Ça fait deux jours ! La nuit qui a suivi mon dernier rapport a été une réelle consolation. Pourquoi ? Bon, déjà je tiens à revenir sur les propos fielleux que j'ai tenus au sujet de Ove. Je crois que c'est la personne la plus géniale que je connaisse. Non, sérieusement, tout le monde sait très bien que je ne suis pas grand chose pour lui – je serais même une menace ambulante, vu ce qu'il s'est produit entre Oliver et lui – et pourtant il trouve le moyen de me remonter le moral comme personne. Je regrette ce que j'ai pu dire sur lui.
En fait, suite à la journée « ras-le-bol » durant laquelle Sawyer m'avait copieusement maltraitée – en vrai, si ça n'avait pas fait partie d'un entraînement auquel je participe volontairement, je pense que j'aurais dû passer un coup de fil aux gendarmes... (1) –, je m'étais couchée et pour la première fois depuis le début, je n'avais pas réussi à m'endormir sur le champ. Je pleurais en silence entre mes draps lorsque les Oncles sont venus prendre place dans leurs couchettes respectives. J'ai senti Ove s'allonger plus près de moi que d'habitude. Ça m'a agacée. J'avais envie de lui refaire le coup du rêve paradoxal et de lui donner un bon coup sur le nez mais la dernière chose dont j'avais envie était d'adresser la parole à l'un de ces crétins. La voix de Sawyer s'est élevée, douce :
— Elle dort déjà ?
J'ai senti la main du Scandinave passer sous mon nez.
— Ouais, a-t-il répondu.
Ma marque a un peu chauffé.
— Je n'ai pas été tendre avec elle, aujourd'hui... Damnú aír! (2) Je vais encore devoir la tirer du lit à quatre heures demain... a grogné l'Irlandais. Je suis trop vieux pour ces conneries...
Cette référence à L'Arme Fatale a fait ricaner Jonah et Ove. Le géant a soupiré :
— Il va pleuvoir pendant une semaine, à ce qu'il paraît.
— Ça veut dire qu'tu vas passer au niveau supérieur ? s'est renseigné le Suédois.
— Ove, tu sais parfaitement que je ne prends aucun plaisir à lui faire du mal. Elle l'a...
— Arrête, Sawyer, a soufflé le Viking en se frottant le visage vigoureusement. Tu m'as déjà expliqué trois cent mille fois ton avis et j'ai déjà dit qu'j'étais pas d'accord.
— Agree to disagree, a tranquillement déclaré Jonah. Sawyer est le Vétéran, Ove. Même si je trouve aussi qu'il manque parfois de sang-froid et de sagesse...
— ... merci pour le soutien, Jonah.
— Laisse-moi finir – là, qu'est-ce que je disais ? – même si Sawyer manque de patience et de recul, on peut confirmer qu'il est le plus apte d'entre nous à entraîner la petite.
— Ouais, enfin Feet of Flames a intérêt à se calmer un peu sur les patates dans la tête de témoins innocents. Nuka a dû me recoudre, je te signale.
— Je me suis excusé une bonne dizaine de fois et je t'ai même donné mon mot de passe Netflix.
— Boyd m'l'avait déjà donné, a rétorqué Ove dans un gromellement ronchon.
Sawyer a laissé filer quelques secondes et dans le noir, j'ai pu l'entendre sourire de toutes ses dents.
— Tu sais quoi, Ove ? Demain, je compte être immonde. Elle va fantasmer sur Oliver, après ça.
Dans le lit, à côté de moi, j'ai senti le corps du Suédois se contracter brutalement. J'ai carrément entendu les articulations de ses phalanges craquer. J'ai dû brider mon instinct de fuite – merci Saw pour l'entraînement ceci dit : deux mois avant, j'aurai sursauté tellement haut que j'en serais tombée du lit... – et j'ai réussi à garder une respiration de Belle au Bois Dormant (3).
