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L'assemblée dura si longtemps que la femme crut avoir prit cinquante ans durant celle ci, mais Jared la rassura aussitôt : non, la retraite n'était pas encore là.

- Dommage, ricana celle ci.

Il secoua négativement la tête, d'un air vif.

- Non, l'argent n'est pas le même.
- Hé, si tu te préoccupes autant de ton salaire, va te chercher un sugar daddy, répliqua son amie.
- Super idée, je vais chercher.
- Pense à diviser l'argent reçu, je t'ai donné l'idée.

Jared leva les yeux au ciel en riant, et se passa la main sur le visage.

- On va manger ? demanda t il
- Oh, ça, oui. J'ai faim.

Le duo descendit à nouveau, par les marches, et arriva bientôt devant la rue où ils trouvaient habituellement leur rendez vous.

- Pizza, ou sushi ? demanda Paula.
- Oh, tacos ? proposa t il

Elle haussa les épaules et se laissa guider jusqu'à l'endroit où l'homme avait envie de manger. Ils commandèrent à emporter, prirent leurs plats et allèrent manger un coin de rue.

- J'ai rendez vous ce soir, annonça Jared, en s'essuyant les doigts avec sa bouche.
- Oh, cool. Tu es toujours dans ta période "Dom Juan", ou tu cherches la bonne ?
- On verra si elle aime Lana Del Ray. Je ne tolère qu'une femme qui aime cette génie.
- T'es sélectif.
- Et je rigole pas.
- Ça me fait peur, appuya t elle.
- Je me fais peur aussi.

Elle eut un rire, et jeta ses déchets.

- On y va ?
- Ouaip. Et toi, tu fais quoi ce soir ?
- Ted veut me baiser, je crois. Alors il a tout préparé.
- Quel romantisme, répliqua t il.
- Ouais, je sais.
- Le mariage va être sympa, si préparer des trucs lui donne envie de faire l'amour, insista l'homme en riant.
- Oh mon dieu, je n'y avais même pas pensé.

Il se passa la main dans les cheveux, en ayant un rictus.

- Plus sérieusement, ça se passe bien ? Tu as hâte ? Peur ?
- Je réalise pas trop, sourit Paula. J'espère juste que je merde pas.
- Je comprends. Et tu l'aimes ?
- Bon sang oui, s'agaça t elle en lui donnant un coup de coude. Sinon je n'aurais pas dit oui.

* * *

Paula monta dans sa voiture, puis partit pour rentrer chez elle, en fredonnant une musique qu'elle détestait enfant qui passait à la radio, Somewhere only we know. Quand elle était petite, sa mère mettait souvent les musiques de ce groupe, Keane, et Paula détestait. En réalité, elle haïssait ne pas comprendre les messages qui étaient transmis à travers des simples mots, alors elle se plaignait, en se roulant sur le canapé, mais jamais sa mère ne changeait.

En grandissant, Paula avait été prise d'une envie de se replonger dans son enfance et avait écouté alors toutes les musiques de ce groupe. Elle avait alors ressenti au fond d'elle que les mots résonnaient en elle : Somewhere only we know était alors devenu la chanson qu'elle écoutait quand elle avait besoin de sentir qu'elle était soutenue par sa mère, et aimée. Peu lui importait de savoir pourquoi le chanteur avait écrit les paroles, tout ce qu'elle considérait comme important était que cette chanson était un doudou. Quand elle se sentait perdue, elle l'écoutait, et brusquement, tout allait mieux, ou du moins pour 03:56. La batterie qui résonnait au début laissant place à la voix douce de Tom Chaplin accompagnée du piano lui donnait des frissons à chaque fois. Parfois, elle se revoyait adolescente, l'écoutant en pleurant, après une dispute avec sa mère, et elle haïssait ce que le monde avait fait de cette chanson. Elle était devenue une musique dont seulement quelques paroles étaient retenues, puis répétées sur une application, et le restant du travail des compositeurs avait été oubliés, jetés par la masse. Mais Paula était là pour en ramasser les morceaux perdus dans l'oubli général, et pour les chérir.

Les dernières notes se firent entendre, et elle baissa le volume en essuyant ses larmes, puisqu'elle arrivait devant chez elle. La femme gara sa voiture, en descendit puis sonna à la porte : Ted l'ouvrit aussitôt.

- Coucou, mon sucre, lui chuchota t il, l'aidant à enlever sa veste. Bonne journée ?
- Fatigante. Et toi ?
- Reposante.

Paula pouffa et posa son sac.

- Alors, qu'as tu fais de bon ? demanda t elle
- Ah parce que tu comptais manger ? s'inquiéta t il

Elle l'observa, les sourcils plissés.

- Eh bien oui.
- Oh, d'accord.

Ils s'examinèrent quelques instants, dans une seconde de flottement, et Ted s'éloigna, pendant que la femme éclatait de rire.

- Je prépare le repas, va te doucher mon sucre.

La femme hocha la tête et se glissa quelques instants après dans la salle de bain. Elle détacha ses cheveux châtains clairs, à la recherche de cheveux blancs, mais ceux ci n'étaient pas apparents -ou alors elle les avait déjà coupés la veille. Malgré tous ses combats, il était toujours difficile pour elle de voir ses cheveux vieillir aussi : elle aurait aimé continuer de grandir, plutôt que vieillir. Enfin, elle était consciente qu'à l'au grand âge canonique de trente trois ans, elle n'avait pas encore de pieds dans la tombe, mais enfin, la peur de vieillir, et donc de mourir, ne s'apaisait pas face à cette pensée. Elle se sourit dans la glace et ôta son haut, puis son soutien gorge. Avec un regard au départ craintif, elle osa enfin se détailler : tout allait bien, elle ne se considéra pas laide puis ce matin même. Puis, elle posa ses pieds dans la douche et alluma l'eau.

Il y a de là quelques jours, elle avait lu sur un blog ridicule que l'eau froide empêchait les seins de tomber, alors elle essaya le liquide glacial, avant de se raviser. Elle réalisa qu'elle était ridicule, après tout, que ses seins soient de deux centimètres plus bas que leurs places s'il y a dix ans, c'était tout à fait normal. Après tout, si cela ne convenait pas à Ted, il n'avait qu'à s'acheter une poupée. En se lavant, elle se surprit à se demander s'il la désirait toujours elle. S'il voyait en elle autre chose qu'un vagin ambulant, prête à assouvir ses désirs. Était elle toujours Paula, près de lui, ou bien juste son sucre ?

Elle sortit de la douche une vingtaine de minutes plus tard, toujours pensive, et enfila son petit pyjama favori, celui avec un haut tellement large qu'on ne devinait rien et un pantalon du même style. Paula brossa ses cheveux, avant de les joindre en une tresse, puis sortit de la salle de bain. Une odeur agréable régnait dans leur maison, que la femme reconnut comme celle des pizzas réchauffées. Elle secoua la tête, exaspérée, et rejoint Ted dans la cuisine.

- Tu es toujours aussi nul pour les plats, se moqua t elle gentillement
- Si seulement tu avais pris la peine de m'apprendre.

Elle s'affaissa contre l'encadrement de la porte et croisa les bras sur sa poitrine, en le détaillant. Ted avait une petite dizaine d'années de plus qu'elle, mais cela ne se remarquait pas, en dehors de la calvitie qui commençait à naître sur son crâne. Il avait cette cicatrice à la main -qu'il jurait de s'être fait en protégeant une ex-copine d'un ours, mais Paule était sure qu'il s'était simplement coupé le doigt en cuisinant- qui lui donnait un air redoutable, quand il le voulait. Ses cheveux roux brillaient au soleil.

- Dis ? demanda Paula
- Hm ?
- Tu m'aimes ?
- Bien sûr, oui. Je t'aime.

Elle hocha la tête, avec un rictus, et lui annonça qu'elle allait mettre la table, puisqu'il ne l'avait pas fait.

Le restant de la soirée se passa tranquillement, sans aucune surprise, en dehors du message que Paula reçut alors que Ted dormait, une main sur ses fesses, possessif.

Sam [22:34] : Mangeons demain ensemble, au bar où on se voit d'habitude. Ça te va ?
Paula [22:36] Oui, avec plaisir. À quelle heure ?
Sam [22:38] : 20h ?
Paula [22:42] : Parfait, à demain alors Sam

Paula posa son téléphone puis ferma les yeux, tentant de trouver le sommeil, mais elle ne parvenait pas à trouver le silence. Elle ne faisait que penser à demain, sans savoir pourquoi.

L'Aigle et le Loup Blanc [Bucky Barnes] MARVELDonde viven las historias. Descúbrelo ahora