Chapitre 33

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C'est étonnant, mais la situation n'a pas encore explosé chez les Castelno. Sylvia, la mère de Tia, n'a pas encore comparé Bree à sa fille et aucun code rouge n'a encore été déclenché. En somme, l'absence de tumulte en deux jours est de bonne augure pour cette semaine de vacances. L'Illinois et la fabuleuse ville de Chicago peuvent s'en réjouir, et moi aussi.

Je connais bien cette ville, elle m'accompagne à chaque fois que je me rends chez Tia. D'ailleurs, le Hideout est notre quartier général, puisqu'il n'est pas souvent fréquenté par les touristes. C'est sans doute dû à sa devanture discrète, cachée par une porte en bois qui ne paie pas de mine.

De tout Chicago, c'est sans aucun doute mon bar préféré. J'aime ses murs en brique rouges apparentes recouverts d'affiches de concerts passés et de photos de musiciens. L'atmosphère, dégagée par le plafond bas en bois foncé et les lumières tamisées, y est sombre et intimiste. Les nappes rouges nous permettent de prendre de belles photos de nos verres et Tia et Bree ne s'en privent pas pour alimenter leurs stories sur les réseaux sociaux.

— Je me suis fait mon thème astral hier, et soudain tout a pris du sens. J'ai espoir, surtout après que Mercure nous a fait des siennes.

Les cheveux de mes amies ondulent légèrement sous les lumières tamisées, à cause de la fumée de cigarette qui flotte dans l'air. Avant, je pouvais faire dégager quelqu'un qui fumait à côté de moi, maintenant, cette odeur ne me répugne plus autant.

— Et c'est quoi, cette histoire de thème astral ?

Tia n'a aucun tact, elle ne cherche même pas à camoufler son ton moqueur. De toute façon, Bree est bien trop contente que la question soit posée pour remarquer quoique ce soit.

— Ton thème astral, c'est comme ta carte d'identité astrologique. C'est une carte du ciel au moment exact de ta naissance, qui révèle tout sur toi : tes forces, tes faiblesses, ton destin, tout !

Le tableau est plutôt amusant. Une Bree surexcitée et une Tia sceptique. Je retiens un rire. Il m'arrive parfois d'accuser mon signe astrologique pour certains de mes défauts et excès, c'est un peu la voie de la facilité. En plus, les autres confirment car souvent, quand je dis que je suis gémeaux, j'ai droit à un certain mépris mêlé à de la compassion.

"Ah, je comprends mieux" disent-ils. Pauvre signe mal-aimé et tourmenté.

— Ça a l'air trop beau pour être vrai, réplique Tia. J'y crois pas une seule seconde à ce truc de charlatan.

— Non, c'est vrai. Je suis Bélier ascendant Vierge et avec une Lune en Scorpion. Cela signifie que je suis passionnée, mais aussi très critique de moi-même, et que je suis émotionnellement profonde.

Elle se prend elle-même le visage en coupe et bat des cils. Le pire, c'est qu'elle n'a pas tort.

— J'ai rien compris mais je dois avouer que c'est impressionnant. Je me demande de quel signe astrologique sont les gens comme... Clyde Hawk. Y a un signe, pour les déchets ?

Je réponds à la question de Tia en gloussant :

— Sûrement ascendant chien de la casse.

Intervenir a été une mauvaise idée parce que l'attention se retrouve braquée sur moi comme des projecteurs aveuglants.

— Quant à toi, ne crois pas qu'on a pas remarqué que tu n'arrêtes pas de vérifier ton portable depuis tout à l'heure.

La voix de Tia surpasse la musique de fond. Comme toujours, le groupe est très talentueux. Je fais mine de bouger ma tête en rythme et de ne pas avoir entendu sa remarque.

— Sympa leurs chansons, non ?

— Ta tentative d'esquiver le sujet est aussi habile qu'un éléphant en tutu qui essaie de danser sur un fil de fer.

Je tousse d'amusement et le contenu de mon cocktail me sort par les narines. Et c'est le fou rire pour toutes les trois. Un grand sourire aux lèvres, elle hausse les épaules et boit son verre cul sec. Je crois être sortie d'affaires quand Bree demande :

— Alors, c'est les messages de qui, que tu attends ?

Elle a l'air aussi enthousiaste que quand elle parle astrologie. Et moi, je panique. Guère habile dans l'art du mensonge, je suis pourtant persuadée que la vérité n'est pas non plus la solution la plus sage sur ce coup-là.

— Salut, les filles.

Sauvée par le gong. Un mec se tient devant nous, la posture avenante, une chope de bière à la main. Bien qu'un peu négligé, il est plutôt mignon. Ses écarteurs aux oreilles font de lui le cliché parfait du musicien qui vit de sa passion.

— Alors, ça vous a plu ? On joue régulièrement ici. On revient vendredi, d'ailleurs, pour le show de variétés.

Il nous explique que c'est un évènement annuel organisé par le bar, où les habitués et les artistes locaux présentent des numéros de variétés. Bree est la seule qui alimente son discours. Ils parlent de tournées, de la vie d'artiste, de rêves de jouer à l'international. Sa capacité à sociabiliser avec tout le monde m'épate à chaque fois. Je réalise que la confiance en soi est un réel pouvoir. Tia ne cesse de me fixer en plissant les yeux mais je l'ignore et feins d'être concentrée sur la conversation entre Bree et... Chuck, il s'appelle, je crois. Du coin de l'œil, je déplore encore mon écran de téléphone inanimé. Je ne sais pas pourquoi je m'imaginais qu'il m'enverrait des messages simplement parce qu'il a mon numéro.

— J'adore ta guitare, miaule Bree. Je peux l'essayer ?

Je ne sais pas s'il existe plus heureux que Chuck à ce moment précis. Il accepte et est en admiration en voyant sa guitare aux mains d'un avion de chasse comme Bree.

— Ellie, tu peux me prendre en photo ?

Elle me tend son téléphone. Tia s'incruste, se jette devant l'objectif et provoque l'hilarité de Bree. Pas certaine que Chuck apprécie que sa guitare soit bousculée ceci dit.

— Oh, mais on n'a qu'à prendre un selfie avec tout le groupe ? Venez !

Chuck se place à côté de Bree, Tia m'étrangle avec son bras autour de mon cou (elle sait que si elle ne force pas, je ne fais jamais de câlin), et les trois autres grands mecs du groupe viennent se poster derrière moi. Je tends le bras en essayant de prendre tout le monde et m'efforce de ne pas avoir un sourire coincé. Je n'ai pas le temps de regarder la photo que Bree me reprend son téléphone dans les mains. À coup sûr, j'ai une sale tête.

— Et voilà, c'est posté sur les réseaux. On va faire des jalouses en si bonne compagnie ! s'excite Bree.

C'est vrai que les gars du groupe ont un sacré charme. En vérifiant sur son profil, je peux confirmer que je fais tache sur la photo. On ne voit que le corps magnifique de Bree à qui la guitare de Chuck va si bien.

— Ça fait à peine quelques secondes et vous ne devinerez jamais qui vient de liker la photo.

Peut-être que Bree est suivie par des célébrités, ça ne m'étonnerait pas. Elle garde le mystère pendant quelques secondes, puis lâche :

— Ace Jones.

Voilà, bonne soirée ❤️

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Voilà, bonne soirée ❤️

Poison (terminée)Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang