Revenge - Tome ⅠⅠ

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Svetlana Belov

Il y a des soirs où il m'est impossible de rester calme. Où la tension est trop forte pour être contenue, où l'impatience est l'unique émotion assez puissante pour me maintenir éveillée. Dans ce salon qui donne sur un des nombreux parcs de la ville, le temps s'écoule différemment. Les mentalités sont différentes, les comportements aussi - bien que les tenues soient raffinées comme si se tenait une soirée de gala, les circonstances ne sont pas propices à la distraction.

Dans ce salon où tout le monde souhaite la même chose, l'atmosphère est tendue. Sur les dix joueurs, il n'en reste plus que trois. Manolo, moi, et Belova. Ça ne fait pas longtemps que je joue vraiment au poker contrairement à eux. J'ai déjà fait des parties avec... J'ai déjà fait des parties, néanmoins ce n'était que pour le plaisir lors des soirées où nos travails étaient mis entre parenthèses. Ça égayait nos vies sombres la plupart du temps, la pression en continu disparaissait, les épaules se détendaient.

Toutefois, dans cette suite d'hôtel, la pression est à son comble. L'ambiance se tend encore un peu plus quand bien même plus rien ne se joue, les plus grosses fortunes s'étant fait éliminer les unes après les autres. Ces honnêtes hommes d'affaires venus s'installer en ville ne veulent s'imposer que par le jeu et dans les règles les plus strictes - si bien qu'ils ne gagnent jamais.

– Tu suis ou tu te couches Belov?

Yelena a le regard fixé sur moi, attendant ma remarque provocatrice. Une cigarette à la main et à moitié allongée sur son siège, elle a abandonné sa main sur la table, ne l'ayant regardé uniquement lorsqu'elle a été distribuée. Rien ne me dis si elle en a une plus forte que moi. Et ce n'est pas sa provocation qui pourra m'indiquer ce que je dois faire.

Elle a toujours eu un comportement provocateur, même envers sa supérieure. Ce n'est pas étonnant que pendant des soirées où des millions sont posés sur la table, elle irrite encore un peu plus.

Je sens les regards des huit hommes sur moi, prêts à réagir au moindre geste, à la moindre parole envers Belova. Le temps semble mis sur pause: personne n'ose bouger, n'ose parler. Comme si cela pouvait influencer mon choix, comme si la remarque de Yelena allait changer ma décision prise avant même qu'elle ne joue.

Ces minutes commencent à devenir interminables pour les joueurs autour de nous pourtant, perdues dans cette bataille de regards, nous ne faisons aucun mouvement. Elle fume sa cigarette calmement, dirigeant la fumée dans le visage de l'homme à sa droite, jetant les cendres dans le cendrier sur la table. Je la regarde essayer de me déstabiliser, sans succès. À force de la côtoyer, je suis devenue insensible à ses méthodes.

Alors quand, sans baisser mon regard, je pousse tous mes jetons au milieu, son sourire se fane instantanément. Les exclamations de surprise ne se font pas attendre, tout comme son regard meurtrier, avant qu'ils ne se répètent lorsque Yelena pousse ses jetons au milieu de la table, se confondant avec les miens. En voyant ça, Manolo se couche directement en disant qu'il n'est pas si fou pour perdre des millions inutilement.

Il y a exactement six millions huit cent mille au centre de la table. L'une d'entre nous repartira avec un compte en banque plus léger dans quelques minutes. Et tandis qu'elle écrase son mégot dans le cendrier, je quitte la table pour aller me servir un verre au bar.

– Whisky ou Rhum? Je lui demande en prenant la bouteille de vodka.

– Whisky.

Le verre me brûle la gorge et me fait monter les larmes aux yeux. Ma poitrine et mes joues se réchauffent, avant que les sensations ne disparaissent définitivement juste après. Elles s'évanouissent trop rapidement qu'un verre ne me suffit plus. Alors je retourne m'asseoir, la bouteille à la main et son verre dans l'autre.