ROSE | 1 & 2

CHAPITRE II

r o s e

Je triture la peau de mes doigts sous la table en attendant qu'ils arrivent. Assise sur la chaise adjacente à la mienne, Julia a les yeux rivés sur son téléphone et ne prête aucune attention à ma présence. Peut-être en ai-je trop espéré d'elle ? C'est déjà un exploit que nous puissions cohabiter dans la même pièce. Je devrais nous laisser le temps, ce n'est que le début... Un mince sourire étire mes lèvres à l'idée d'avoir une réelle relation saine avec elle.

— Qu'est-ce qui te fait sourire, grande sœur ?

Je lève les yeux vers l'origine de la voix. Noah. Les lèvres incurvées en un sourire amusé, il me scrute avec une lueur dans les yeux que je ne saurais décrire.

— Oh..., rien de spécial. J'étais dans mes pensées, rétorqué-je la boule au ventre.

La chaise à côté de moi grince lorsqu'il tire dessus pour s'asseoir.

— Pas de secret entre nous, Rose. Tu pensais à quoi ?

— Laisse la tranquille, Noah, intervient Julia.

Noah et moi tournons nos regards vers elle et tandis que je reste bouche bée face à sa réaction, le sourire de Noah s'élargit encore plus.

— Wow, Julia, tu prends vraiment à cœur ton rôle de grande sœur ! fait-il remarquer, visiblement très amusé.

— Ferme-là, tu veux ? répond-elle, ennuyée.

Le nœud qui comprime mon estomac se resserre et me donne envie de vomir mes tripes. Mes doigts restent crispés contre ma robe et je lutte contre moi-même pour ne pas intervenir. Je ne dois pas intervenir. Je n'en ai pas le droit.

Retiens-toi. Retiens-toi, Rose.

Ma raison échoue lamentablement. Alors que ma bouche s'entrouvre pour laisser échapper le son de ma voix, celle du majordome engloutis la mienne, dirigeant toute l'attention vers lui.

— Monsieur et madame Adams arrivent.

Un silence se creuse tandis que mon corps tout entier frissonne. Ils arrivent.

Je me lève brusquement. Ma cuisse cogne la table mais je me pince la lèvre inférieure pour dissiper la douleur. Leurs pas approchent et j'entends inévitablement la voix de William. Mon cœur s'affole à l'idée de le confronter. Je lance un regard vers Julia, qui est restée assise, pour déceler ne serait-ce qu'un fragment de victoire dans ses yeux. La peur qu'elle me piège encore une fois m'empêche de respirer correctement.

Pourquoi est-ce qu'ils m'accepteraient ? Pourquoi est-ce qu'ils voudraient tout recommencer à zéro ? Pour moi ? Ils ne le feraient jamais.

Je suis naïve, tellement naïve. Et je m'en veux d'être ce que je suis.

La tête baissée, je reste silencieuse alors qu'ils pénètrent le grand salon.

Il est là.

Des larmes bordent mes yeux en sentant sa présence tout près.

— Oh, Rose, tu es venu ! s'exclame sa voix rauque.

Je déglutis en ne levant toujours pas le regard.

— Oui...

Ma voix est à peine audible, j'ai la gorge nouée à cause de la frustration. A cause de ma stupidité.

— Je suis vraiment content que tu sois là, m'avoue William.

Troublée par son aveu, mon regard plonge dans le sien à la recherche d'un soupçon d'ironie. Mais je n'y trouve rien. Il a l'air, pour la première fois, sincère. Très sincère.