17. BIENVENU DANS MON MONDE

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La journée se termine et Julien me laisse rentrer seule de mon côté et m'informe qu'il me rejoindra ce soir, après 20H00, histoire de faire sa valise.
Honnêtement l'idée que quelqu'un vienne vivre chez moi pendant trente jours ne m'emballe pas du tout.
Je m'empresse de téléphoner à Lila pour lui raconter ce qui s'est passé.
Il semblerait qu'elle soit déjà au courant puisque ma Lila c'est la meilleure et qu'elle a convaincu sa collègue de mettre la radio dans leur bureau tout le temps où je suis à l'antenne.
A entendre son rire, on dirait bien qu'elle est conquise par l'idée. Pour elle ce sera le moyen de me détacher de JD et surtout de me sociabiliser un peu plus.
Il faut savoir que depuis quelque temps, Lila est devenue presqu'accro aux tocards du « Marco Vivaldi ». Principalement de Marvin mais elle est tout aussi séduite, amicalement cela va de soi, par Julien qu'elle trouve « Intéressant et bourré de charme ».
En ce qui me concerne, les intérêts divergent selon les personnes et le charme est une conception qui m'est inaccessible. Donc pour résumé tout ça, je suis soulée de savoir que je vais passer tout ce temps à vivre avec lui, surtout qu'il ne faut pas oublier que je travaille avec.
Comme je vous le disais, je me suis ressaisie concernant JD et mes comportements qui étaient tout bonnement ridicules. J'ai eu des moments de faiblesses qui m'ont fait douter et surtout qui m'ont fait croire que le but de ma vie, depuis que je suis aveugle était de trouver quelqu'un qui partagerait mes pas, ma canne et Alexa.
Foutaises !
Mais je ne suis pas une altruiste, je ne vous apprends rien. Et personnellement je l'ai un peu mauvaise de m'être fait traiter comme ça par un Johny Depp en carton. Au fond de moi, j'espère sincèrement qu'il reviendra pour que je puisse le briser en mille morceaux.
La violence c'est moche, me direz-vous. Je sais. Mais c'est génial.
J'arrive alors chez moi et je reste sans pression. Je prends une douche, question de dire que je me décroche de toute cette transpiration « RERique ». J'enfile un pyjama bien trop grand sur lequel je ne cesse de marcher et pour être honnête je ne sais même pas à quoi il ressemble. C'est un cadeau de ma mère qui était toute fière de me l'offrir en me le décrivant comme une « tenue confortable faite expressément pour ceux qui ne sont pas sensibles aux couleurs ». En soi, elle a visé juste, je ne suis sensible à aucunes couleurs.
Je me fais cuire des pâtes et attends d'être alertée par le bruit de l'eau qui crame sur la plaque de cuisson. Il n'y a que comme ça que je parviens à savoir quand l'eau bout vraiment. L'histoire de l'index dont je me sers pour servir le vin risquerait de ne pas marcher comme il faut avec de l'eau brûlante.
Une fois prêtes, je me sers deux grosses louches et les recouvre de mayonnaise blanche, fade et sans saveur. C'est un spécial, j'en conviens, mais c'est exquis.
Je m'assois sur mon canapé et mange en écoutant ma playlist « Hasbeen » qui me tient en forme et me délecte de ce plat succulent que je déguste dans une bonne odeur de cramée persistante.
L'interphone sonne et je demande l'heure à Alexa avant de répondre.
Il est en avance.
Il pose sa valise sur le sol et au bruit que lourd que j'entends, je lui demande s'il a pris la peine de ramener son dressing dans son intégralité.
- Non, je n'ai pris que quelques affaires.
Pire qu'une gonzesse, ça va sans dire.
- Tu m'as préparé une assiette ?
- Non, réponds-je timidement la bouche pleine.
- Sympa.
- On devait manger ensemble à compter de ce soir ?
Il rit, amusé par mon manque évident de savoir-vivre.
Je pensais que les débuts de notre colocation en CDD seraient un peu gênants, mais c'était sans compter sur la capacité d'adaptation de Julien Blanqui. Je le devine assis devant mon meuble de télévision regardant mes vinyles que j'ai pris soin de ranger par artiste avec Lila il y a quelques temps.
- Tu aimes la bonne musique, me lance-t-il avant qu'Alexa n'enchaine ma playlist avec « Poetic Lovers ».
Sur le moment je me prépare, telle Xena la guerrière à essuyer quelques moqueries et des jugements de mauvais goûts quand je suis surprise de l'entendre chanter les paroles qu'il connait par cœur.
Je ris à pleine bouche et laisse certainement toutes mes pâtes mâchouillées à la vue de ce pauvre Pierre Niney.
Commence alors un duo phénoménal où la justesse de ma voix m'importe peu. Le seul but c'est de chanter plus fort que lui pour lui prouver que je connais mes classiques sur le bout des doigts. Il est tout aussi compétitif que moi et sa voix rauque recouvre la mienne sans peine. On s'adonne à ce petit jeu sur la chanson d'après, puis sur celle d'après puis encore sur celle qui suit. Arrive alors un rap à l'ancienne, un « Disiz La Peste » en mode « J'Pète les plombs » et je me persuade qu'il ne peut la connaitre, convaincue qu'il n'était pas le genre d'adolescent à écouter ce style de musique.
Je me suis complètement fourvoyée.
Le voilà qui se relève, entends-je par un coup de pieds qu'il donne dans la table basse et durcit sa voix pour chanter et être bien plus rappeur que Disiz lui-même.
La colocation ne va pas être si atroce finalement.
Julien est un mec drôle et plein de surprises.

DANS LE NOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant