Chapitre 4

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Ezekiel



Je vais en tuer un. Ou peut-être deux.

Andreas est affalé sur le divan du salon qui nous a été réservé, une bouteille de whiskey à la main. Il se ressert copieusement pour ce qui doit être son deuxième verre. Ses traits sont tirés et la colère envahit ses prunelles. Colère qui irradie de tous les ports de ma peau.

Fait chier !

Une importante cargaison qui devait être livrée aux mexicains a été attaquée pendant notre vol vers l'Irlande. Cinq de mes hommes y sont passés et les autres sont dans un état lamentable. Une centaine de milliers de dollars claqués à cause d'un enculé dont on ne sait rien. Niente ("rien", en italien).

Je sors sur le balcon pour me griller une clope. La nicotine s'infiltre dans mes poumons, infectant mes cellules lentement, vicieusement. Oh oui, vicieux. Ce poison me tue à petit feu mais putain je ne le quitterai pour rien au monde. Le pouvoir d'apaisement qu'il détient est incroyable. On dit que les fumeurs sont des êtres faibles. Bah putain, rien que pour ça je l'accepte. Combien de fois j'aurais pu vriller sans une bonne taffe.

Les coudes posés sur la rambarde j'observe la cour du domaine gigantesque du Collectionneur. Il n'y a pas à dire, cet enfoiré s'est construit un putain d'Empire. Empire que j'ai bien l'intention de faire tomber. Beaucoup trop de choses vraiment pas nettes se passent ici. Mon père savait ou avait découvert quelque chose. C'est pour ça qu'on l'a tué. Et qu'on me foute une balle si je me trompe.

Il y avait un million de raisons de tuer mon paternel. Mais il est tombé pour protéger les secrets de l'irlandais. Alors je vais le faire tomber à son tour. En commençant par sa Collection.

Jusqu'ici, mon instinct m'a toujours donné raison, il n'a jamais failli. Et cette fois encore, il me hurle que les enfants Barrett ne sont pas inconnus à toute cette merde. Renégocier les anciens contrats de l'époque de mon père n'est qu'un prétexte pour me rapprocher d'eux. Pour les atteindre.

Un verre de whisky apparaît dans mon champ de vision. Mes yeux remontent le bras tatoué jusqu'au visage de mon Consigliere. L'étincelle de colère dans les pupilles d'Andreas s'est muée en contrariété. Il me met le spiritueux sous le nez sans un mot, ses mèches noires secouées par le vent.

Après un temps de réflexion, je m'empare de l'objet avec un signe de tête. Mon second s'adosse face aux fenêtres, les bras noirs d'encre croisés sur son torse. Aucun de nous ne parle, perdue dans nos pensées. Andreas décide finalement de rompre le silence.

—   La réception est dans un quart d'heure.

Je lève la tête vers les nuances orange qui commencent à teinter le ciel.

—   On ne leur fera pas le plaisir d'arriver à l'heure.

J'écrase mon mégot contre la rambarde, le jette et retourne à l'intérieur. Le verre à mes lèvres, j'englouti d'une traite le liquide ambré.

—   Où est Niccolò ?

—   Il est avec les soldati ("soldats", en italien) qui nous ont accompagnés.

—   Appelle-le et dis- lui de venir.

***

Après une dernière clope, me voilà devant l'imposante porte qui mène à la salle de réception. Niccolò ébouriffe distraitement ses cheveux bleus. Il était tout à fait contre l'invitation du Collectionneur, pourtant le voilà à mes côtés, élégamment vêtu d'un smoking noir qui camoufle ses nombreux tatouages. Ce type déborde de loyauté à m'en faire vomir mais c'est bien pour ça que je l'ai hissé à la deuxième place. Qu'il soit le mari de ma cousine n'a strictement pas influencé mon choix.

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