15 - Sandwich au poulet

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Je suis allée me coucher tôt hier, mais je me suis endormie tard, il y avait quelque chose dans la soirée qui m'a empêché de fermer les yeux. Je ne sais pas si c'était à cause de l'odeur de Tonío partout sur mon pyjama ou de ce que j'ai ressenti quand il était au-dessus de moi. Je me suis sentie protégée et... troublée. Tout ce que je ressens semble multiplié ici. En plus du fait que, depuis que je suis ici, je ne pense à rien de ma vie de New York, et je m'en veux.

J'aime me lever plus tard que d'habitude, j'aime que Marysa me coiffe et que Sergio cuisine des petits plats délicieux. J'aime le paysage de cette maison et cet étrange silence qui laisse place au parquet qui grince et au chant des oiseaux.
Est-ce que je suis normale ? Je veux dire, je suis prisonnière ici avec un tueur qui m'a drogué avant de me mettre dans son avion et de m'enfermer dans une chambre. Et moi ? J'aime avoir son odeur sur mon pyjama et attendre qu'il arrive.

C'est le vrombissement de la moto de Tonío qui s'entend dans la cour et me sors de mes pensées fugaces.

Je n'aime pas cet endroit
Je. N'aime. Pas. Cet. Endroit.


C'est ce que je me dis en regardant mon visage dans le miroir, mes lèvres semblent déjà plus rondes, mes cheveux brillent et mon teint habituellement pâle est légèrement hâlé grâce à mes journées au soleil.
Et quand je regarde par la fenêtre, Tonío porte un blouson en cuir de motard et un casque noir assorti. Il descend de la belle moto noire et enlève son casque, ses cheveux sont légèrement ébouriffés et une mèche tombe sur son front, ça me donne envie de la remettre en place. Bon sang, je suis une tarée.
Le syndrome de Stockholm, tu connais ma petite ?

La réalité, c'est que Tonío m'enferme peut-être ici, mais il n'a pas été violent avec moi. Il y a eu cette histoire d'hypothermie et c'est comme si mon corps avait décidé qu'il méritait une attention toute particulière. Je me sens obligée de vouloir en savoir plus sur lui. Il paraît si... détaché. Et il marche dans cet endroit comme s'il le détestait, pourtant, il m'a amené ici. Pourquoi ?

Je secoue la tête. Non. Si je guette que 20 heures s'affiche sur l'horloge toute la journée c'est seulement parce que j'ai besoin d'une présence autre que celle de Marysa et Sergio. Point.

Je regarde mes ongles couverts de terre, et pense que je n'ai pas pris ma douche. Nous avons planté des pommes de terre et des carottes cet après-midi, Marysa m'a appris plein de choses dans l'art du potager, j'étais épuisée et je me suis assoupie avant de partir dans mes pensées. Résultat, je suis dans un état pitoyable. J'évalue mes choix, soit je prends une douche dont je rêve, soit je pars le rejoindre.

Tonío a inséré des règles, il a été clair sur le sujet. Il veut que je sois là à 20 heures et en échange je peux être libre sur la propriété et me faire entraîner, il n'a pas précisé que je devais être propre et présentable.

Alors je descends, habillée encore de ma vieille salopette en jean couverte de terre. Je retire mes baskets pour venir sur le tapis.
Peu de temps après, Tonío pénètre dans la pièce de sport et balaie mon accoutrement du regard

Ça va pas le faire.

— Quoi ? Pourquoi ?

— Va prendre une douche et met quelque chose de plus confortable.

Choquée par son attitude, je me baisse discrètement vers mes aisselles pour vérifier que je ne dégage aucune odeur, mais non, je peux même encore sentir mon déodorant au coton blanc.

— Non, c'est très bien comme ça, c'est quoi le problème ?

Tu es sale.
Ses paroles déposent un goût amer dans ma bouche, mais j'essaye de ne pas me laisser atteindre.

Le MotesineWhere stories live. Discover now