☆ 𝒞𝒽𝒶𝓅. 5 : Cet effet-là

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La fraîcheur du matin parisien était apaisante.

À huit heures, seuls quelques groupes de touristes s'aventuraient du côté du Louvre. C'était justement ce calme relatif qui empêchait Katsuki d'imploser ici et maintenant.

À son époque, le bruit ambiant des véhicules polluants n'existait pas. Il avait d'ailleurs cru lors de ses premiers voyages ne jamais s'y habituer! Malgré tout, il l'avait rapidement oublié, s'acclimatant comme n'importe quel habitant de ce désagrément sonore. Il était désormais capable de se détendre au sein de cette capitale en constante ébullition, et de profiter pleinement des moments tels que celui-ci.

Le Palais avait tant changé au fil des décennies! Il ne se lassait pas de l'explorer du regard, de détailler chacun des ajouts des générations ayant succédé à la sienne. Ce n'était pas la demeure préférée de Masaru II, mais il n'en restait pas moins une merveille architecturale digne des livres d'Histoire. Katsuki était infiniment fier qu'il ait ainsi traversé les âges, au point d'en devenir un tel trésor.

Les œuvres, le savoir et la distinction qu'il abritait l'attiraient chaque jour un peu plus. Aurait-il seulement le temps de tout apprendre par cœur avant de se trouver à nouveau piégé au seizième siècle?

« Tu aimes cet endroit. »

Le Prince sursauta. Il n'eut pas besoin de se tourner vers la voix claire qui venait de l'interpeller : son propriétaire se planta devant lui sans aucune gêne, un immense sourire s'étirant à l'infini sur sa bouille ronde.

« C'est beau à regarder. » ajouta-t-il sans le saluer.

« Tss, évidemment! » l'agressa de suite Katsuki. « Tu n'imagines pas les années de labeur qu'il a fallu pour ériger ce–... »

« Je parlais de toi. »

« De moi? »

« Ça se voit que tu adores ce lieu. Tu le détailles comme un pèlerin arrivé au sanctuaire de Lourdes. »

« Et tu trouves ça... beau? »

« Pas ça... Toi. »

Les iris carmin du plus grand brillèrent d'incompréhension. Ils ne purent dès lors se détacher de ceux, émeraude, de ce gamin impertinent qui n'avait décidément peur de rien. Aucune moquerie n'y était visible. Pas une once d'amusement – juste une sincérité bien trop importante pour être réfutée.

Aussi, Katsuki préféra ne rien ajouter. On ne lui avait pas enseigné ce genre de réactions... Où étaient la crainte, l'obéissance, la rancœur qu'on lui témoignait d'habitude? Sa préceptrice n'avait-elle donc aucun cours à lui dispenser là-dessus?

« J'ai ta carte. » déclara-t-il à la place, suffisamment perturbé pour mettre son mordant de côté.

Il s'empressa de la chercher dans la poche de sa veste, conscient du rose ridicule qui s'épanouissait sur ses pommettes. Que dirait sa mère si elle le voyait ainsi?

Je suis pitoyable.

« Tiens. » lança-t-il finalement en tendant le rectangle reçu la veille à son accompagnant. « Tu as intérêt à en prendre soin. »

« Merci beaucoup! » s'enthousiasma-t-il. « Avec ça, tu es à moitié pardonné. »

« Pardonné de quoi? Tu te moques encore? »

« De ton comportement envers mon ami! Tu n'as pas déjà oublié, rassure-moi? »

« Parce que c'est auprès de toi que je dois me faire pardonner, maintenant? »

« Tu sais pertinemment que Tenya ne te demandera jamais rien. Pour une raison qui m'échappe, tu es son client préféré. »

« A-ah bon? »

« Bien sûr. Il n'y a qu'avec toi qu'il se montre si conciliant ; même quand tu lui parles comme tu l'as fait. »

La semaine ayant suivi son éclat n'avait pas été de tout repos : Izuku, qui était parvenu à lui soutirer son numéro, l'avait harcelé quotidiennement afin de s'assurer qu'il n'oublie pas sa requête. Katsuki avait de ce fait eu un aperçu plus qu'éloquent de son potentiel insupportable... Ce qui l'avait empêché de fuir, par hantise de le subir davantage.

« Bon, trêve de bavardages inutiles. » grogna-t-il.

Il n'attendit pas de réponse et se dirigea seul vers la Pyramide du Louvre. Ces visites imposées seraient au moins une belle occasion de se vanter de ses connaissances...

Les pièces richement décorées à la mode des époques qu'elles mettaient à l'honneur défilaient. Dans chacune d'elles, le duo s'arrêtait plus ou moins longtemps, prêtant attention aux objets, peintures et sculptures qui intéressaient Izuku.

Celui-ci avait visiblement perdu l'envie de tourmenter Katsuki, dès l'instant où il avait sorti de son sac à dos jaune de quoi gribouiller. Il buvait chacune des anecdotes que le blond daignait lui raconter, s'appuyant sans vergogne sur les murs si l'écriture devenait difficile en bas de page. Il disposait de plusieurs carnets, dont lui seul maîtrisait l'utilité : il les échangeait sans arrêt, marmonnant entre chaque pause pour s'y retrouver.

La culture impressionnante de son guide ne parut pas le perturber outre mesure. Il lui fit d'emblée confiance quand il l'éclaira sur le premier portrait de Masaru II, ne lésinant pas sur les détails. La passion dont il rayonnait en expliquant les perspectives et l'usage des couleurs de chaque artiste qu'il affectionnait, le fascinaient au point qu'il en oubliait leurs chamailleries.

Katsuki les avait également mises de côté sans s'en rendre compte. Il ne craignait déjà plus d'être démasqué, les quelques tableaux le représentant ayant été effacés de l'Histoire à sa demande – par peur d'une redoutable incohérence temporelle. Les autres splendeurs, qu'il avait admirées à la fois dans le passé et le présent, réussissaient de plus à évincer les envies de châtiment barbare qui le tenaillaient dès qu'il se trouvait en présence de l'étudiant. Il se surprit à apprécier ces exposés qui, comme il s'y attendait, lui remémorèrent nombre de ses anciennes classes.

Il ne l'aurait avoué pour rien au monde, mais les trois rendez-vous hebdomadaires qu'ils se fixèrent devinrent vite une bouffée d'air frais. Son esprit découvrit peu à peu une certaine forme de quiétude, qu'aucune de ses soirées avec la sensuelle Camie n'avait su lui offrir. Globalement, aucune de ses conquêtes précédentes ne lui avait procuré cet effet-là...

C'était tellement agréable que de se raconter de la sorte, à quelqu'un qui l'écoutait sincèrement et avec la plus grande attention! Izuku n'était qu'un banal élève qui aspirait à devenir professeur d'Histoire, certes – mais il lui tenait tête, l'empêchait de s'égarer dans cette mélancolie mêlée de colère qui le tenaillait en permanence. Il le surprenait, rythmait les quelques heures qu'ils s'accordaient dans ce refuge culturel de son humour agaçant et de ses sourires.

Katsuki ne le supportait toujours pas. Il était bien trop dissident pour représenter un quelconque intérêt relationnel à ses yeux...

Pourtant, il ne se souvenait pas avoir été aussi paisible qu'en sa compagnie.


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Prince des Temps || 𝐵𝑎𝑘𝑢𝐷𝑒𝑘𝑢Where stories live. Discover now