11

529 18 0
                                    

Normandie, 31 août 2019

- Le deuil, je commence. Tristesse, douleur éprouvée à la mort de quelqu'un d'après internet. Aujourd'hui nous faisons le deuil des souvenirs, le deuil de ta présence, de ton odeur et tout ce qui te définit. À toi mon cousin, notre cousin, notre ami, notre fils et bien d'autre. Nous te laissons partir, mais partout où nous irons, tu seras là, avec nous. Nous continuerons de te faire vivre à travers nos soirées, nos joies, nos peines.

Toute la salle m'écoute et les regards sont braqués sur moi.

- Nous sommes une grande famille, une grande famille soudée, qui ne c'est jamais effondrée. Pourtant, aujourd'hui j'ai l'impression qu'il y a une fissure qui s'est creusée, dis-je appuyée sur le pupitre. La première fissure pour nous tous, mais nous continuerons tout ce que tu avais commencé, les soirées déguisées, le get cinquante huit comme tu l'appelais si bien.

Des sourires se dessine au fur et à mesure de mon discours.

- Les musiques de Johnny n'auront plus les mêmes saveurs mais, nous continuerons d'écouter Laura et chanter à tue-tête. Nous n'allons pas te dire simplement adieu mais au revoir car nous nous reverrons et t'inquiète pas qu'on viendra là haut avec notre bouteille, dis-je dans un petit rire.

Lucas, Florian et tous nos amis d'enfances sont présent à m'écouter avec des sourires sur leurs visages malgré la situation.

- Ta première chute en moto on s'en souviendra, quand on venait te chercher en fauteuil roulant en traversant tout le village. Les croûtes dans le dos, la jambe entièrement plâtrée, les piqûres dans le ventre de tata pendant que tu dormais. On remercie d'ailleurs tata d'être infirmière.

Mon autre tata me fait un sourire.

- Et on voudrai tout de même te dire merci, merci pour ces souvenirs que tu nous a laissé. Ta passion pour les voitures, les motos et même les camions qu'on se le dise. Merci pour ces soirées, ces cuites par milliers qu'on a prise dans le dos des parents, désolée maman et tata, je dis avec un sourire. Je te promets aussi qu'on prendra toujours soin de N'amour.

Et j'ai continué de parler encore et encore, on m'avait confié cette tâche qui n'en était pas une réellement. Je crois que j'ai commencé mon deuil à ce moment là, en me forçant à faire un discours, j'ai mis des mots sur mes maux.

- Je vous remercie, dis-je en remontant le micro.

Je vais me rassois et à ce moment là je me rends compte que plus rien ne sera jamais pareil. Je crois qu'à partir de ce moment là ma vie a pris un autre tournant, comme si ma petite vie sans routine, sans prise de tête, s'est mise en pause à ce moment là.

- On est là si t'as besoin, me dit Florian en pressant mon épaule une fois qu'on était dehors.

- J'avais besoin de toi quand je suis arrivée sur Paris, je réponds en plantant mon regard dans le sien.

- C'est a cause de-

- Non, je le coupe. Ne mets pas la faute sur ta meuf, si t'avais porté tes couilles, on aurai pas eu besoin de se revoir seulement à l'enterrement de mon cousin.

Je vois Lucas baisser la tête et Florian le suit.

- Je suis pas ici pour parler de ça, au cas où j'ai toujours le même numéro, je finis par dire platement.

Je tourne mes talons et me place aux côtés de ma famille, j'avais une part de regrets dans les paroles que je venais de sortir. Mais je trouve ça hypocrite de revenir dans les moments douloureux, car quand il n'y avait que moi qui était malheureuse pendant un temps, ils n'étaient pas là.

- Ça va, me chuchote ma soeur.

- Je crois et toi, je réponds en chuchotant aussi.

Elle hausse les épaules.

- Je crois que je ne réalise pas.

Je réalisais juste que ma vie changerai à partir de ce moment là, j'ai toujours été la cousine un peu fofolle, la vagabonde, celle qui fait tout et n'importe quoi et qui ne refuse jamais rien. Et pourtant aujourd'hui j'ai senti mon cœur se fissurer en deux, j'ai pris conscience que rien ne serai plus jamais pareil. Que ma petite vie toujours un peu en freestyle ne serait plus pareille, mon cœur de cousine saigne. La douleur de ma famille, de mes oncles et tantes, de mes huit cousins et leurs enfants.

- J'ai mal au coeur, je finis par dire à ma sœur.

Ma voix se brise et ses yeux se remplissent de larmes.

- Je t'aime ma soeur, elle me dit en chuchotant. On se le dit jamais mais je crois que aujourd'hui nous avons la preuve que tout peut arriver vite.

Outro de M83 retentit et toutes nos têtes se baissent, le cercueil passe devant nous. Mon cœur se serre, ma cousine qui hurle à son frère de revenir, qu'il n'a pas le droit de la laisser et de l'abandonner, laisse une une plaie ouverte en moi.

- Pourquoi toi, hurle ma cousine retenue dans les bras de mon oncle.

Crois moi Léna, personne ne mérite de souffrir comme nous on souffre aujourd'hui. Elise me tient par la main, et nous suivons toutes ma famille pour la continuité de cette journée.

L'estomac retournée, mon stock de larme épuisée, je m'assois contre la rembarre de la plage. Je me décide enfin de rallumer mon téléphone, beaucoup de messages tombent. Des messages de soutien, certain plus tourné vers de la curiosité.

Juju à Moi :
Je viens d'apprendre ce qu'il se passe, bon courage pépette, on pense à toi avec Antoine.

Je ne réponds pas mais souris face à son message, jamais de long discours avec Justine. Lucas me tend une cigarette que j'accepte, la petite flamme me réchauffe le bout du nez.

- C'est pas le premier pote qu'on perd, il finit par me dire.

- Et ça ne sera pas le dernier, je finis par lui dire en recrachant la fumée de ma cigarette.

Mon cœur de cousine saigne, ma famille saigne.

NaturallyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant