👧🚉👦 Partie 6 (4 minutes)

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Vendredi

Maman oiseau nourrit bien ses petits. Ses aller-retours le confirment, bientôt ils prendront leur envole et laisseront le nid vide. Monsieur Saxo n'est pas dans son coin en revanche. Il a sûrement entendu mes pensées intérieures. La porte vitrée automatique semble avoir reçu un choute, le verre reflète un gros impact. Le sol est sale à cause de la pluie, mes cheveux dégoulinent. Je n'avais ni capuche ni parapluie quand, alors qu'il faisait si beau, l'averse est tombée.

Je traverse le hall, déboule sur le quai qui sent le chaud mélangé à l'humidité et l'aperçois de loin. J'accélère un peu la cadence, comme si je défilais sur un tapis roulant, je suis à deux mètres de lui. Je sursaute lorsqu'un des trains fait sonner son sifflet. Le mystérieux garçon reste à mon plus grand étonnement, imperturbable. C'est incroyable. Je continue de le suivre, je ne fais pas spécialement de bruit, mais je le vois se retourner furtivement. Il ne s'arrête pas cependant. Il est vraiment étrange. A-t-il peur de moi ? Non, sinon pourquoi hier se serait-il assis près de moi ? Sans me parler, certes, mais tout en me fixant de temps en temps. Cependant, jamais je ne pourrais engager la conversation sans paniquer !

Je le suis néanmoins et entre dans le wagon numéro deux. Va-t-il se retourner et me parler ? J'aimerais tant, malgré mes cheveux mouillés et collés sur mon front. Aurais-je le courage de le faire ? Je n'en suis pas sûre. Il part s'asseoir à sa place, je lui lance un coup d'œil qu'il capte et file dans mon wagon sans demander mon reste. Mince j'ai encore loupé ma chance !

Je suis à ma place, à maudire ma timidité. Je suis certaine que le destin veut que je lui parle. Nos échanges de regards doivent vouloir dire quelque chose ! Monsieur Geek et Madame Carré ne sont pas là, j'ai quatre places pour moi. C'était donc parfait pour discuter tranquillement, tant pis. Je vais pouvoir ruminer.

Soudain, alors que le train vient de démarrer, il s'installe en face de moi. Je le fixe. C'est le moment ! Je dois saisir ma chance ! J'espère néanmoins qu'il va parler en premier. Une minute s'écoule alors. Je me lance, d'une petite voix.

— Euh... salut.

Il sourit et hoche la tête, sans me répondre. Il est franchement bizarre. Je commence à me dire qu'il s'agit peut-être de quelqu'un ayant une allure normale, mais dont le cerveau est détraqué. Me veut-il du mal sous son regard perçant et doux ?

Puis il bouge la main. Il la place devant son menton puis l'avance vers moi quelque peu et reprend une posture normale. Je n'ai rien compris. Vient-il de se gratter le menton ? Voyant certainement mon regard ahuri, il me fait un autre signe. Celui de patienter. Patienter ? Mais pourquoi ? Il attrape son sac et en sort différents contenus. Un grand carnet blanc, où il déchire précipitamment une feuille. Puis il sort une boite de pinceau et mon cerveau valide une autre hypothèse. Il étudie l'art ! Il sort enfin une trousse avec différents crayons à papier et commence à marquer une phrase sur la feuille. Il tourne le carnet vers moi.

Je suis désolé, je ne peux pas te parler.

Je m'imagine soudain tout un tas de choses. Son comportement énigmatique, ses regards pour moi... Le fait qu'il n'aligne pas un mot depuis le début. Qu'il n'écoute pas de musique, probablement pour capter les moindres bruits ou conversations. Un agent du "FBI" en mission ? J'avoue que malgré son charme, son jeune âge, il passe inaperçu comme n'importe quel passager du train. Je me demande alors si lui parler ne pourrait pas le trahir. Je lui demande donc son carnet. J'emprunte son crayon.

Je comprends, tu es en mission ?

Je lui retourne le carnet, il lit et semble surpris, il esquisse un sourire étonné. Il doit penser que je suis maligne. J'ai tout de suite compris son jeu. Ce qu'il fait dans ce train. Il faut dire que depuis le début de l'année, je passe mon temps à épier les gens. Je deviens donc douée.

Il attrape le crayon encore dans ma main en me frôlant la peau. Je sursaute à ce contact. Je relève la tête et il a disparu, pour être remplacé par un homme en uniforme. J'ai la langue pâteuse. Je regarde autour de moi, le cherchant, mais je suis bien dans le train et le garçon mystère n'est plus. Le soleil commence néanmoins à décliner. Je ne comprends pas, il n'est même pas huit heures du matin.

— Mademoiselle, c'est le terminus.

C'est un des contrôleurs. Ai-je loupé mon arrêt ? J'ai dormi ?

Je regarde ma montre numérique. Nous sommes vendredi et il est vingt et une heures. La panique me gagne. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Puis, découvrant de la bave au coin des lèvres, je réalise que j'ai rêvé. Mais depuis quand ? Le garçon mystère à t-il vraiment existé ?

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Le Garçon du TRAIN - Nouvelle - TERMINÉEUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum