Le noir dedans (fin)

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3- Thomas Vinau a finalement changé d'avis et soumet un recueil plus conséquent. 

Il écrit une lettre à l'éditeur.

Inter-échange possible avec un lecteur ou une autre personne.

<< Mon cher Monsieur, mon cher éditeur

Vous voudrez bien, je l'espère, pardonner mon emportement lors de notre dernier entretien. Je suis en effet un sanguin, mais non un bilieux.

J'ai longuement réfléchi et je vous avoue humblement que j'avais tort. Mon entêtement à refuser de vous entendre et mes justifications à ne point en écrire davantage me sont apparus propres à la réaction d'un jeune enfant intolérant à la frustration. J'en suis honteux.

Ce qui a achevé de me décider à réviser ma position a été la lecture, édifiante pour moi, de ces quatre vers d'un auteur inconnu :

<< Noir c'est noir

Il n'y a plus d'espoir

Oui gris c'est gris

Et c'est fini >>.

Je suis resté songeur devant un tel élan poétique mélancolique et j'ai craint, j'ai redouté terriblement, même, que mes lecteurs n'aboutissent à une telle conclusion avec mes cinq vers.

Oui, Monsieur l'éditeur, je me fais des cheveux blancs pour mes chers lecteurs. Je suis soucieux de leur bien-être. Je ne voudrais surtout pas les laisser sombrer seuls dans la désespérance, voire l'inespérance.

Enfin, j'ai reçu une lettre d'une lectrice qui a emporté définitivement ma conviction de m'être leurré dans mon appréciation de l'ouvrage que je vous avais remis.

Je vous prie donc de trouver ci-joint mon recueil final et achevé, me semble-t-il, cette fois.

Je vous remercie de la confiance et l'estime que vous voudrez bien accorder à cet écrit.

Veuillez agréer, mon cher Monsieur, mon cher éditeur, mes sincères salutations

Thomas Vinau >>.

Aparté : << Ah, la lettre de ma chère lectrice. Elle m'a bien scotché, je l'avoue >>.

<< Mon cher Monsieur Thomas

Vous me permettrez, je l'espère, cette petite marque d'affection venant de Gisèle, la dévouée secrétaire de votre bon éditeur Monsieur Sun / Sun.

Eh oui, ce pauvre Monsieur a besoin de se rassurer en étant éclairé par deux soleils. J'imagine que le titre de votre nouveau recueil et les cinq vers qu'il contenait l'ont particulièrement effrayé et renvoyé à des terreurs infantiles.

J'ai entendu, les cloisons sont minces et ce n'est pas un hasard, l'intégralité de ses propos de réprobation. N'avez-vous donc point entendu son SOS ?

Dans cette maison, je me sens un peu la dame pipi de vous tous chers auteurs, publiés en devenir ou confirmés. A défaut de tendre du papier toilette, j'offre des mouchoirs et je console les malheureux qui se voient refuser l'édition. Je sèche les larmes, j'aide à moucher tous ces petits nez qui coulent. Dans ma coupelle, pas de piécette mais des petites douceurs sucrées pour réchauffer les âmes et les cœurs en peine.

Mais enfin, mon cher Monsieur Thomas, cinq vers pour Monsieur double soleil ! C'est de l'inconscience ! Il est vrai que vous nous surprenez à chaque fois. On passe d'une salade* à l'autre toujours excellemment assaisonnée. Vous lire m'a rendue végétarienne.

Ne pourriez-vous envisager d'agrémenter cette mise en bouche succulente de cinq vers très obscurs avec un peu plus d'ingrédients de votre cru si goûteux ?

Je vous laisse méditer sur cette citation que je trouve très éclairée : << In Vinau Veritas >>.

Tant d'auteurs sont tellement dans le :<< Vanitas vanitatum, omnia vanitas >> !

C'est pour cette raison que les modistes ne sont pas près de déposer la clé sous la porte grâce à la vente des chapeaux melon, il en faut pour contenir le coloquinte de ces messieurs !

Je vous souhaite une bonne journée. Sachez que dans mon bureau, vous trouverez toujours une oreille bienveillante et comme vous l'avez si bien écrit : ici ça va**.

Gisèle, votre dévouée >>.

* << Des salades>>

** <<Ici ça va >>

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