissement des haut-parleurs. Aussitôt, les enfants cessèrent leur travail. Leurs visages étaient impassibles, leurs mouvements machinaux. Ils se tournèrent vers l'immense portrait du Père Référent accroché au mur du fond.

Puis, sans qu'aucun ordre ne soit donné, d'une seule voix, les enfants se mirent à scander en cadence :

"Au Père Référent, nous jurons obéissance absolue !

Au Père Référent, nous jurons loyauté et discipline !

Nous travaillerons sans relâche pour la gloire du Père !

Gloire éternelle au Père Référent !"

Ils criaient de plus en plus fort, poings levés vers le portrait, corps tendus en arrière. On aurait dit des petits soldats prêtant serment à leur chef suprême. Leurs visages étaient déformés par l'effort mais aucun ne faiblissait.

Puis après quelques minutes, comme un seul homme, ils cessèrent. Seul le tintement des pièces reprit, dans une parfaite coordination.

Mais où j'ai atterri moi !

Nous étions toujours cachés lorsque soudain, la porte de l'ascenseur s'ouvrit dans son grincement habituel.

Un silence de mort tomba soudain sur la salle.

Les captifsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant